Dieu ! quel essaim de jeunes filles
Passe et repasse sous mes yeux !
Au printemps toutes sont gentilles ;
Toutes ; mais quoi ! me voilà vieux.
Cent fois redisons-leur mon âge :
Les cœurs jeunes sont insensés.
Endossons le manteau du sage.
Passez, jeunes filles, passez.
Voilà Zoé qui me regarde.
Zoé, votre mère, entre nous,
Dirait de combien je retarde
Quand vient l’heure du rendez-vous.
Pour un amant elle est sévère :
S’il n’aime trop, il n’aime assez.
Suivez les conseils d’une mère.
Passez, jeunes filles, passez.
Votre grand’mère, aimable Laure,
Des amours m’a transmis la loi.
Elle veut l’enseigner encore,
Bien qu’elle ait dix ans plus que moi.
Au salon ou sur la pelouse,
Laure, jamais ne m’agacez :
Grand’maman est un peu jalouse.
Passez, jeunes filles, passez.
Rose, vous daignez me sourire.
Éprouvez-vous quelque accident ?
Chez vous, la nuit, ai-je ouï dire,
On surprit un noble imprudent.
Mais la nuit fait place à l’aurore ;
Aux maris gaîment vous chassez.
Pour vous je suis trop jeune encore.
Passez, jeunes filles, passez.
Passez vite, folles et belles ;
Un doux feu cause votre émoi.
Craignez que quelques étincelles
N’arrivent de vous jusqu’à moi.
Sous les murs d’une poudrière
Par le temps presque renversés,
La main devant votre lumière,
Passez, jeunes filles, passez.