Œuvres complètes de Béranger/Jean de Paris
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JEAN DE PARIS
Ris et chante, chante et ris ;
Prends tes gants et cours le monde ;
Mais, la bourse vide ou ronde,
Reviens dans ton Paris ;
Ah ! reviens, ah ! reviens, Jean de Paris. (bis.)
Toujours, dit la chronique ancienne,
Jean, sur son grand sabre, a sauté,
Quand, de leur ville, avec la sienne
Des sots comparaient la beauté :
Proclamant sur son âme,
En prose ainsi qu’en vers,
Les tours de Notre-Dame,
Centre de l’univers.
Ris et chante, chante et ris ;
Prends tes gants et cours le monde ;
Mais, la bourse vide ou ronde,
Reviens dans ton Paris ;
Ah ! reviens, ah ! reviens, Jean de Paris.
S’il franchit la grande muraille ;
S’il cocufie un mandarin ;
Du peuple magot s’il se raille ;
À Paris s’il revient grand train ;
L’espoir qui le domine,
C’est, chez son vieux portier,
De parler de la Chine
Aux badauds du quartier.
Ris et chante, chante et ris ;
Prends tes gants et cours le monde ;
Mais, la bourse vide ou ronde,
Reviens dans ton Paris ;
Ah ! reviens, ah ! reviens, Jean de Paris.
Je veux de l’or beaucoup et vite,
Dit-il, au Pérou débarquant.
À s’y fixer chacun l’invite :
Me prend-on pour un trafiquant ?
Loin de mes dix maîtresses,
Fi de ce vil métal !
Je préfère aux richesses
Paris et l’hôpital.
Ris et chante, chante et ris ;
Prends tes gants et cours le monde ;
Mais, la bourse vide ou ronde,
Reviens dans ton Paris ;
Ah ! reviens, ah ! reviens, Jean de Paris.
À la guerre gaîment il vole,
Pour la croix ou pour Saladin :
Se bat, jure, pille et viole,
Puis à Paris écrit soudain :
« Que ma gloire s’étende
« Du Louvre aux boulevards ;
« Qu’un ramoneur y vende
« Mon buste pour six liards. »
Ris et chante, chante et ris ;
Prends tes gants et cours le monde ;
Mais, la bourse vide ou ronde,
Reviens dans ton Paris ;
Ah ! reviens, ah ! reviens, Jean de Paris.
En Perse, il prétend qu’une reine
Lui dit un soir : Je te fais roi.
Soit ! répond-il ; mais pour ma peine,
Jusqu’au Pont-Neuf viens avec moi.
Pendant huit jours de fête,
Tout Paris me verra
Montrer, couronne en tête,
Mon nez à l’Opéra.
Ris et chante, chante et ris ;
Prends tes gants et cours le monde ;
Mais, la bourse vide ou ronde,
Reviens dans ton Paris ;
Ah ! reviens, ah ! reviens, Jean de Paris.
Jean de Paris, dans ta chronique,
C’est nous qu’on peint, nous francs badauds.
Quittons-nous cette ville unique,
Nous voyageons Paris à dos.
Quel amour incroyable
Maintenant et jadis,
Pour ces murs dont le diable
A fait son paradis !
Ris et chante, chante et ris ;
Prends tes gants et cours le monde ;
Mais, la bourse vide ou ronde,
Reviens dans ton Paris ;
Ah ! reviens, ah ! reviens, Jean de Paris.
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
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