Œuvres complètes d’Hippocrate (trad. Littré)/tome 1/12

Traduction par Émile Littré.
Baillière (Tome premierp. 292-439).

CHAPITRE XII.

DE CHACUN DES LIVRES DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE EN PARTICULIER.

Quatre règles ont présidé à la classification, que je fais, dans ce chapitre, des écrits hippocratiques.

La première prend son autorité dans les témoignages directs, c’est-à-dire dans ceux qui précèdent la formation des bibliothèques publiques d’Alexandrie.

La seconde est tirée du consentement des anciens critiques. Ce consentement, ainsi que je l’ai fait voir, étant d’un grand poids à cause des documents qu’ils possédaient, mérite beaucoup d’attention de la part des critiques modernes.

La troisième dérive de l’application de certains points de l’histoire de la médecine, points qui me paraissent offrir une date, et par conséquent une détermination positive.

La quatrième résulte de la concordance qu’offrent les doctrines, de la similitude que présentent les écrits, et du caractère du style.

J’ai rangé ces quatre règles d’après l’importance que je leur attribue. La première dépasse toutes les autres en autorité ; j’y subordonne les trois dernières. Ces règles ainsi posées, ce n’est plus mon propre jugement, ce sont elles qui décident si un livre doit être considéré comme appartenant à Hippocrate. Mon goût particulier n’a plus rien à faire dans cette détermination, mon choix est contraint. Il y a tel écrit que volontiers j’aurais attribué à Hippocrate, par exemple, le traité du Régime (περὶ διαίτης, en trois livres) ; mais tous les critiques anciens l’ayant rejeté, je me suis vu obligé, par la règle même que j’ai posée, de le rejeter aussi. Je partage tous les écrits de la Collection hippocratique en onze classes.

Ire classe. — Écrits qui sont véritablement d’Hippocrate.

IIe classe. — Écrits de Polybe.

ΙΙIe classe. — Écrits antérieurs à Hippocrate.

IVe classe. — Écrits qui, dépourvus d’une autorité suffisante pour être attribués à Hippocrate, portent le cachet de l’école à laquelle il appartenait.

Ve classe. — Livres qui ne sont qu’un recueil de notes, d’extraits.

VIe classe. — Livres qui, étant tous d’un même auteur, forment une série particulière dans la collection hippocratique. Cet auteur n’est pas connu.

VIIe classe. — Un seul traité auquel un témoignage d’Aristote s’applique peut-être.

VIIIe classe. — Traités postérieurs à Hippocrate, composés vers le temps d’Aristote et de Praxagore.

IXe classe. — Série de traités, de fragments, de compilations, qui n’ont été cités par aucune critique de l’antiquité.

Xe classe. — Notice des écrits que nous avons perdus, et qui faisaient partie, dans l’antiquité, de la Collection hippocratique.

ΧIe classe. — Pièces apocryphes.

PREMIÈRE CLASSE.

Livres qui sont d’Hippocrate : De l’Ancienne médecine ; le Pronostic ; les Aphorismes ; les Épidémies, 1er et 3e livres ; du Régime dans les maladies aiguës ; des Airs, des Eaux et des Lieux : des articulations ; des Fractures ; des instruments de réduction ; des Plaies de tête ; le Serment ; la Loi.

De l’ancienne médecine[1]. Quoique, par tout ce qui précède, j’aie préparé des ressources pour la discussion de chacun des écrits de la Collection hippocratique en particulier, cependant il me reste quelques questions épineuses à traiter ; je commence immédiatement par la plus laborieuse de toutes. La solution que j’en donne est un des résultats nouveaux de mon travail d’introduction, et un de ceux qui ont vivement excité mon intérêt. Car, croyant retrouver ici ce que Platon avait admiré dans Hippocrate, je me suis complu à rechercher la trace d’une communication entre ces deux grands esprits, presque contemporains.

La plupart des critiques modernes, Mercuriali, Gruner, s’accordent à regarder le traité de l’Ancienne médecine comme n’appartenant pas à Hippocrate, et comme étant postérieur à ce médecin. Au contraire, Érotien, parmi les critiques de l’antiquité, attribue cet écrit à Hippocrate lui-même. Mais son témoignage est le plus ancien que nous possédions à cet égard, et l’assertion d’un écrivain qui a vécu plus de quatre siècles après le médecin de Cos ne suffirait pas, en l’absence de toute autre, pour entraîner la conviction. Aussi, manquant de renseignements qui dépassent l’époque d’Érotien, et ébranlé par les objections des critiques modernes qui rejettent du canon hippocratique le traité de l’Ancienne médecine, j’étais longtemps resté dans le doute ; et, quoiqu’une lecture attentive et répétée me prouvât que ce traité renfermait une doctrine identique à celle de l’école de Cos, et tenait par une foule de points à plusieurs autres écrits véritablement hippocratiques, quoique j’y retrouvasse les préceptes les plus dignes d’admiration sur l’art d’observer en médecine, et les principaux traits du système d’Hippocrate lui-même, je n’osais, sur de pareilles présomptions, me mettre au-dessus de l’avis de mes prédécesseurs, ni prendre, sans une plus ample certitude, un parti qui aurait toujours pu être taxé de conjecture hasardée. D’ailleurs, il entre dans les règles de critique que je me suis faites, de chercher d’autres preuves d’authenticité que celles qui résultent de l’examen du style, ou même de l’examen des pensées et des doctrines, et d’être surtout satisfait lorsque j’ai rencontré quelque témoignage qui se rapproche du temps même où a vécu Hippocrate.

Or, j’ai découvert, je pense, en faveur du traité de l’Ancienne médecine, un de ces témoignages décisifs qui, une fois reconnus, ne laissent plus de place pour aucun doute : c’est celui de Platon. Ce philosophe cite, à différentes reprises et toujours avec éloge, Hippocrate nominativement ; et le soin même qu’il a d’invoquer l’autorité du médecin de Cos, montre qu’il était familier avec ses écrits. On lit dans le Phèdre : « Socrate. — Penses-tu qu’on puisse comprendre, jusqu’à un certain point, la nature de l’âme, sans étudier la nature de l’ensemble des choses ? Phèdre. — Si l’on en croit Hippocrate, le fils des Asclépiades, on ne peut comprendre même la nature du corps sans cette méthode. Socrate. — C’est très bien, mon ami, qu’Hippocrate s’exprime ainsi. Mais, outre Hippocrate, il faut interroger la raison, et examiner si elle s’accorde avec lui. Phèdre. — Sans doute. Socrate. — Vois donc ce que Hippocrate et la raison pourraient dire sur la nature. Quel que soit l’objet dont on s’occupe, n’est-ce pas de la manière suivante qu’il faut procéder : examiner d’abord si l’objet sur lequel nous voulons nous instruire et instruire les autres, est simple ou composé ; ensuite, dans le cas où il serait simple, considérer quelles sont ses propriétés, quelle action il exerce sur les autres substances, ou quelle action il en reçoit ; enfin, dans le cas où il serait composé, en compter les éléments, et faire, pour chacun de ces éléments, ce qui avait été fait pour l’objet simple, c’est-à-dire, l’étudier à l’état actif et à l’état passif[2]. » J’ai transcrit ce long morceau de Platon parce qu’il est indispensable pour juger la discussion dans laquelle je vais entrer. Pesons d’abord exactement les éléments de la question, et voyons ce que comportent les termes dont s’est servi le philosophe athénien. Platon ne nous donne pas le titre d’un écrit d’Hippocrate ; il ne dit ni ne fait entendre que son allusion soit tirée de quelque livre qui ait été intitulé sur la Nature de l’homme ; il se borne à rappeler qu’Hippocrate a exprimé l’opinion qu’on ne peut bien étudier le corps, sans embrasser l’étude de la nature dans sa généralité. Il ne faut donc pas chercher, dans le passage de Platon, l’indication d’un titre d’ouvrage.

Je ne connais, sur ce point littéraire, que deux opinions, celle de Galien, qui assure que Platon a voulu citer le traité de la Nature de l’homme, et celle de quelques modernes qui pensent que le livre d’Hippocrate auquel le philosophe athénien fait allusion, est perdu, et l’est depuis une époque antérieure à Galien. Cette discussion est de la plus haute importance dans l’histoire littéraire d’Hippocrate ; en effet, il s’agit, dans la liste fort restreinte des écrits authentiques, de retrouver un traité dont Platon a invoqué l’autorité.

Galien a prétendu que le passage du Phèdre se rapportait au traité de la Nature de l’homme, et c’est son grand argument pour soutenir l’authenticité de cet écrit. « Tous les médecins, dit-il, excepté un petit nombre, croient que le traité de la Nature de l’homme est d’Hippocrate. Platon lui-même a connu ce traité. Car on lit dans le Phèdre : Penses-tu qu’on puisse connaître quelque peu la nature de l’âme sans connaître celle de l’universalité des choses ? s’il faut croire Hippocrate, fils des Asclépiades, on ne peut pas même connaître le corps sans cette méthode. Après ce passage, ceux qui parlent au hasard, doivent rechercher dans quel livre d’Hippocrate est consignée la méthode que loue Platon ; et ils verront qu’elle ne se rencontre dans aucun autre livre que dans celui sur la Nature de l’homme[3] » On voit quel est l’argument de Galien : la méthode attribuée par Platon à Hippocrate ne se trouve dans aucun livre de la Collection, excepté ce traité ; donc il est celui auquel Platon fait allusion. D’abord remarquons, ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, qu’il ne s’agit pas dans le passage du Phèdre d’un titre de livre. Par conséquent il importe peu que le traité où Galien croit retrouver l’allusion de Platon, soit intitulé sur la Nature de l’homme.

Le médecin de Pergame ajoute que la méthode louée par Platon est observée dans ce traité ; cela est vrai jusqu’à un certain point ; mais, n’en déplaise à Galien, cela est vrai aussi pour d’autres traités, où l’auteur énumère les éléments constitutifs du corps humain. Et d’ailleurs, il ne s’agit pas uniquement dans le passage du Phèdre de cette méthode ; mais il s’agit aussi de l’opinion d’Hippocrate sur la nécessité d’embrasser la généralité de la nature pour étudier convenablement le corps. Or, rien de cela ne se lit dans le traité que Galien avait pris sous sa protection ; et la seule phrase un peu générale que ce traité renferme est celle où l’auteur dit : « Ceux qui sont habitués à entendre sur la nature de l’homme des raisonnements qui dépassent les relations de cette étude avec la médecine, ne seront pas satisfaits de mon discours[4]. » Or, il n’y a rien là qui rappelle, même de loin, le passage de Platon.

