Voyez ce vieux marquis
Nous traiter en peuple conquis ;
Son coursier décharné
De loin chez nous l’a ramené.
Vers son vieux castel
Ce noble mortel
Marche en brandissant
Un sabre innocent.
Chapeau bas ! Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas !
Aumôniers, châtelains,
Vassaux, vavassaux et vilains,
C’est moi, dit-il, c’est moi
Qui seul ai rétabli mon roi.
Mais s’il ne me rend
Les droits de mon rang,
Avec moi, corbleu !
Il verra beau jeu.
Chapeau bas ! Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas !
Pour me calomnier,
Bien qu’on ait parlé d’un meunier,
Ma famille eut pour chef
Un des fils de Pépin-le-Bref.
D’après mon blason
Je crois ma maison
Plus noble, ma foi,
Que celle du roi.
Chapeau bas ! Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas !
Qui me résisterait ?
La marquise a le tabouret.
Pour être évêque un jour
Mon dernier fils suivra la cour.
Mon fils le baron,
Quoique un peu poltron,
Veut avoir des croix ;
Il en aura trois.
Chapeau bas ! Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas !
Vivons donc en repos.
Mais l’on m’ose parler d’impôts !
À l’état, pour son bien,
Un gentilhomme ne doit rien.
Grâce à mes créneaux,
À mes arsenaux,
Je puis au préfet
Dire un peu son fait.
Chapeau bas ! Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas !
Prêtres que nous vengeons,
Levez la dîme, et partageons ;
Et toi, peuple animal,
Porte encor le bât féodal.
Seuls nous chasserons,
Et tous vos tendrons
Subiront l’honneur
Du droit du seigneur.
Chapeau bas ! Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas !
Curé, fais ton devoir ;
Remplis pour moi ton encensoir.
Vous, pages et varlets,
Guerre aux vilains, et rossez-les !
Que de mes aïeux
Ces droits glorieux
Passent tout entiers
À mes héritiers.
Chapeau bas ! Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas !