Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Stalactites et concrétions du mica

STALACTITES ET CONCRÉTIONS DU MICA

La première et la plus pure de ces concrétions est le talc qui n’est formé que par de petites parcelles de mica demi-dissoutes, ou du moins assez atténuées pour faire corps ensemble et se réunir en lames minces par leur affinité. Les micas blancs et colorés produisent, par leur agrégation, des talcs qui présentent les mêmes couleurs et qui ne diffèrent des micas qu’en ce qu’ils sont en lames plus étendues et plus douces au toucher. Le talc est donc la plus simple de toutes les concrétions de ce verre primitif ; mais il y a un grand nombre d’autres substances micacées dont l’origine est la même et dont les différences ne proviennent que du mélange de quelques autres matières qui leur ont donné plus de solidité que n’en ont les micas et les talcs purs : telles sont les pierres auxquelles on a donné le nom de stéatites parce qu’elles ont quelque ressemblance avec le suif par leur poli gras et comme onctueux au toucher. La poudre de ces pierres stéatites, comme celle du talc, s’attache à la peau et paraît l’enduire d’une sorte de graisse : cet indice, ou plutôt ce caractère particulier, démontre évidemment que le talc domine dans la composition de toutes les stéatites dont les principales variétés sont les jades, les serpentines, les pierres ollaires, la craie d’Espagne, la pierre de lard de la Chine et le crayon noir ou la molybdène, auxquelles on doit encore ajouter l’asbeste, l’amiante, ainsi que le cuir et le liège de montagne : toutes ces substaces, quoi qu’en apparence très différentes entre elles, tirent également leur origine de la décomposition et de l’agrégation du mica ; ce ne sont que des modifications de ce verre primitif plus ou moins dissous, et souvent mélangé d’autres matières vitreuses, qui, dans plusieurs de ces pierres, ont réuni les particules micacées de plus près qu’elles ne le sont dans les talcs, et leur ont donné plus de consistance et de dureté ; car toutes ces stéatites, sans même en excepter le jade dans son état de nature, sont plus tendres que les pierres qui tirent leur origine du quartz, du jaspe, du feldspath et du schorl ; parce que des cinq verres primitifs, le mica est celui qui, par son essence, a le moins de solidité, et que même il diminue celle des substances dans lesquelles il se trouve incorporé, ou plutôt disséminé.

Toutes les stéatites sont plus ou moins douces au toucher, ce qui prouve qu’elles contiennent beaucoup de parties talqueuses ; mais le talc n’est, comme nous l’avons dit, que du mica atténué par l’impression des éléments humides : aussi, lorsqu’on fait calciner du talc[1] ou de la poudre de ces pierres stéatites, le feu leur enlève également cette propriété onctueuse ; ils deviennent moins doux au toucher, comme l’était le mica avant d’avoir été atténué par l’eau.

Comme les micas ont été disséminés partout dès les premiers temps de la consolidation du globe, les produits secondaires de ces concrétions et agrégations sont presque aussi nombreux que ceux de tous les autres verres primitifs : les micas en dissolution paraissent s’être mêlés dans les quartz gras, les pétro-silex et les jades dont le poli ou la transparence graisseuse provient des molécules talqueuses qui y sont intimement unies. On les reconnaît dans les serpentines et dans les pierres ollaires, qui, comme les jades, acquièrent plus de dureté par l’action du feu ; on les reconnaît de même dans la pierre de lard de la Chine et dans la molybdène. Toutes ces stéatites ou pierres micacées sont opaques et en masses uniformément compactes ; mais les parties talqueuses sont encore plus évidentes dans les stéatites dont la masse n’est pas aussi compacte et qui sont composées de couches ou de lames distinctes, telles que la craie de Briançon ; enfin, on peut suivre la décomposition des micas et des talcs jusqu’aux amiantes, asbestes, cuir et liège de montagne, qui ne sont que des filets très déliés, ou des feuillets minces et conglomérés d’une substance talqueuse ou micacée, lesquels ne se sont pas réunis en larges lames, comme ils le sont dans les talcs.


Notes de Buffon
  1. Les stéatites ont beaucoup de rapport avec les pierres ollaires : leur onctuosité est telle que, lorsqu’on les touche, elles produisent la même sensation qu’occasionne une pierre enduite d’une légère couche d’huile. Lorsque ces pierres sont calcinées, elles deviennent rudes au toucher, solides et composées de petits feuillets opaques et brillants ; elles prennent alors le nom de talcite… On trouve de ces talcites micacées dans les environs du Vésuve et de l’ancien cratère du volcan d’Albano près de Rome, qui est aujourd’hui un lac nommé Lago di castello, parce qu’il est situé près de Castel-Gondolfe. Lettres de M. Demeste, t. Ier, p. 544.