Parmi les critiques modernes, ceux qui, ne suivant pas aveuglément Galien, ont voulu comparer eux-mêmes le Phèdre et le traité de la Nature humaine, se sont convaincus que ce passage et ce traité n’ont rien de commun. Mais ils n’ont pas étendu plus loin leurs recherches, et ils ont admis que le livre d’Hippocrate auquel Platon faisait allusion, avait péri dès avant Galien. Mais cette conséquence est-elle juste ? je ne le pense pas ; et je vais essayer de le démontrer au lecteur. On voit que, depuis Galien, ce point d’histoire littéraire n’a point sérieusement occupé les critiques ; c’est une raison de plus pour que j’en discute minutieusement tous les éléments ; et peut-être en résultera-t-il la preuve qu’une étude attentive des textes peut encore, même après les excellents travaux de nos devanciers, jeter un jour inattendu sur des questions qui avaient été abandonnées.

Il y a, dans la Collection hippocratique, deux passages relatifs à la nature de l’homme et à la nature des choses : c’est avec ces deux passages qu’il faut confronter le texte de Platon. En effet, le philosophe athénien n’a point cité les propres paroles d’Hippocrate ; mais il s’est inspiré d’une pensée qu’il avait rencontrée dans les écrits du médecin, qui l’avait frappé, et qu’il avait retenue. C’est donc uniquement de cette pensée qu’il s’agit ; c’est elle qu’il faut retrouver ; et, s’il y a des passages dans la Collection hippocratique qui renferment une idée analogue, c’est là seulement qu’on peut espérer de reconnaître l’allusion de Platon. Le cercle de toute recherche y est strictement limité.

Le premier de ces passages est dans le traité sur le Régime ; on y lit : « Celui qui veut écrire convenablement sur le régime doit, avant tout, connaître et discerner la nature de tout l’homme, c’est-à-dire, connaître de quels éléments l’être humain a été formé d’abord, et discerner quelles parties y dominent. Car, s’il n’apprend pas la composition primordiale du corps et les parties qui y dominent, il ne pourra pas donner de directions utiles. Après avoir approfondi ces connaissances, l’écrivain étudiera les propriétés, tant naturelles que produites par la force de l’art, des aliments et des boissons… Cela fait, le soin de la santé de l’homme n’est pas encore complet ; car l’homme ne peut pas, en mangeant, se bien porter, s’il ne s’exerce en même temps. La nourriture et l’exercice ont des propriétés opposées… Ce n’est pas tout : il faut apprendre le rapport exact des exercices avec la quantité des aliments, avec la nature de l’individu, avec l’âge, avec la saison, avec les changements des vents, avec la situation des localités, avec la constitution de l’année. On observera aussi le lever et le coucher des constellations, afin de savoir se prémucontre les mutations et les influences quelquefois excessives de la nourriture, de l’exercice, des vents et du monde entier ; mutations et influences qui engendrent les maladies[5] »

J’ai dit un peu plus haut, mais sans en apporter immédiatement la preuve, que la méthode attribuée par Platon à Hippocrate, où Galien n’a vu que l’étude des objets dans leurs éléments, et qu’il dit ne se trouver que dans le traité sur la Nature de l'homme, se rencontrait dans d’autres écrits de la Collection hippocratique. Le passage que je viens de transcrire du livre du Régime en offre un exemple entre plusieurs autres ; et ainsi, en cela même, l’argument de Galien n’est pas concluant.

L’auteur de ce morceau expose des idées générales sur la nature de l’homme, sur les rapports qu’elle a avec les substances extérieures et avec les influences du monde entier ; et en cela il est conforme à ce qui en est dit dans le Phèdre ; mais on n’y trouve pas énoncée la nécessité d’études dont la généralité ait pour terme l’étude du corps. « Pour établir le régime, dit l’auteur hippocratique, il faut connaître l’homme, les éléments qui le composent et les influences qu’il subit. » Mais, suivant Platon, Hippocrate a dit : « Pour connaître l’homme, il faut embrasser l’universalité des choses qui l’entourent. » C’est là la méthode attribuée par Phèdre à Hippocrate, et cette méthode ne se trouve pas dans le passage du traité du Régime. Dans ce passage, l’idée est juste, elle exprime que l’étude du régime ne peut se séparer de la connaissance de l’homme et des choses extérieures. Or, suivant Platon, Hippocrate a dit que l’étude de l’homme ne peut se passer de la connaissance de l’universalité des choses ; pensée toute différente et plus profonde. La ressemblance entre le passage du traité du Régime et la citation de Platon, est donc plus dans les mots que dans le sens ; je l’abandonne complètement.

Le second passage qui me reste à confronter avec le Phèdre, se trouve dans le traité de l’Ancienne médecine. Le voici textuellement traduit : « Quelques-uns disent, sophistes et médecins, qu’il n’est pas possible de savoir la médecine sans savoir ce qu’est l’homme, et que celui qui veut pratiquer avec habileté l’art de guérir, doit posséder cette connaissance. Mais leurs discours ont la direction philosophique des livres d’Empédocle et des autres qui ont écrit sur la nature humaine, et exposé dans le principe ce qu’est l’homme, comment il a été formé d’abord, et d’où provient sa composition primordiale. Pour moi, je pense que tout ce que sophistes ou médecins ont dit ou écrit sur la nature, est moins relatif à l’art de la médecine qu’à l’art du dessin. Je pense encore que c’est par la médecine seule que l’on arrivera à quelques connaissances positives sur la nature humaine ; mais à condition d’embrasser la médecine même dans sa véritable généralité ; sans cela, il me semble qu’on est bien loin de telles connaissances, je veux dire de savoir ce qu’est l’homme, par quelles causes il subsiste, et le reste exactement. Ainsi, je crois fermement que tout médecin doit étudier la nature humaine, et rechercher soigneusement, s’il veut pratiquer son art convenablement, quels sont les rapports de l’homme avec ses aliments, avec ses boissons, avec tout son genre de vie, et quelles influences chaque chose exerce sur chacun[6]. »

Comprenons bien le sens de ce morceau d’Hippocrate : certains médecins et sophistes prétendent qu’on ne peut savoir la médecine sans connaître la nature de l’homme ; Hippocrate retourne cette pensée, et dit qu’on ne peut connaître la nature de l’homme, si l’on ne sait pas la médecine. Pour y arriver, il faut embrasser cette science dans sa véritable généralité. Cette généralité, c’est l’étude de l’homme, en ce sens que c’est l’étude de ses rapports avec ce qui l’entoure, et que c’est de cet ensemble que le médecin doit tirer les détails d’application, c’est-à-dire apprendre comment le corps humain se comporte à l’égard des aliments, par exemple, et quel effet il reçoit de chaque substance. Phèdre donne le nom de méthode à la doctrine d’Hippocrate sur ce point. Une méthode est en effet tracée dans le passage précédemment cité de l’Ancienne médecine. Hippocrate se met au point de vue des connaissances qu’embrasse cette science, et des rapports qu’elle observe entre l’homme et le reste des choses, pour considérer le corps, et déclarer qu’on n’obtiendra sur cet objet des notions positives que par la méthode qu’il indique. Et c’est si bien une méthode, qu’il ne la trace que pour l’opposer à celle des anciens philosophes. Eux ont pris l’homme et ont essayé d’en expliquer la composition à l’aide des principes qu’ils admettaient comme causes de toutes choses ; lui, demande qu’on procède autrement, qu’on embrasse, dans sa véritable généralité, la médecine, c’est-à-dire la science des rapports du corps humain avec les objets qui l’entourent, et que, de cette comparaison, on tire les conséquences scientifiques qui en découlent : assurant que c’est là la seule voie, la seule méthode, comme dit Platon, qui puisse donner des notions positives sur le corps.

Toute la portée de la pensée d’Hippocrate est dans son opposition avec la doctrine des philosophes qui voulaient qu’on étudiât l’homme en soi, pour en déduire, dans le cas particulier de la médecine, les règles de l’art. Hippocrate s’arrache à cette doctrine ; et il demande que les études, au lieu de partir de l’homme, y aboutissent. La différence est capitale ; elle a frappé Platon. Aussi il répète, à son tour, qu’il faut étudier l’âme dans tous ses rapports avec le reste de la nature pour en avoir une conception juste et complète, et il ajoute que cette méthode doit d’autant plus être suivie à l’égard de l’âme, que le corps, moins difficile à connaître, ne peut cependant, au dire d’Hippocrate, être, sans elle, ni étudié convenablement, ni connu, ni apprécié. Le philosophe a appliqué à la psychologie l’idée profonde et étendue à la fois que le médecin s’était faite de l’étude de la physiologie.

Et dans Hippocrate, ce n’est pas une pensée fortuite, jetée en passant dans le cours d’un livre, car ce livre tout entier est une longue polémique contre les philosophes et les médecins de son temps. Il met sa doctrine en relief, et l’on conçoit d’autant mieux qu’elle ne soit pas restée inaperçue de Platon ; car elle est fondamentale, exprimée avec gravité, et d’un ton propre à attirer l’attention. Elle secoue tout le dogmatisme qui reposait sur la considération de la composition hypothétique du corps humain, et déclare hardiment qu’il faut renoncer à étudier le corps en lui-même ; qu’il faut y voir, non un point de départ, mais un centre, et en chercher la connaissance aussi bien dans l’action du reste des choses que dans sa propre constitution. C’est une pensée analogue à celle que Bacon a exprimée en disant que personne ne peut découvrir la nature d’une chose dans cette chose elle-même, mais que la recherche doit s’étendre à des objets plus généraux.

Il y a en outre, dans ce passage, un sentiment profond de la réalité des choses, et, par conséquent, la haine des hypothèses gratuites. Évidemment, Hippocrate a compris que les propriétés du corps vivant ne pouvaient être déduites, à priori, des suppositions qui avaient été faites sur la constitution présumée de ce même corps, mais qu’elles devaient être trouvées, expérimentalement, à posteriori, par l’examen des actions que chaque chose produit en lui (ὅτι, άφ’εκάστου ἑκάστῳ συμβήσεται. Il ne veut pas que, pour apprendre la médecine, on apprenne ce qu’est l’homme suivant la direction philosophique d’Empédocle et des autres ; mais il veut que, pour apprendre ce qu’est l’homme, on étudie quels sont les rapports du corps vivant avec les aliments, les boissons, et tout le genre de vie ; et c’est de cette façon, dit-il, qu’on apprendra ce qu’est l’homme, et par quelles causes il subsiste (ἄνθρωπος τί ἐστι, καὶ δι’οἵας αἰτίας γίνεται). Fermeté et rectitude admirables d’un grand esprit qui ne se laisse séduire par aucune fausse hypothèse, et qui, captivé par la contemplation de la nature, recommande de l’interroger, et non de la deviner.

