Œuvres complètes de Béranger/Les Contrebandiers
Pour les autres éditions de ce texte, voir Les Contrebandiers.
LES CONTREBANDIERS c*
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
Il est minuit. Çà, qu’on me suive,
Hommes, pacotille et mulets.
Marchons, attentifs au qui vive.
Armons fusils et pistolets.
Les douaniers sont en nombre ;
Mais le plomb n’est pas cher ;
Et l’on sait que dans l’ombre
Nos balles verront clair.
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
Camarades, la noble vie !
Que de hauts faits à publier !
Combien notre belle est ravie
Quand l’or pleut dans son tablier !
Château, maison, cabane,
Nous sont ouverts partout.
Si la loi nous condamne,
Le peuple nous absout.
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
Bravant neige, froid, pluie, orage,
Au bruit des torrents nous dormons.
Ah ! qu’on aspire de courage,
Dans l’air pur du sommet des monts !
Cimes à nous connues,
Cent fois vous nous voyez
La tête dans les nues
Et la mort sous nos pieds.
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
Aux échanges l’homme s’exerce ;
Mais l’impôt barre les chemins.
Passons : c’est nous qui du commerce
Tiendrons la balance en nos mains.
Partout la Providence
Veut, en nous protégeant,
Niveler l’abondance,
Éparpiller l’argent.
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
Nos gouvernants, pris de vertige,
Des biens du ciel triplent le taux,
Font mourir le fruit sur sa tige,
Du travail brisent les marteaux.
Pour qu’au loin il abreuve
Le sol et l’habitant,
Le bon Dieu crée un fleuve :
Ils en font un étang.
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
Quoi ! l’on veut qu’uni de langage,
Aux mêmes lois longtemps soumis,
Tout peuple qu’un traité partage
Forme deux peuples d’ennemis.
Non ; grâce à notre peine,
Ils ne vont pas en vain
Filer la même laine,
Sourire au même vin.
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
À la frontière où l’oiseau vole,
Rien ne lui dit : Suis d’autres lois.
L’été vient tarir ta rigole
Qui sert de limite à deux rois.
Prix du sang qu’ils répandent,
Là, leurs droits sont perçus.
Ces bornes qu’ils défendent,
Nous sautons par-dessus.
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
On nous chante dans nos campagnes,
Nous, dont le fusil redouté,
En frappant l’écho des montagnes,
Peut réveiller la liberté.
Quand tombe la patrie
Sous de voisins altiers,
Mourante elle s’écrie :
À moi, contrebandiers !
Malheur ! malheur aux commis !
À nous, bonheur et richesse !
Le peuple à nous s’intéresse :
Il est de nos amis.
Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.
c*. Le Bon Sens d’un homme de rien est un livre d’un grand sens fait par un homme de beaucoup d’esprit. Dans un cadre fort original, l’auteur, philanthrope consciencieux et instruit, a traité beaucoup de questions économiques qu’il a su revêtir d’une forme à la fois piquante et familière. Les questions politiques y sont également abordées avec une franchise toute bretonne. Le style de cet ouvrage, remarquable par une correction sans recherche et une naïveté sans affectation, décèle un très rare talent d’écrivain, fait pour s’illustrer dans la défense des intérêts populaires. À l’appui de cette opinion, on peut lire le discours prononcé par M. Bernard, à la Chambre, lors de la discussion sur la réforme du Code pénal.
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
↑ Haut