Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Stalactites cristallisées du feldspath

STALACTITES CRISTALLISÉES
DU FELDSPATH

Le feldspath, dont la densité et la dureté sont à peu près les mêmes que celles du quartz, en diffère néanmoins par des caractères essentiels, la fusibilité et la figuration en cristaux ; et cette cristallisation primitive du feldspath, ayant été produite par le feu, a précédé celle de tous les cristaux quartzeux qui ne s’opère que par l’intermède de l’eau.

Je dis que la cristallisation du feldspath a été produite par le feu primitif ; et pour le démontrer, nous pourrions rappeler ici toutes les preuves sur lesquelles nous avons établi que les granits, dont le feldspath fait toujours partie constituante, appartiennent au temps de l’incandescence du globe, puisque ces mêmes granits, ainsi que les verres primitifs dont ils sont composés, ne portent aucune empreinte ni vestige de l’impression de l’eau, et que même ils ne contiennent pas l’air fixe qui se dégage de toutes les substances postérieurement formées par l’intermède de l’eau, c’est-à-dire de toutes les matières calcaires ; on doit donc rapporter la cristallisation du feldspath dans les granits à cette époque où le feu, et le feu seul, pénétrait et travaillait le globe avant que les éléments de l’air et de l’eau volatilisés, et encore relégués loin de sa surface, n’eussent pu s’y établir.

Il en est de même du schorl, dont la cristallisation primitive a été opérée par le même feu, puisqu’en prenant les schorls en général, il en existe autant et plus en forme cristallisée dans les granits que dans les masses secondaires qui en tirent leur origine.

On reconnaît aisément le feldspath et les matières qui en proviennent au jeu de la lumière qu’elles réfléchissent en chatoyant, et nous verrons que les extraits de ce verre primitif sont en assez grand nombre, mais ils ne se présentent nulle part en aussi gros volume que les cristaux quartzeux ; les extraits ou stalactites du feldspath sont toujours en assez petits morceaux isolés, parce qu’il ne se trouve lui-même que très rarement en masses un peu considérables.

Dans cette recherche sur l’origine et la formation des pierres transparentes, je fais donc entrer les caractères de la densité, dureté, homogénéité et fusibilité, que je regarde comme essentiels et très distinctifs, sans rejeter celui de la forme de cristallisation, quoique plus équivoque ; mais on ne doit regarder la couleur que comme une apparence accidentelle qui n’influe point du tout sur l’essence de ces pierres, la quantité de la matière métallique qui les colore étant presque infiniment petite, puisque les cristaux teints de violet, de pourpre, de jaune, de vert, ou du mélange de ces couleurs, ne pèsent pas plus que le cristal blanc, et que les diamants couleur de rose, ou jaunes ou verts, sont aussi de la même densité que les diamants blancs.

Et, comme nous ne traitons ici que des stalactites transparentes, et que nous venons de présenter celles du quartz, nous continuerons cette exposition par les stalactites du feldspath, et ensuite par celles du schorl : ces trois verres primitifs produisent des stalactites transparentes ; les deux autres, savoir : le jaspe et le mica, ne donnent guère que des concrétions opaques, ou tout au plus à demi transparentes, dont nous traiterons après celles du quartz, du feldspath et du schorl.