J’ai prévenu, dès le commencement, en disant que la citation de Platon n’est pas textuelle, une objection que l’on est disposée faire en voyant que les expressions du philosophe : la nature de l’ensemble des choses (τῆς τοῦ ὅλου φύσεως) ne se trouvent pas dans le passage du livre de l’Ancienne médecine auquel, suivant moi, le Phèdre fait allusion. C’est ici le moment d’y revenir ; car, au point où la discussion est arrivée, on comprendra sans peine que Platon n’a nullement cité les propres termes d’Hippocrate. Dans le Phèdre, Socrate, après avoir dit que Périclès devait sa supériorité comme orateur aux leçons d’Anaxagore, qui l’avait entretenu des phénomènes de la nature, ajoute que la haute éloquence ne peut guère se passer de la contemplation de ces merveilles. Il compare alors l’art de la parole à la médecine, disant que, de même que la nature du corps doit être connue du médecin, de même la nature de l’âme doit l’être de l’orateur, si l’un et l’autre veulent exercer leur art avec des lumières meilleures que celles de l’empirisme et de la routine. Puis il demande à son interlocuteur si l’on peut comprendre la nature de l’âme sans celle de l’ensemble des choses. On voit que ses idées se suivent, et que ce sont Anaxagore et Périclès qui lui ont suggéré son opinion sur l’éloquence, et, par un enchaînement naturel, sur l’étude de l’âme. Phèdre lui répond que l’étude même du corps n’est possible que d’après cette méthode, si l’on en croit Hippocrate. C’est donc une méthode seulement, et non une expression du médecin de Cos, que Platon cite, méthode qui consiste à ramener l’étude de toute chose vers le corps humain pour en comprendre la nature. Or que trouvons-nous dans le passage de l’Ancienne médecine ? une méthode, et justement la méthode indiquée par Platon. Ainsi le philosophe athénien n’a pas emprunté ces mots : la nature de l’ensemble des choses, à Hippocrate ; le texte même le montre ; et les propres paroles de Platon, et le sens qu’elles renferment, tout concourt pour rapporter le passage du Phèdre au traité de l’Ancienne médecine.

Une difficulté reste encore à lever dans le passage de Platon. Il en est des recherches de la critique comme des recherches de la médecine légale. Il faut noter toutes les circonstances ; les plus petites, les plus insignifiantes au premier abord, ou même les plus inexplicables, donnent, si l’on parvient à en déterminer avec exactitude les tenants et les aboutissants, des clartés tout à fait inattendues sur l’objet caché que l’on essaye de découvrir. J’ai donc pensé que ce qui, dans le texte de Platon, faisait difficulté, devait non seulement s’expliquer, mais encore tourner à la confirmation du point d’histoire littéraire que j’avais établi plus haut.

La difficulté gît dans ces paroles de Platon : vois donc ce qu’Hippocrate et la raison pourraient dire sur la nature (Σκόπει τί ποτέ λέγει ’Ιπποκράτης τε καὶ ὁ ἀληθὴς λόγος) : à la suite de quoi, Platon expose comment on doit étudier la nature d’un objet quelconque. Or ce détail n’est pas, textuellement du moins, dans le traité de l’Ancienne médecine ; c’est un fait, et loin de le nier, je le constate. Si donc ces mots : (Σκόπει τί ποτέ λέγει ’Ιπποκράτης τε καὶ ὁ ἀληθὴς λόγος) annoncent une citation textuelle d’Hippocrate, comme cette citation ne se trouve ni dans le traité de l’Ancienne médecine ni ailleurs, tout ce que j’ai établi tombe, et nous avons perdu le livre auquel Platon fait allusion. Mais je maintiens que ce n’est pas une citation textuelle, et je vais le démontrer par le passage même de Platon.

Il y a dans ce passage trois points :

1° la méthode d’Hippocrate ; 2° l’intention de soumettre cette méthode au jugement de la raison ; 3° l’annonce de ce que diront Hippocrate et la raison. Ainsi ce que vont dire Hippocrate et la raison, est ce jugement même porté sur la méthode. Par là Platon indique que ce développement, qu’il attribue simultanément à Hippocrate et à la raison, n’est pas du médecin de Cos, mais que c’est lui, Platon, qui examine et juge la valeur de la proposition d’Hippocrate.

C’est pour répondre à cette pensée de Platon que j’ai traduit : vois donc ce qu’Hippocrate et la raison pourraient dire sur la nature. Cette traduction fait sentir que ce qui va être dit est, non pas une citation d’Hippocrate, mais un développement de sa pensée.

Tous les traducteurs que j’ai consultés ont rendu autrement ce membre de phrase ; ils ont mis : vois ce que disent Hippocrate et la raison. Cette traduction ne répond pas au sens même du texte, et donne du louche à tout le morceau ; en effet, elle porte à croire que ce qui va être dit est textuellement emprunté à Hippocrate ; alors il est impossible de comprendre comment Platon, qui veut soumettre une proposition d’Hippocrate au jugement de la raison, cite Hippocrate lui-même en garantie.

En effet, on a négligé une petite observation grammaticale qui aurait pu remettre sur la bonne voie. Le Grec ne dit pas : τί λέγει Ἱπποκράτης τε καὶ ὁ ἀληθὴς λόγος, mais : τί ποτε λέγει. Il y a là une nuance qui n’a pas été saisie. La particule explétive n’est jamais inutile ; parfois, il est vrai, la distinction est si fugitive, qu’une traduction l’omettra sans inconvénient, mais d’autres fois elle ne peut être négligée impunément ; ici elle donne à la phrase une signification dubitative dont il faut tenir compte, et que j’ai indiquée dans ma traduction en disant : vois donc ce qu’Hippocrate et la véritable raison pourraient dire sur la nature. De cette façon, ce qui va être dit est simplement un développement de la proposition d’Hippocrate, une explication de la méthode, explication que la raison approuve et confirme. La nuance que je signale ici n’est même pas aussi délicate qu’elle le paraît au premier abord. En effet, du moment que l’attention est appelée sur ce point, on reconnaît qu’il y a une difficulté inaperçue des traducteurs, mais difficulté réelle, pour savoir comment Platon entend soumettre la méthode d’Hippocrate au jugement de la raison, tout en invoquant simultanément le témoignage d’Hippocrate et de la raison. Mettez : vois ce que disent Hippocrate et la raison, la difficulté est palpable, et le sens est troublé. Mettez : vois ce que pourraient dire Hippocrate et la raison, le sens est net, et tout se lie et s’explique.

Ce n’est pas tout : le passage de Platon ne devient clair et intelligible que par le passage d’Hippocrate. En effet, écartons pour un moment le souvenir de la doctrine du médecin, et considérons en lui-même le raisonnement du philosophe. Il commence par poser qu’on ne peut connaître l’âme ou le corps sans l’étude de l’ensemble des choses. Il faut s’arrêter à cette pensée, qui est pleine de grandeur, et essayer de la comprendre, sans tenir aucun compte du commentaire qu’y joint Platon. Le sens le plus naturel qu’elle comporte paraît être que, l’âme et le corps étant des parties d’un grand tout, la connaissance du tout est indispensable à la connaissance des parties. C’est la première interprétation qui se présente à l’esprit. Mais de quelle manière Platon commente-t-il lui-même cette pensée ? Suivant lui, cela veut dire que, pour étudier la nature d’une chose, du corps ou de l’âme, par exemple, il faut rechercher si elle est simple ou composée, et quelles sont les actions qu’elle exerce ou qu’elle reçoit. La pensée et le commentaire sont fort éloignés l’un de l’autre ; étudier l’ensemble des choses pour connaître la nature d’un objet, et étudier les actions que cet objet exerce ou reçoit, ne semblent pas deux propositions dérivées l’une de l’autre par un enchaînement immédiat. L’étude de l’ensemble des choses ne peut signifier l’étude des actions qu’exerce ou que reçoit un objet, qu’autant que cette doctrine est expliquée. Or, rien de plus clair que cette explication, du moment qu’on a lu le livre de l’Ancienne médecine. Du temps d’Hippocrate, on prétendait qu’il n’était pas possible de connaître la médecine sans savoir ce qu’était l’homme. Hippocrate répond à ceux qui avaient cette opinion : « Je pense, au contraire, qu’on ne peut savoir ce qu’est l’homme sans connaître la médecine. L’homme est composé d’humeurs multiples et d’organes ; chaque humeur, chaque organe a son action particulière, et est en outre en relation avec les influences très diverses des aliments, des boissons, et de tout ce qui entoure l’homme. Ainsi, pour connaître la nature de l’homme, étudiez tout ce qui a action sur lui. » Voilà comment Hippocrate entend que l’étude du corps est fondée sur l’étude de l’ensemble de la nature ; voilà aussi (rapprochement frappant) de quelle manière l’entend Platon. Il est, certes, impossible d’obtenir une plus juste concordance, et de jeter plus de lumière sur un raisonnement peu développé. Le texte d’Hippocrate est le meilleur commentaire du texte de Platon.

Ainsi, non seulement j’ai expliqué les difficultés qui naissaient des paroles mêmes du Phèdre, mais encore j’ai éclairci le texte du philosophe athénien, et j’ai dissipé l’obscurité qu’y présentait le raisonnement philosophique. Les difficultés se sont donc tournées en éclaircissements nouveaux et inattendus d’un passage de Platon ; et c’est de toutes les preuves la meilleure peut-être à donner, que j’ai rencontré juste en rapportant l’allusion de Platon au traité de l’Ancienne médecine.

Si la pensée à laquelle Platon se réfère n’était pas attribuée par lui nominativement à Hippocrate, on pourrait hésiter, en la retrouvant dans les écrits du médecin, à y reconnaître l’original que le philosophe athénien a eu sous les yeux. Mais Platon est explicite : c’est bien dans Hippocrate qu’il a lu que la bonne méthode pour étudier le corps est d’étudier l’ensemble des choses ; or c’est aussi dans un écrit considéré par l’antiquité comme appartenant à Hippocrate, que nous retrouvons une pensée identique.

Il est possible d’ajouter quelques remarques qui complètent l’intelligence des rapports qu’a le livre de l’Ancienne médecine avec les doctrines de ce temps. Platon dit dans le Sophiste : « Vous qui dites que le froid et le chaud, ou deux agents semblables, constituent l’universalité des choses…[7]. » Dans Hippocrate on lit : « Ceux qui prennent pour hypothèse le chaud, le froid, l’humide ou le sec, ou tout autre agent, attribuent la cause des maladies et de la mort à un ou deux de ces agents comme à une cause première et toujours la même[8]. » Je n’insisterai pas sur la similitude des expressions, quoiqu’il fût possible que Platon les eût copiées dans un livre qu’il avait entre les mains ; je ne m’attacherai pas à d’autres locutions identiques, Platon disant dans ce même dialogue (t. ii, p. 42, Éd. Tauch.) τῷ ταύτην τὴν ὑπόθεσιν ὑποθεμένῳ, comme Hippocrate dit ὑπόθεσιν σφίσιν αὐτέοισιν ὑποθέμενοι ; mais je ferai remarquer que la polémique instituée par Hippocrate contre les sophistes et les médecins est bien véritablement relative aux questions qui s’agitaient de son temps. Il combat, on vient de le voir, quelques points de philosophie que Platon fait combattre à Socrate dans le Sophiste. De plus il attaque l’application, dans la médecine, des doctrines de l’école d’Élée, et plus particulièrement de Zénon, qui supposait que toutes choses étaient constituées par le chaud, le froid, le sec et l’humide. Le dialogue le Sophiste a quelques analogies avec le traité de l’Ancienne médecine ; et je suis porté à croire qu’Hippocrate a été, ici, mis à contribution par Platon.

