Œuvres complètes de André Chénier, 1819/Idylles/Lydé

LYDÉ


Mon visage est flétri des regards du soleil.
Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil.
J’ai suivi tout le jour le fond de la vallée ;
Des bêlemens lointains partout m’ont appelée.
J’ai couru : tu fuyais sans doute loin de moi :
C’était d’autres pasteurs. Où te chercher, ô toi
Le plus beau des humains ? Dis-moi, fais-moi connaître
Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître.

Ô jeune adolescent ! tu rougis devant moi.
Vois mes traits sans couleur ; ils pâlissent pour toi
C’est ton front virginal, ta grâce, ta décence ;
Viens. Il est d’autres jeux que les jeux de l’enfance.
Ô jeune adolescent, viens savoir que mon cœur
N’a pu de ton visage oublier la douceur.
Bel enfant, sur ton front la volupté réside.
Ton regard est celui d’une vierge timide.
Ton sein blanc, que ta robe ose cacher au jour,
Semble encore ignorer qu’on soupire d’amour.
Viens le savoir de moi. Viens, je veux te l’apprendre ;
Viens remettre en mes mains ton ame vierge et tendre,

Afin que mes leçons moins timides que toi
Te fassent soupirer et languir comme moi ;
Et qu’enfin rassuré, cette joue enfantine
Doive à mes seuls baisers cette rougeur divine.
Ô je voudrais qu’ici tu vinsses un matin
Reposer mollement ta tête sur mon sein
Je te verrais dormir, retenant mon haleine ;
De peur de t’éveiller, ne respirant qu’à peine.
Mon écharpe de lin que je ferais flotter,
Loin de ton beau, visage aurait soin d’écarter
Les insectes volans et la jalouse abeille.
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