Œuvres complètes de Béranger/Le Bon Français

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LE BON FRANÇAIS


chanson
CHANTÉE DEVANT DES AIDES-DE-CAMP DE L’EMPEREUR ALEXANDRE


MAI 1814


Air : J’ons un curé patriote (Air noté )


    J’aime qu’un Russe soit Russe,
    Et qu’un Anglais soit Anglais.
    Si l’on est Prussien en Prusse,
    En France soyons Français.
    Lorsqu’ici nos cœurs émus
    Comptent des Français de plus[1],
        Mes amis, mes amis,
    Soyons de notre pays,
Oui, soyons de notre pays.

    Charles-Quint portait envie
    À ce roi plein de valeur[2]
    Qui s’écriait à Pavie :
    Tout est perdu, fors l’honneur !

    Consolons par ce mot-là
    Ceux que le nombre accabla.
        Mes amis, mes amis,
    Soyons de notre pays ;
Oui, soyons de notre pays.

    Louis, dit-on, fut sensible[3]
    Aux malheurs de ces guerriers
    Dont l’hiver le plus terrible
    A seul flétri les lauriers.
    Près des lis qu’ils soutiendront,
    Ces lauriers reverdiront.
        Mes amis, mes amis,
    Soyons de notre pays ;
Oui, soyons de notre pays.

    Enchaîné par la souffrance,
    Un roi fatal aux Anglais[4]
    A jadis sauvé la France
    Sans sortir de son palais.
    On sait, quand il le faudra,
    Sur qui Louis s’appuîra[5].
        Mes amis, mes amis,
    Soyons de notre pays ;
Oui, soyons de notre pays.


    Redoutons l’anglomanie,
    Elle a déjà gâté tout.
    N’allons point en Germanie
    Chercher les règles du goût.
    N’empruntons à nos voisins
    Que leurs femmes et leurs vins.
        Mes amis, mes amis,
    Soyons de notre pays ;
Oui, soyons de notre pays.

    Notre gloire est sans seconde :
    Français, où sont nos rivaux ?
    Nos plaisirs charment le monde,
    Éclairé par nos travaux.
    Qu’il nous vienne un gai refrain,
    Et voilà le monde en train !
        Mes amis, mes amis,
    Soyons de notre pays ;
Oui, soyons de notre pays.

    En servant notre patrie,
    Où se fixent pour toujours
    Les plaisirs et l’industrie,
    Les beaux-arts et les amours,
    Aimons, Louis le permet,
    Tout ce qu’Henri-Quatre aimait.
        Mes amis, mes amis,
    Soyons de notre pays ;
Oui, soyons de notre pays.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LE BON FRANÇAIS

Air : J’ons un curé patriote
No 36



\relative c'' {
  \time 2/4
  \key g \major
  \tempo "Allegro."
  \autoBeamOff
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 110
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\partial 4 g8 g  
  \appoggiatura b16 a8 g g g
  \appoggiatura b16 a8 g g g
  a c b a
g4 g8 g
  \appoggiatura b16 a8 g g g
  \appoggiatura b16 a8 g g g
  a c b a
g4 d'8 d
  c b a g
  a4 d8 d
  c b a g
a4 g8 g
  \appoggiatura b16 a4 g8 g
  \appoggiatura b16 a4 g8 g |
  a b c a
d d c b
  c a g fis
  g4 \bar "||"
}

\addlyrics {
J’ai -- me qu’un Rus -- se soit Rus -- se
Et qu’un An -- glais soit An -- glais
Si l’on est Prus -- sien en Prus -- se
En Fran -- ce soy -- ons Fran -- çais
Lors -- qu’i -- ci nos cœurs é -- mus
Comp -- tent des Fran -- çais de plus
Mes a -- mis, mes a -- mis
Soy -- ons de no -- tre pa -- ys
Oui, soy -- ons de no -- tre pa -- ys.
}

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  1. Il est nécessaire de rappeler que M. le Comte d’Artois avait dit : « Il n’y a rien de changé en France ; il n’y a qu’un Français de plus. »
  2. François Ier.
  3. Les journaux du temps racontèrent que, sur une lettre du roi, l’empereur Alexandre avait promis de renvoyer en France tous les prisonniers faits sur nous dans la malheureuse campagne de Russie.
  4. Charles V, dit le Sage.
  5. Le roi avait dit à Saint-Ouen, aux maréchaux Masséna, Mortier, Lefèvre, Ney, etc., qu’il s’appuierait sur eux.