Dans ce traité, Hippocrate dit qu’il faut expliquer aux gens ignorants en médecine les maladies qu’ils éprouvent, et qu’on s’écarte de la réalité quand on ne sait pas se faire comprendre d’eux[9]. Cette idée est certainement singulière. Mais Platon, en plusieurs endroits de ses ouvrages, dit la même chose : « Le médecin, s’enquérant auprès du malade et de ses amis, apprend du patient certains détails, et l’instruit sur sa maladie autant que cela est possible. Il ne lui fait une prescription qu’après l’avoir persuadé[10]. » Ailleurs, il représente le médecin conversant avec son malade, allant dans ses explications jusqu’à la philosophie, reprenant la maladie dès son origine, et développant toute la nature du corps[11]. On voit que ce que le livre de l’ Ancienne médecine expose touchant le rapport des médecins et des malades, a son fondement dans des usages établis, qui ont été mentionnés par Platon.

La comparaison dont je viens de soumettre les éléments au lecteur, prouve, ce me semble, que Platon avait en vue le passage pris dans le traité de l’Ancienne médecine et tout ce traité lui-même, lorsqu’il citait Hippocrate dans le Phèdre. Il en résulte que ce livre est un des plus authentiques que nous possédions ; la citation de Platon étant rapportée à sa véritable place, il ne reste plus aucun doute sur un écrit que le disciple de Socrate a tenu dans ses mains, a lu et a loué. Platon n’a pu en cela ni se tromper, ni être trompé.

Gruner a remarqué que l’auteur du traité de l’Ancienne médecine s’appuyait, dans toute son argumentation, sur une doctrine qui admettait des humeurs multiples dans le corps humain, telles que l’amer, le doux, l’acide, le salé, l’astringent, etc., et que cette doctrine était celle d’Alcméon, philosophe pythagoricien qui a fleuri au moins 70 ans avant Hippocrate[12]. « Alcméon, dit Plutarque[13], attribue la conservation de la santé au mélange égal des qualités, l’humide, le chaud, le sec, le froid, l’amer, le doux, etc ; la maladie, à la domination d’une d’entre elles ; car il pense que la prépondérance exclusive de l’une d’elles détruit la santé. » La doctrine et les mots d’Alcméon se retrouvent dans le traité de l’Ancienne médecine ; c’est au juste mélange de ces qualités que l’auteur de ce traité attribue la conservation de la santé ; c’est dans la prédominance de l’une qu’il place la cause des maladies ; il se sert, comme Alcméon, du mot δυνάμιες pour les dénommer. Gruner, qui regarde le traité de l’Ancienne médecine comme n’appartenant pas à Hippocrate et comme lui étant très postérieur, voit, dans cet emprunt de doctrine et de langage, fait à un auteur aussi ancien qu’Alcméon, un moyen pris par le pseudo-Hippocrate pour se donner un vernis d’antiquité. Mais il était bien plus naturel de croire qu’un écrivain qui empruntait ainsi au philosophe pythagoricien sans le nommer, était lui-même fort ancien, et qu’Hippocrate s’autorisait d’Alcméon comme Platon s’autorisait d’Hippocrate lui-même. Au reste, en démontrant que Platon avait connu le traité de l’Ancienne médecine, j’ai expliqué la conformité qui se trouve entre ce traité et des livres antérieurs, et je lui ai rendu sa place entre Alcméon et Platon.

Je viens, par des témoignages extrinsèques, au milieu desquels domine celui de Platon, de défendre l’authenticité du livre de l’Ancienne médecine ; mais ce livre ne doit pas être considéré isolément ; il faut maintenant l’examiner du point de vue du reste de la Collection ; car, si, comme je le crois, les témoignages que j’ai réunis sont assez puissants pour décider la question d’authenticité, ce livre doit, à son tour, porter des caractères intrinsèques qui le mettent en accord avec d’autres livres que l’antiquité a regardés comme étant véritablement d’Hippocrate.

Je ne parlerai ici ni de la doctrine de la coction, ni de celle des crises, ni de celle des jours critiques, doctrines dont l’auteur du livre de l’Ancienne médecine fait la base de la science et qui sont fondamentales dans tout le système d’Hippocrate ; elles ont été professées depuis lui par ses disciples. Mais j’insisterai sur des connexions plus étroites. Ainsi il est dit dans le livre de l’Ancienne médecine : « Des gens qui ont l’habitude de faire, le matin, un repas que leur santé exige, viennent-ils à omettre ce repas, ils sont pris, dès que l’heure est passée, d’une débilité générale ; les yeux jaunissent ; l’urine devient épaisse et chaude ; la bouche amère ; tiraillements dans les entrailles, vertiges, mauvaise humeur, inhabileté au travail ; et avec tout cela, quand ils essayent de manger à l’heure du second repas, les mets leur paraissent moins agréables, ils ne peuvent achever ce qui faisait auparavant leur second repas quand ils avaient pris le premier ; les aliments, descendant avec des tranchées et des gargouillements, échauffent le ventre ; et le sommeil de la nuit est pénible et plein de rêves agités et fatigants[14]. »

Maintenant on lit dans le traité du Régime des maladies aiguës : « Ceux qui ont l’habitude de faire deux repas dans la journée, s’ils ne font pas celui du matin, sont faibles, débiles et mous pour tout travail. Ils souffrent de l’estomac ; ils éprouvent des tiraillements d’entrailles ; l’urine devient chaude et foncée ; le ventre se resserre ; chez quelques-uns même la bouche devient amère, les yeux deviennent creux, les tempes battent, et les extrémités se refroidissent. La plupart de ceux qui ont omis leur repas habituel du matin, ne peuvent même manger leur repas du soir ; et s’ils le prennent, ils sentent leur estomac chargé, et le sommeil est bien plus pénible que s’ils avaient mangé le matin[15]. »

Tout, dans ces deux passages, est semblable, l’exemple, l’observation, les expressions ; et les légères différences qu’on remarque dans les mots prouvent que c’est non pas un homme qui en copie un autre, mais un auteur qui reproduit, avec toute liberté de rédaction, une pensée qui lui appartient.

À la suite de ce morceau, l’auteur du traité du Régime dans les maladies aiguës, dit : « De telles incommodités surviennent chez les gens bien portants pour un changement de régime qui n’embrasse qu’une demi-journée[16]. « De même on lit dans l’Ancienne médecine : « Un changement de régime, pour une seule journée, pas même entière, produit de graves incommodités[17] »

« Je sais, dit l’auteur de l’Ancienne médecine, qu’il est, pour le corps, une grande différence entre un pain de farine pure et un pain de farine non blutée, entre un pain de farine bien moulue et un pain de farine mal moulue, entre un pain pétri avec beaucoup d’eau et un pain pétri avec peu d’eau, entre un pain pétri beaucoup et un pain peu pétri, entre un pain bien cuit et un pain mal cuit. Il en est de même de la farine d’orge[18]. » L’auteur du traité du Régime dans les maladies aiguës, dit de son côté : « Quels différents effets ne produit pas du pain fait avec de la farine fine, ou du pain fait avec la farine non blutée, quand on change celui dont on use habituellement ; de la pâte d’orge ou sèche, ou humide ou compacte, quand on change la préparation à laquelle on est accoutumé[19] ? »

N’est-ce pas le même auteur qui poursuit, dans deux écrits différents, le même ordre de pensées ?

Veut-on des exemples où les habitudes de l’écrivain se manifestent ? il est dit dans le traité du Régime des maladies aiguës : « Supposons un homme ayant reçu à la jambe une plaie qui ne soit pas très grave, mais qui ne soit pas, non plus, insignifiante[20]. » L’auteur, cette supposition faite, examine ce qui arrivera à cet homme, il dit que la guérison sera prompte s’il ne marche pas, mais que, si, après s’être reposé pendant quatre ou cinq jours, il se met à marcher ensuite, la plaie guérira moins promptement que s’il avait marché toujours depuis le premier moment de la blessure. L’auteur de l’Ancienne médecine dit de la même façon : « Supposons un homme affecté d’une maladie qui n’est ni des plus graves et des plus insupportables, ni, non plus, des plus bénignes[21]. » Puis il suppose un homme qui est d’une constitution ni très robuste, ni très faible, et il achève la comparaison de la même manière que l’auteur du Régime des maladies aiguës a achevé la sienne.

Ce sont là des habitudes de raisonner et de s’exprimer, dont la conformité est si frappante, qu’évidemment c’est le même homme qui a écrit les traités de l’Ancienne médecine et du Régime des maladies aiguës.

Il est dit dans le livre de l’Ancienne médecine que les constitutions les plus faibles sont celles qui se ressentent le plus de leurs écarts de régime, que le faible est celui qui se rapproche le plus du malade, et que le malade est encore plus faible. Puis l’auteur ajoute qu’il est difficile, l’art ne possédant pas une exactitude correspondante, d’atteindre toujours le plus haut degré de précision, et que, cependant, beaucoup de cas, dont il sera parlé, ne réclament rien moins que ce degré[22]. Ces mots : dont il sera parlé, je les avais laissés long-temps comme une indication incertaine de quelque travail qu’il était impossible de retrouver dans la Collection hippocratique ; mais aujourd’hui je ne doute plus qu’ils ne se rapportent au traité du Régime des maladies aiguës. Il est, dans ce traité, une phrase qui correspond tout-à-fait à ce qui est annoncé dans l’Ancienne médecine ; la voici : « Je ne vois pas que les médecins sachent comment il faut distinguer, dans les maladies, la faiblesse qui provient de la vacuité des vaisseaux, celle qui est causée par quelque autre irritation, celle qui est le résultat de la souffrance et de l’acuité du mal[23]. » Ce point de doctrine est un de ceux qui ont occupé particulièrement l'auteur du traité du Régime dans les maladies aiguës, et il forme aussi l’idée principale du livre de l’Ancienne médecine. Il serait trop long d’exposer ici tous les rapports qui rattachent l’un à l’autre ces deux ouvrages. Je me contenterai donc, après les passages correspondants que j’ai mis sous les yeux du lecteur, de dire que ces deux traités ne concordent pas moins dans l’idée générale qui les a inspirés, que dans ces détails de composition et de rédaction, et qu’ils appartiennent, l’un et l’autre, à la même philosophie médicale ; de telle sorte que le livre du Régime dans les maladies aiguës est véritablement une application de la grande pensée qui domine tout le livre de l’Ancienne médecine, et qui est que, pour devenir savant dans la science de la vie, il importe, non pas d’étudier le corps en soi et d’après une hypothèse telle quelle, mais de rechercher tous les rapports qu’il a avec les choses qui l’entourent.

