Œuvres complètes de Béranger/Les Chantres de Paroisse

Pour les autres éditions de ce texte, voir Les Chantres de Paroisse.


LES CHANTRES DE PAROISSE

OU
LE CONCORDAT DE 1817
chanson à boire
SEPTEMBRE 1817
Air du Bastringue (Air noté )


Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Buvons, nous, chantres de paroisse,
À qui nous tire enfin d’angoisse.
D’abord, pour ne rien oublier,
Remontons à François premier[1].


Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

À Gonsalvi buvons un verre ;
Il a deux fois fait même affaire ;
Mais cette fois, de droit divin,
L’église y gagne un pot-de-vin[2].

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Des deux clés de notre bon pape
L’une du ciel ouvre la trappe ;
Et l’autre aux griffes du légat
Ouvre les coffres de l’état.

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.


Si de nos coqs la voix altière[3]
Troubla l’héritier de saint Pierre,
Grâce aux annates[4], aujourd’hui
Nos poules vont pondre pour lui.

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Rendons Avignon au Saint-Père[5] ;
Il le veut, et c’est là, j’espère,
Prouver aux Français dépouillés
Qu’il est un de nos alliés.

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Qu’importe qu’à Rome on détruise
Les libertés de notre église[6] ?

Nous devons à nos députés
Déjà tant d’autres libertés !

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Moines et prieurs vont revivre[7].
Il faut qu’avant peu le grand-livre,
Servant à nos pieux desseins,
Soit mis au rang des livres saints.

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Dans chaque ville, un séminaire[8]
Désormais sera nécessaire ;
C’est un hôpital érigé
Aux enfants trouvés du clergé.

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;

Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Pour les protestants, qu’on tolère[9],
Au ciel nous craignons de déplaire ;
Mais qu’il nous passe encor longtemps
Nos Suisses qui sont protestants.

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Chantres, pour nous combien d’offices !
Nous n’irons plus dans les coulisses
Brailler en chœur à l’Opéra[10] ;
Et l’église nous suffira.

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.

Oui, chantres, c’est à nous de boire :
Ce Concordat fait notre gloire,

Car le bon temps revient grand train,
Où les rois chantaient au lutrin.

Gloria tibi, Domine !
                Que tout chantre
            Boive à plein ventre ;
Gloria tibi, Domine !
Le Concordat nous est donné.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LES CHANTRES DE PAROISSE.

Air du Bastringue.
No 121



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\addlyrics {
Glo -- ri -- a ti -- bi Do -- mi -- ne
Que tout chan -- tre
Boive à plein ven -- tre
Glo -- ri -- a ti -- bi Do -- mi -- ne
Le Con -- cor -- dat nous est don -- né.
Bu -- vons nous chan -- tres de pa -- rois -- se
À qui nous tire en -- fin d’an -- gois -- se
D’a -- bord pour ne rien ou -- bli -- er
Re -- mon -- tons à Fran -- çois pre -- mier.
}

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  1. Le premier article du concordat de 1817 remet en vigueur celui de François Ier et de Léon X.
  2. Ce concordat et celui de 1801 sont l’ouvrage du cardinal Hercule Gonsalvi.
  3. Le coq des drapeaux de la république française.
  4. Les annates, redevances payées au Saint-Siège, par suite du concordat de François Ier.
  5. Le pape réclame encore Avignon dans la bulle de circonscription des diocèses.
  6. Les libertés de l’église anglicane compromises par le concordat de François Ier, ce qui l’empêcha d’être enregistré par plusieurs parlements.
  7. Une des bulles de Pie VII contient ces expressions : Nous dotons en biens-fonds et en rentes sur l’état les archevêques et évêques, etc.
  8. Le pape recommande l’érection de nouveaux séminaires.
  9. Lisez la déclaration adressée au Saint-Siège par M. de Blacas, le 15 juillet 1817.
  10. On assure que plusieurs chantres de paroisse font partie des chœurs de nos théâtres.