Il est important de faire remarquer ici à quelles concordances la critique arrive, et, par conséquent, quelle sûreté elle obtient. D’une part, en examinant en soi le livre de l’Ancienne médecine, je le rapproche d’un passage de Platon où le philosophe invoque l’autorité et le nom d’Hippocrate ; et ce rapprochement me décide à croire que Platon a fait allusion à ce livre même ; opinion qui ne repose que sur ce témoignage, et qui est indépendante de tous les rapports que ce traité peut avoir avec certains ouvrages de la Collection hippocratique. D’une autre part, je m’isole de ce témoignage, et je cherche, par voie de comparaison, quelle opinion on pourrait se former de l’authenticité du livre de l’Ancienne médecine, si la mention faite par Platon n’existait pas, et si l’on n’avait, pour résoudre cette question, que l’examen des analogies que ce livre aurait avec les autres livres d’Hippocrate. Or, il se trouve que le traité de l’Ancienne médecine a d’étroites connexions avec un traité dont l’antiquité a admis l’authenticité. De sorte que deux modes de détermination, aussi indépendants l’un de l’autre que les témoignages extrinsèques et les rapports intrinsèques, aboutissent au même résultat et donnent la même solution.

Ainsi, tout considéré, je crois ne pas me servir d’une expression qui dépasse le résultat obtenu et qui en exagère la valeur, en disant que j’ai, dans cette discussion, démontré que le traité de l’Ancienne médecine est d’Hippocrate.

Pronostic[24]. Un témoignage décisif assure l’authenticité de ce traité : Hérophile l’a commenté et critiqué en quelques points. Une telle autorité ne peut laisser aucun doute sur la véritable origine du Pronostic. Au reste, l’antiquité tout entière et les critiques modernes ont été d’accord pour placer ce livre au rang des légitimes productions du chef de l’école de Cos.

Aphorismes[25]. Il n’est pas besoin de dire que toute l’antiquité a reconnu ce livre comme authentique ; et, dans ce mot d’antiquité, je comprends non seulement Palladius, Galien et Érotien, mais les premiers commentateurs, Glaucias et Bacchius. La collection des Aphorismes remonte donc à une époque qui précède les plus anciens critiques de la littérature médicale ; mais est-elle d’Hippocrate, comme l’ont soutenu tous les critiques anciens ? J’ai souvent dit dans cette introduction que rien n’était plus regrettable pour la connaissance des véritables livres hippocratiques que la perte des écrits de Dioclès, de Ctésias, de Praxagore, de Chrysippe, et de tant d’auteurs qui ont fleuri entre Hippocrate et Érasistrate. En voici une nouvelle preuve : « Hippocrate, dit Étienne, dans son Commentaire sur les Aphorismes[26], pense que toutes les maladies conformes aux circonstances qui ont des affinités avec elles, présentent un moindre danger ; et Dioclès adresse une objection à Hippocrate lui-même : Que dis-tu, Hippocrate ? la fièvre ardente, qui, en raison de la qualité de la matière, est suivie d’ardeur, d’une soif intolérable, d’insomnie et de tout ce qu’on observe dans l’été même, sera plus bénigne à cause de la saison conforme, lorsque par elle toutes ces souffrances s’aggravent, que dans l’hiver, qui diminue l’intensité du mouvement, adoucit l’âcreté, et rend moins fâcheuse la maladie tout entière. » Ce passage décisif, puisque le nom d’Hippocrate y est cité et un aphorisme combattu, est d’accord avec un passage moins explicite de Galien. Celui-ci, en commentant l’aphorisme en question, ajoute : « Le contraire est soutenu par Dioclès et par l’auteur du livre des Semaines.

Ces écrivains pensent que les maladies sont aggravées par les circonstances semblables, amoindries par les circonstances contraires, d’autant plus qu’Hippocrate a dit lui-même que les contraires se guérissent par les contraires. Ils pensent que la fièvre ardente qui naît dans l’hiver est plus facile à guérir que celle qui naît dans l’été[27]. » Le traité des Semaines, dont j’ai exhumé une vieille traduction latine, et dont un fragment est inséré dans le livre prétendu hippocratique des Jours critiques (p. 388, Éd. Frob.), a cette phrase : « Le signe le plus important de guérison est que la fièvre ardente, ainsi que les autres maladies, ne soit pas contre la nature ; le second, c’est que la saison elle-même concourre à combattre la maladie ; car, en général, la constitution de l’homme ne surmonte pas la puissance de l’ensemble des choses[28] »

L’aphorisme en question, qui est le 33e de la IIe section, est ainsi conçu : « Dans les maladies, le danger est moins grand pour ceux chez qui la maladie a des conformités avec la nature du corps, avec l’âge, avec la constitution, avec la saison, que pour ceux chez qui la maladie n’a aucune conformité de ce genre[29]. Dans la proposition d’Hippocrate, il n’est pas question de fièvre ardente ; mais Galien nous apprend que, dans le traité des Semaines, l’exemple de la fièvre ardente était cité ; le morceau que je rapporte de ce traité montre que Galien a fidèlement rapporté le sens de l’auteur du livre des Semaines ; et, soit dit en passant, l’aphorisme d’Hippocrate sert à bien comprendre un mot de ce livre des Semaines ; on pourrait douter du sens précis qu’il faudrait donner au mot φύσις là où il est dit que le signe le plus important est que la fièvre ardente ne soit pas contre la nature[30] ; mais la signification en est déterminée par l’aphorisme, où φύσις signifie clairement nature du corps.

D’un autre côté, Galien nous apprend encore que Dioclès, en disant le contraire de l’aphorisme en question, avait aussi rapporté l’exemple de la fièvre ardente. C’est ce qu’on retrouve en effet dans la citation d’Étienne ; et même il est évident par cette citation que, lorsque Galien a dit que l’auteur du livre des Semaines et Dioclès pensaient que la fièvre ardente se guérissait mieux dans l’hiver que dans l’été, il n’a eu présent à l’esprit que les expressions de Dioclès ; car il est question de l’hiver et de l’été, non dans le livre des Semaines, mais dans le passage du médecin de Caryste.

De là résulte la preuve que les Aphorismes ont été publiés antérieurement à Dioclès. Cela établi, tout porte à croire qu’ils ont été écrits par Hippocrate, et qu’ils ne sont pas un extrait de ses œuvres fait par un autre, comme quelques modernes l’ont pensé.

Les Aphorismes ont été divisés par Galien, et probablement long-temps avant lui, en sept sections, par Rufus en quatre, et par Soranus en trois. Malgré ces coupures différentes, l’ordre des propositions aphoristiques n’en a pas moins toujours été le même, ainsi que je l’ai fait voir dans le chapitre consacré à la série des commentateurs. Cependant, ce livre, que l’antiquité a tant estimé, n’a point échappé à des altérations, au moins dans la rédaction et la disposition, altérations qui remontent jusqu’à l’époque des premiers commentateurs, tels que Bacchius. Galien en cite un bon nombre.

La huitième section que présentent quelques manuscrits et quelques imprimés, est une addition toute récente. Ces prétendus aphorismes sont des fragments du livre des Semaines ; je le prouverai en parlant de ce traité.

Épidémies I et III[31]. Les Épidémies, on le sait, sont composées de sept livres ; cette disposition remonte (je l’ai fait voir chap. XI, pag. 276) jusqu’au temps de Bacchius, et l’exemplaire trouvé, comme le dit Apollonius Biblas, dans la Bibliothèque royale d’Alexandrie, les avait tous les sept dans le même ordre. On peut d’autant plus sûrement penser que cette division en sept livres, et l’ordre dans lequel ces livres se suivent, sont le fait de la publication primitive, que les critiques anciens se sont élevés contre un pareil arrangement, sans jamais cependant signaler le moment où il se serait fait, s’il s’était fait postérieurement à la première publication. En effet, Galien, rapportant les opinions diverses sur les auteurs des sept livres, dit que presque tous conviennent que le premier et le troisième sont du grand Hippocrate[32]. Les bibliothécaires d’Alexandrie en avaient eu la même idée, et ils avaient inscrit le premier et le troisième sous le titre de livres de la petite table[33]. On voit par ces détails qu’en réunissant le premier et le troisième, si je contredis l’arrangement du publicateur primitif des œuvres hippocratiques, je me conforme à l’opinion de toute l’antiquité, qui a toujours admis que le troisième livre est la suite du premier. Il est même probable que des manuscrits les ont présentés dans cet ordre : en effet M. de Mercy a déjà fait remarquer que le n° 2253 de la Bibliothèque royale a, à la suite du premier livre, les premiers mots du troisième. On lit dans ce manuscrit, après ἑνδεκάτη qui est le dernier mot du premier livre, à la suite et même sans changement de ligne : Πυθιώνιος (sic) ᾤκει παρὰ γείσιρον (sic pour γῆς ἱερὸν) ἤρξατο τρόμος ἀπὸ χειρῶν. Ce sont les premiers mots du troisième livre ; le reste manque. Enfin, le contexte de ces deux livres est si semblable, qu’il est impossible, en les lisant, de ne pas être persuadé qu’ils sont la suite l’un de l’autre.

C’est donc le consentement des critiques de l’antiquité qui m’a déterminé d’un côté à admettre que ces deux livres proviennent d’Hippocrate lui-même ; d’un autre côté, à les séparer des cinq qui portent le même titre, et à en faire un ouvrage à part. Mais il faut ajouter que les témoignages en faveur de l’authenticité de ces livres ne vont pas au delà de Bacchius et des bibliothécaires d’Alexandrie ; dans l’intervalle des temps antérieurs, aucune mention n’est faite ni de l’un ni de l’autre. Cependant je crois que l’antiquité ne s’est pas trompée, et qu’on peut les compter parmi les plus authentiques. En effet, ils tiennent, par les liens les plus étroits, aux plus essentielles parties de la médecine d’Hippocrate, et, s’il est vrai (ce qui ne peut pas être révoqué en doute), que le Pronostic est du chef de l’école de Cos, le premier et le troisième livre des Épidémies ne peuvent pas ne pas lui appartenir ; car l’histoire particulière des malades y est exposée d’après la doctrine qui constitue le Pronostic.

Ces livres n’ont pas échappé aux altérations qui ont frappé tant d’autres traités de la Collection hippocratique, et qui sont toutes, j’ai soin de le remarquer à chaque fois, le fait de la publication primitive. « Je ne sais, dit Galien, quel malheur est arrivé à ce livre (le troisième), comme à plusieurs autres d’Hippocrate, où l’on remarque tantôt des dérangements dans leur ordre, tantôt des additions à ce qu’il avait lui-même écrit[34]. » C’est à propos des Caractères dont j’ai déjà parlé p. 274, que Galien fait cette observation, et il ajoute : « Les caractères ont sans doute été inscrits par quelqu’un qui, pour son instruction, a résumé de la sorte les résultats de chaque histoire[35]. » Ces caractères existaient dans l’exemplaire primitif que possédait la Bibliothèque royale d’Alexandrie ; ils auront été, en effet, inscrits, comme le pense Galien, par quelqu’un des élèves ou des descendants d’Hippocrate pour son instruction.

Une autre altération plus considérable a été signalée par Dioscoride, et reconnue comme réelle par Galien : c’est le déplacement d’un assez long passage qui, dans tous les anciens manuscrits, était placé à la fin du 3e livre, et que Dioscoride (voy. p. 109), mit avant l’histoire des seize derniers malades ; Galien adopte cette transposition, tout en pensant que le morceau en question n’est pas d’Hippocrate, mais a été ajouté par quelqu’autre[36].

Du régime dans les maladies aiguës[37]. — Examinons d’abord les témoignages relatifs à ce livre. Galien le regarde comme étant d’Hippocrate, excepté la fin dont il dit ce qui suit : « Dans le livre du Régime bon nombre de médecins ont soupçonné, non sans motif, que ce qui suivait le chapitre des Bains n’était pas d’Hippocrate ; car la force de l’exposition et l’exactitude des préceptes sont de beaucoup inférieures au reste ; cependant d’autres ont été déterminés à attribuer ce passage à Hippocrate lui-même, attendu que tantôt la pensée en est conforme à sa doctrine, de sorte qu’on pourrait croire qu’il est l’œuvre de quelqu’un de ses disciples, et tantôt la rédaction et la pensée y sont tellement irréprochables qu’elles semblent venir d’Hippocrate, qui se préparait à composer un livre où, comme il l’a promis dans le courant de cet ouvrage même, il parlerait du traitement de chaque maladie en particulier. Mais évidemment ce morceau contient des phrases qui ne sont pas dignes d’Hippocrate, et il faut croire qu’elles ont été ajoutées à la fin, comme cela est arrivé pour les Aphorismes ; car, les écrits du médecin de Cos étant dans la mémoire de beaucoup d’hommes, ceux qui ont fait des additions, les ont faites à la fin[38]. » Érotien regarde ce livre comme étant d’Hippocrate, et il ne fait aucune distinction. Athénée assure que plusieurs en regardaient la moitié comme illégitime, et quelques-uns même le tout[39]. Bacchius en avait expliqué des mots dans son lexique ; par conséquent, dès lors, ce traité était considéré comme hippocratique ; mais on peut remonter encore plus haut. En effet, Galien, parlant de la partie qu’il regarde comme illégitime, dit : « Si ce morceau n’est pas d’Hippocrate, il est cependant fort ancien ; car, dès le temps d’Érasistrate, il était réuni à la partie légitime[40]. »

Ce qu’il y a peut-être de plus difficile à concevoir dans l’histoire du livre touchant le Régime des maladies aiguës, c’est comment Galien entend qu’Érasistrate en a fait la critique. Je vais mettre sous les yeux du lecteur les passages à ce relatifs, afin qu’il puisse contrôler lui-même les conséquences que j’en tire :

« Les sectateurs d’Érasistrate accusent Hippocrate de faire mourir ses malades d’inanition ; car ce qu’Érasistrate dit dans son premier livre des Fièvres contre Apollonius et Dexippe, disciples du médecin de Cos, fait remonter juste qu’à Hippocrate lui-même le reproche d’une sévérité excessive dans la diète[41]. »

« Érasistrate, dans son traité sur les Fièvres, attaque Hippocrate avec malveillance, accusant, il est vrai, ses disciples Apollonius et Dexippe, qu’il dit avoir fait fabriquer des vases de la contenance de la sixième partie d’une cotyle, et de n’en avoir accordé qu’un ou deux aux malades… Pour confondre la malveillance qui cite Apollonius et Dexippe sans avoir un écrit d’eux à montrer, et qui n’écoute pas Hippocrate lui-même, il suffit de citer quelques phrases du traité du Régime dans les maladies aiguës[42]. » (Le sixième d’une cotyle est un cyathe, κύαθος, et représente 0,045 du litre (Voyez Saigey, Métrologie, p. 34). Dans la pharmacie, une cuillerée à bouche représentant une demi-once de liquide, la sixième partie d’une cotyle équivaudra à un peu moins de trois cuillerées).

La dernière portion de ce traité est une composition ancienne ; car, dès le temps d’Érasistrate, elle était réunie à la première, qui est authentique. On ne peut donc concevoir comment Érasistrate a osé se moquer d’Apollonius et de Dexippe, et de leurs vases de cire (T. v, p. 89). »

Ces passages seraient sans doute fort clairs, si nous avions sous les yeux ceux du livre d’Érasistrate auxquels ils font allusion. Mais, les œuvres du médecin d’Alexandrie étant perdues, ils deviennent très obscurs, car ils sont pour nous ce qu’est une conversation dont on n’entend qu’un des interlocuteurs, l’autre étant hors de la portée de notre oreille.

Ce qui ressort des citations précédentes, c’est que Galien, accusant Érasistrate d’avoir fait un reproche injuste à Hippocrate, ne rapporte les reproches que comme adressés à Apollonius et à Dexippe. Si Érasistrate n’avait parlé que de ces deux médecins, comment Galien se serait-il imaginé que ces deux noms n’étaient qu’un couvert sous lequel l’illustre médecin d’Alexandrie dirigeait ses attaques contre Hippocrate ? Et non seulement Galien avait cette opinion, mais elle était partagée par les érasistratéens et par ceux qui disaient qu’Hippocrate faisait mourir ses malades de faim[43]. Évidemment il y avait, dans le traité sur les Fièvres, quelque chose de plus que la mention d’Apollonius et de Dexippe. Hippocrate y a dû être désigné nominativement, ainsi que le traité du Régime dans les maladies aiguës. Voici comment je conçois que cette désignation y était exprimée : Érasistrate, passant en revue les médecins qui, dans les fièvres, avaient conseillé les régimes les plus opposés, depuis ceux qui condamnaient leurs malades à une abstinence complète, jusqu’à Pétronas, qui les gorgeait de vin et de viande[44], a dû dire, en parlant d’Apollonius et de Dexippe, qu’ils étaient les disciples d’Hippocrate et imbus des préceptes contenus dans le traité du Régime dans les maladies aiguës ; il a ajouté qu’ils faisaient mourir leurs malades d’inanition, et s’est moqué des petites mesures qu’ils avaient imaginées, et qu’ils prescrivaient si parcimonieusement dans les affections fébriles. C’est ainsi que Galien a pu dire qu’Érasistrate, tout en attaquant Apollonius et Dexippe, avait réellement attaqué Hippocrate lui-même, et le traité du Régime dans les maladies aiguës. C’est ainsi que les érasistratéens ont pu accuser le médecin de Cos de tourmenter ses malades par une abstinence trop dure. Avec cette explication, tout devient clair. Érasistrate dénigre Hippocrate, mais il ne fait de reproche direct qu’à Apollonius et à Dexippe ; il n’a aucun livre de ces médecins à montrer, et cependant il les représente comme les disciples fidèles de leur maître, et ridiculise leur pratique. Au lieu de citer Hippocrate lui-même, il les cite, et ici Galien ajoute qu’il suffit, pour le confondre, de recourir au traité même d’Hippocrate ; ce qui n’aurait aucun sens, si ce traité et Hippocrate n’étaient pas compris, d’une façon ou d’autre, dans la censure dirigée contre les deux disciples. Plus loin, il remarque que la fin, apocryphe suivant lui, du livre du Régime dans les maladies aiguës, était, du temps d’Érasistrate, jointe à la partie authentique, et après cette remarque il s’écrie : On ne peut concevoir l'audace d’Érasistrate, qui se moque des petites mesures d’Apollonius et de Dexippe. Quelle liaison y a-t-il entre ces deux phrases, à moins qu’on ne suppose, comme je l’ai fait plus haut, un passage d’Érasistrate où il était dit que ces deux médecins observaient les maximes du traité du Régime dans les maladies aiguës. Alors Galien a raison d’accuser de mauvaise foi Érasistrate, qui s’obstinait à faire remonter à Hippocrate la responsabilité de la pratique de deux disciples, et ne voulait pas discuter le texte même du médecin de Cos.

Quoiqu’il en soit à cet égard, il demeure constaté que non seulement ce traité a été connu comme hippocratique par Bacchius, mais encore qu’il existait à Alexandrie dès le temps d’Érasistrate, et que ce médecin l’avait critiqué d’une façon ou d’autre. Les témoignages antérieurs manquent, il est vrai ; mais ceci admis, allons plus loin. L’auteur de ce traité ne combat-il pas les médecins cnidiens qui donnent un nom de maladie à chaque symptôme ? l’auteur du Pronostic ne déclare-t-il pas formellement s’abstenir d’énumérer des noms de maladie, disant que les signes généraux de pronostic suffisent à son but ? n’est-ce pas une polémique cachée contre les Cnidiens ? et les deux livres n’appartiennent-ils pas à la même pensée et à la même main ? n’y a-t-il pas, comme je l’ai remarqué au sujet du traité de l’Ancienne médecine, des conformités frappantes entre ce livre et celui du Régime dans les maladies aiguës ? Tout cela ne forme-t-il pas un corps de doctrine, un ensemble où les choses se tiennent, et qui, s’appuyant, par le livre de l’Ancienne médecine, sur Platon, acquiert, de la sorte, la plus incontestable authenticité ?

Quant à la partie que Galien juge apocryphe, il faut aussi la considérer, sinon comme telle, du moins comme des notes non rédigées. Dans tous les cas, ces deux portions, unies ensemble depuis une si haute antiquité, ne peuvent pas être séparées, et je les publierai comme on les trouve dans toutes les éditions.

Des Airs, des Eaux et des Lieux[45]. Ayant montré par tant de témoignages concordants que les Aphorismes, le Pronostic, et le 2e et le 3e livre des Épidémies, sont des livres vraiment hippocratiques, j’ai établi un point de départ fixe, un terme de comparaison qui nous donnera plus de certitude là où les renseignements seront plus vagues. Le traité des Airs, des Eaux et des Lieux est dans ce cas ; toute l’antiquité le reconnaît pour authentique ; Galien et Érotien l’affirment ; et, comme Épiclès, abréviateur de Bacchius, en explique un mot, ce livre a été connu aussi des plus anciens critiques d’Alexandrie. Mais à ce terme les témoignages nous abandonnent ; je crois cependant que l’examen intrinsèque prouve que ce livre appartient réellement à Hippocrate. L’auteur du Pronostic dit que les remarques qu’il fait sont applicables à la Scythie, à la Lybie et à Délos. L’auteur du traité des Airs, des Eaux et des Lieux a recueilli ses observations dans la Scythie, la Lybie, et dans la Grèce, tant asiatique qu’européenne. Or, comme le Pronostic est d’Hippocrate, le traité des Airs, des Eaux et des Lieux est sans doute de lui. De plus les concordances de ce livre avec les Aphorismes et les 1er et 3e livres des Épidémies sont si nombreuses, que évidemment tous ces ouvrages appartiennent au même auteur. On trouve dans Aristote un véritable résumé de ce traité : « Les peuples qui habitent les climats froids, les peuples d’Europe sont en général pleins de courage ; mais ils sont certainement inférieurs en intelligence et en industrie ; et, s’ils conservent leur indépendance, ils sont politiquement indisciplinables, et n’ont jamais pu conquérir leurs voisins.

En Asie, au contraire, les peuples ont plus d’intelligence, d’aptitude pour les arts, mais ils manquent de cœur, et ils restent sous le joug d’un esclavage perpétuel. La race grecque, qui, topographiquement, est intermédiaire, réunit toutes les qualités des deux autres. Elle possède à la fois l’intelligence et le courage[46]. » On est disposé à croire qu’Aristote avait sous les yeux le traité des Airs, des Eaux et des Lieux, quand il écrivit ce passage.

Des Articulations[47]. Voyons quels sont les témoignages sur ce livre. Galien n’élève aucun doute sur son authenticité ; Érotien l’a inscrit dans sa liste ; Bacchius et Philinus, élèves d’Hérophile, en avaient expliqué des expressions dans leurs commentaires. Ainsi, dès l’origine, il figure dans la Collection hippocratique. Mais, plusieurs critiques modernes en ayant attaqué la légitimité, cela ne suffirait pas pour les convaincre, et il faut chercher des preuves, s’il en est, qui se rapportent à une période antérieure.

Ctésias, dans un passage que j’ai cité plus haut, p. 70, blâme une pratique chirurgicale d’Hippocrate, pratique qui se trouve dans le traité des Articulations. Les termes même dont se sert Galien sont significatifs. Il dit que le premier qui critiqua Hippocrate au sujet de la réduction de la cuisse, fut Ctésias ; ce mot le premier prouve que sa remarque n’est pas faite à la légère, et que Ctésias avait été explicite. Ainsi il est certain que Ctésias avait censuré un précepte de la chirurgie d’Hippocrate, que ce précepte se trouve dans le traité des Articulations, et que les critiques anciens ont rapporté la censure à ce même traité. Voilà un premier point important pour l’histoire littéraire d’Hippocrate. Second point, qui ne l’est pas moins : on lit dans le traité des Articulations : attacher l’échelle à une tour ou au toit d’une maison[48]. « Dioclès, copiant ce passage, dit Galien, a écrit dans son livre des Bandages : « attacher l’échelle à une tour ou toit d’une maison[49]. »

Galien, on le voit, pense que Dioclès a copié sa phrase sur celle d’Hippocrate, et remarquons qu’il avait sous les yeux et le livre d’Hippocrate et celui de Dioclès, ce qui donne un grand poids à son opinion. Cette comparaison nous manque, il est vrai ; cependant, en rapprochant les deux phrases l’une de l’autre, on reconnaît sans peine qu’elles sont calquées l’une sur l’autre, et de plus il est visible que celle de Dioclès est postérieure à celle du traité des Articulations. En effet, Hippocrate s’est servi d’un mot devenu obscur τύρσις, tellement que les commentateurs ont cru devoir l’expliquer. Ainsi Bacchius avait dit dans le premier livre de son ouvrage intitulé les Dictions, que ce mot signifiait une tente, une tour, un créneau[50]. Or, Dioclès remplace le mot τύρσις par le mot πύργος, plus usité ; et cette remarque, toute délicate qu’elle est, ne laisse, ce me semble, aucun doute sur la question de savoir si Dioclès a emprunté sa phrase au traité des Articulations.

Ainsi voilà une phrase que Galien assure avoir été copiée par Dioclès dans le traité des Articulations ; voilà de plus un précepte chirurgical qui, imputé comme une erreur à Hippocrate par Ctésias, se trouve dans ce même traité. En outre, toute l’antiquité l’a regardé comme authentique, et deux disciples immédiats d’Hérophile l’ont commenté. Il est certes difficile de renverser un pareil ensemble d’arguments qui tous reposent sur des témoignages directs, et de ne pas croire que le livre des Articulations est vraiment d’Hippocrate.

Il ne faut, en effet, rien moins que de tels arguments pour dissiper les préjugés soulevés par plusieurs critiques modernes, entre autres par Gruner, par Sprengel et par Grimm[51].

On a assuré que la connaissance des artères et des veines impliquait une date postérieure à Hippocrate ; j’ai rappelé (p. 206) que les artères avaient été nommées par Euryphon plus vieux que lui ; on a prétendu que le mot muscle était des écoles anatomiques d’Alexandrie ; j’ai fait voir qu’il était dans Ctésias. Gruner, dans sa Censure des livres hippocratiques, p. 181, et Sprengel, dans son Apologie d’Hippocrate, ont cru trouver une contradiction entre un passage du traité des Airs, des Eaux et des Lieux où l’auteur parle des femmes guerrières des Sauromates, et un passage du traité des Articulations où l’auteur traite de fable le récit des Amazones. Le fait est qu’entre ces deux passages il n’y a aucune contradiction, car il n’y a aucun rapport. Le livre des Airs, des Eaux et des Lieux parle des femmes sauromates qui vont à la guerre et qui s’atrophient une des mamelles, afin d’avoir les mouvements plus libres[52] ; ce que l’auteur rapporte comme une observation véritable ; et le livre des Articulations parle des Amazones, qui désarticulent les membres inférieurs des hommes, dans leur enfance, afin de prévenir toute révolte de leur part ; ce que l’auteur rapporte comme un récit fabuleux[53]. On voit donc que celui qui cite l’observation des femmes sauromates, a bien pu traiter de fable le conte des Amazones. M. Lebas (Monuments d’antiquité figurée recueillis en Grèce par la commission de Morée, 1er cahier, p. 65) dit en expliquant les détails du bas-relief qui, dans le temple de Phigalie, représentait la défaite des Amazones : « Le plus grand nombre ont la poitrine entièrement cachée, quelques-unes ont le sein droit découvert ; aucune ne l’a mutilé, bien qu’on ait prétendu que l’un et l’autre usage était propre aux Amazones, en ce qu’il permettait de se servir plus facilement de l’arc. Cette mutilation n’a pour elle que l’autorité de quelques auteurs au nombre desquels on est surpris de rencontrer Hippocrate « (De Aere et Locis). Elle n’est indiquée par aucun des nombreux monuments d’antiquité figurée que j’ai vus. » Or, Hippocrate attribue cette mutilation, non aux Amazones, mais aux femmes sauromates. Je suis satisfait d’avoir lu, dans M. Lebas, que les anciens monuments (le temple de Phigalie avait été bâti 430 ans avant J.-C.) ne représentaient pas les Amazones avec la mutilation du sein ; Hippocrate n’est pas en désaccord avec eux là-dessus. Seulement il est probable que le passage du livre des Articulations où il est parlé des Amazones qui luxent les membres des garçons, et le passage du livre des Airs, des Eaux et des Lieux, où il est dit que les femmes sauromates s’atrophient une mamelle, ont été confondus et ont donné lieu à l’erreur de croire que les mythologiques Amazones se mutilaient ainsi ; erreur dont les écrits d’Hippocrate ont été peut-être l’occasion, mais dont ils sont aussi exempts que le temple antique de Phigalie.

De plus, en admettant avec les critiques modernes nommés plus haut, que le traité des Articulations contient des notions anatomiques plus avancées qu’on ne peut le supposer pour le temps d’Hippocrate, à quelle époque placer la composition d’un tel livre ? Ces notions anatomiques si avancées, on les attribue à l’école d’Alexandrie ; et cependant deux disciples d’un chef de cette école, Philinus et Bacchius, n’hésitent pas à regarder le traité des Articulations comme l’œuvre d’Hippocrate. Si ce livre renferme des notions qui ne peuvent appartenir qu’aux anatomistes alexandrins, Philinus et Bacchius se sont laissé tromper par un ouvrage qui a été fabriqué, pour ainsi dire, sous leurs yeux. On ne peut donc, en aucun cas, le regarder comme post-alexandrin.

Tout cela constitue un ensemble de preuves qui me paraissent valoir une démonstration ; et, conformément aux règles que je me suis faites, et d’après lesquelles je regarde comme prépondérants les témoignages plus anciens que la fondation des écoles alexandrines, je n’ai pu m’empêcher d’attribuer à Hippocrate le traité des Articulations.

Des Fractures[54]. Quoique je regarde le traité des Articulations comme la suite de celui des Fractures, j’ai d’abord parlé de celui-là, parce que Galien nous a conservé des témoignages qui manquent sur celui-ci. Maintenant, pour montrer l’authenticité du traité des Fractures, il suffira de faire voir qu’il forme un tout avec celui des Articulations. Galien s’est chargé de ce soin, aussi je me contenterai de le traduire[55] : « J’ai dit dans le commentaire sur le traité des Articulations qu’il est une suite de celui des Fractures ; ici, je vais rappeler brièvement les raisons qui le prouvent. D’abord cela est évident par le début de l’un et l’autre traité ; celui des Fractures commence par ces mots : Il faut que le médecin fasse l’extension le plus directement qu’il est possible dans les luxations et les fractures ; l’auteur annonce clairement par là qu’il traitera des fractures et des luxations. Celui des Articulations débute par la particule δέ, particule qui indique toujours une suite et jamais le commencement d’un traité. Cependant, quelques-uns poussent l’habileté et l’érudition jusqu’à citer les Œconomiques de Xénophon, croyant prouver par là que les anciens avaient la coutume de se servir de la particule δέ au début d’un livre, et ils rapportent la première phrase de l’ouvrage de Xénophon, qui est ainsi conçue : ἤκουσα δέ ποτε αὐτοῦ καὶ περὶ οἰκονομίας τοιάδε μοι διαλεγομένου (Je l’ai entendu me donner les instructions suivantes sur l’économie). Ils ne savent pas que ce livre des Œconomiques est le dernier des Mémorables de Socrate. En outre, l’exposition même des choses montre que le traité des Articulations est la suite de celui des Fractures. En effet, l’auteur, ayant promis, dans celui-ci, de parler des luxations et des fractures, a ajouté dans le livre des Articulations ce qu’il n’avait pas exposé dans l’autre ; de sorte que le sujet est traité complétement. Aussi ai-je rappelé que quelques-uns pensaient qu’Hippocrate n’avait pas divisé lui-même l’œuvre entière en deux livres, qu’il avait composé un seul livre intitulé de l’Officine du médecin (Κατ’ ἰητρεῖον), et que, plus tard, ce livre unique avait été, à cause de sa longueur, partagé en deux par quelque autre. Hippocrate n’a omis aucune espèce de luxations ni de fractures, excepté les fractures du crâne, attendu qu’il se réservait d’en traiter à part ; pour s’en convaincre, il ne faut que se rappeler les objets qu’il a exposés dans les traités des Articulations et des Fractures : dans ce dernier, il parle des fractures de l’avant-bras, du bras, de la jambe et de la cuisse, puis de celles du pied et de la main, ensuite de celles qui sont accompagnées de plaies et de dénudation des os, enfin des fractures des articulations du genou et du coude. Il ne restait plus à parler que des articulations de l’épaule, de la hanche et du rachis, et, en fait de fractures, de celles des côtes, de la mâchoire, du nez et des oreilles ; il en traite dans le livre des Articulations. En outre, ayant exposé la diastase des os et les contusions des articles dans l’un et l’autre livre, il complète, dans celui des Articulations, ce qu’il n’a pas achevé dans celui des Fractures, de sorte qu’il n’omet aucune espèce de luxation, ni de fracture, ni de diastase des os. Il y est parlé aussi de la contusion des muscles, des veines et des ligaments. Tout cela prouve que le livre des Articulations est la suite du livre des Fractures. Enfin, ayant conseillé, dans ce dernier, aux médecins qui doivent pratiquer dans une grande ville, d’avoir une machine de réduction, il en donne la description détaillée dans le livre des Articulations ; c’est ce que depuis on a appelé le banc d’Hippocrate. »

Je n’ai rien à ajouter aux arguments de Galien. Il a démontré que les deux traités ne font qu’un ; et, dès lors, au traité des Fractures appartient le même degré d’authenticité qu’au traité des Articulations.

Quelques critiques anciens, au dire de Galien, attribuaient l’un et l’autre à Hippocrate, fils de Gnosidicus, et grand-père du célèbre Hippocrate ; ce qui est d’autant plus singulier que plusieurs critiques modernes ont soutenu, au contraire, que ces deux livres étaient d’une date relativement récente.

Des Instruments de réduction[56]. Ce traité est cité par Galien comme un livre dont les critiques s’accordent à reconnaître l’authenticité[57]. Érotien l’a placé dans sa liste, et dès le temps de Bacchius il figurait dans la Collection hippocratique. Ce ne sont cependant pas les dires des anciens critiques qui seuls m’ont déterminé à ranger ce livre à côté de ceux que je regarde comme étant véritablement d’Hippocrate. Mais dans le chapitre X, p. 248, j’ai montré que le livre des Instruments de réduction était un abrégé de celui des Articulations ; en conséquence, je n’ai pas voulu séparer l’abrégé de l’original, quel que soit celui des hippocratiques qui ait fait cette analyse. Il faut remarquer en outre que cet opuscule est précédé d’une introduction anatomique qui est très courte, et qui est sans doute aussi un abrégé. On peut supposer que cette introduction, dans ses proportions primitives, servait de préambule aux traités des Fractures et des Articulations qui, alors, ne formaient qu’un seul livre ; supposition d’autant plus admissible que le traité des Fractures commence brusquement et d’une manière qui semble indiquer que quelque chose avait précédé.

Au livre des Instruments de réduction était joint, dans l’antiquité, un fragment que Galien cite sous le titre de livre sur les Veines[58]. Ce fragment fait, dans nos éditions, partie de la compilation intitulée : de la Nature des os (Περὶ ὀστέων φύσιος) ; c’est là (Neuvième classe) qu’il en sera question.

Des Plaies de tête[59]. Le plus ancien témoignage que nous possédions sur ce livre est celui de Bacchius. Cependant personne dans l’antiquité ne paraît avoir douté de l’authenticité du traité des Plaies de tête. Il est d’autant moins permis de résister à cette unanimité, que rien dans le traité lui-même ne la contredit : seulement quelques courts fragments ont été signalés comme apocryphes et ajoutés[60].

Serment[61]. Plusieurs critiques modernes ont douté de l’authenticité de cet écrit. Cependant il a été cité plusieurs fois dans l’antiquité ; Érotien l’a inscrit dans sa liste, et certainement Érotien avait puisé cette indication chez les commentateurs antérieurs. Ainsi l’on ne peut douter que le Serment n’ait fait partie de très bonne heure de la Collection hippocratique. J’ai dit plus haut (chap. II, pag. 31), qu’une citation d’Aristophane semblait ne pouvoir se rapporter qu’au Serment. De plus, en l’examinant en lui-même, on est porté à lui accorder une haute antiquité. Évidemment il se rapporte à une corporation constituée comme celle que formaient les Asclépiades ; et, si on en plaçait la composition après la fondation de l’école d’Alexandrie, on ne comprendrait plus à quel état de choses il pourrait s’appliquer. La gravité du langage, le sentiment positif de la responsabilité médicale qui y est consigné, tout empêche d’y voir l’œuvre postérieure d’un faussaire. Ce qui l’a fait suspecter, c’est la mention de la lithotomie, opération qui, dit-on, ne se pratiquait pas dans ces temps reculés. Mais c’est une assertion toute gratuite ; et il est très probable, qu’à l’exemple de la médecine égyptienne, il y avait en Grèce des médecins pour les yeux, pour les dents, etc., et pour la lithotomie. Sprengel (Apol. des Hippocrates, Bd. I, S. 77) dit que certains passages, entr’autres celui qui est relatif à la taille, ont été ou ajoutés, ou falsifiés par les Alexandrins, et que Celse, autorité irrécusable en ceci, désigne Ammonius d’Alexandrie, avec le surnom de lithotomiste, comme le principal chirurgien. Or, voici ce que dit Celse : « Si le calcul paraît trop gros pour pouvoir être retiré sans la rupture du col de la vessie, il faut diviser ce calcul, opération dont Ammonius a été l’inventeur, surnommé à cause de cela lithotomiste[62]. » Puis Celse décrit l’instrument et explique le procédé à l’aide duquel Ammonius brisait le calcul. On voit donc que, d’après Celse lui-même, la taille se pratiquait avant Ammonius, que l’on ne sait rien sur l’origine de cette opération, et que rien n’empêche de croire qu’elle ait été en usage dès le temps des hippocratiques et avant eux. Il est probable que le mot de lithotomie, expression si vicieuse pour désigner la taille, mais si juste de la manière que Celse l’emploie, provient, dans l’usage médical, de quelque confusion née du passage même de l’auteur latin. Remarquons, en confirmation de tout ce qui vient d’être dit, qu’il est question, dans un livre qui fait partie de la Collection hippocratique, des moyens de reconnaître, à l’aide du cathéter, la présence du calcul dans la vessie. Enfin (ce qui peut ajouter quelque poids en faveur de l’authenticité de cet écrit), Platon nous apprend, comme il est dit dans le Serment, que les médecins instruisaient leurs enfants dans la médecine[63].

La Loi[64]. Ce petit morceau, qui est rédigé avec beaucoup de soin, est mis par Érotien dans la liste des écrits qui appartiennent à Hippocrate. La plupart des critiques modernes, au contraire, le regardent comme apocryphe ; sur quels motifs ? c’est ce qu’il ne serait pas très facile de dire. Cependant la Loi tient de très près au Serment, et, si l’on accepte l’un comme véritable, l’autre ne peut guère passer pour illégitime. Comme le Serment, elle admet, dans l’étude de la médecine, des initiés et des profanes, et elle parle aussi des mystères de la science. À quel temps reporter la composition de cet écrit, si ce n’est au temps des Asclépiades, corporation de prêtres qui initiaient véritablement les adeptes en leur distribuant l’enseignement ? De plus, la Loi représente ces médecins ambulants ou périodeutes qui allaient de ville en ville exercer leur art. C’est encore un trait qui n’est pas en désaccord avec l’époque d’Hippocrate. En un mot, le Serment me paraît entraîner avec lui la Loi, et, sans avoir la certitude absolue que cette dernière pièce appartienne à Hippocrate, on peut l’attribuer à son époque et à son école.


Je viens de passer en revue tous les écrits que je regarde comme étant d’Hippocrate lui-même ; et j’ai exposé les motifs qui m’ont déterminé. Maintenant, si ces motifs sont fondés, si je n’ai pas erré dans mes déterminations, il doit se manifester, entre tous ces écrits que je suppose provenus d’une même tête et d’une même main, des rapports qui achèvent de démontrer la communauté d’origine, et dont l’absence serait une objection contre la critique. Or, remarquez combien tous ces écrits ont entre eux de liaisons étroites. Le livre de l’Ancienne médecine a des passages entiers qui se trouvent reproduits dans le traité du Régime des maladies aiguës ; ce traité, à son tour, contient, contre les médecins cnidiens, une polémique où Hippocrate leur reproche leur soin de compter et de nommer les maladies ; et dans le Pronostic il dit expressément qu’il n’a pas voulu nommer les maladies, attendu que cela est inutile pour l’intelligence des symptômes généraux. Les observations particulières des Épidémies sont tracées dans le même esprit, les maladies sont rarement dénommées, et tout est rapporté à la seule description des symptômes généraux. Le même livre du Pronostic déclare que les principes médicaux qui viennent d’être exposés sont valables pour la Scythie, la Lybie et Délos ; et, dans le traité des Airs, des Eaux et des Lieux, l’auteur expose les conditions des habitants de la Scythie, de la Lybie et des Grecs tant européens qu’asiatiques. Les Aphorismes forment un lien entre tous ces livres et les traités chirurgicaux ; de sorte que l’on a véritablement, dans cet ensemble d’écrits, un ensemble de doctrine où l’on reconnaît partout la trace visible d’une même pensée et d’une même main. Si nous demandons aux plus anciens témoignages quel est cet auteur, Platon, Ctésias, Dioclès, Hérophile nous indiquent Hippocrate. Les mentions qu’ils font de son nom, se complètent et se confirment l’une par l’autre ; et, tandis que l’on voit, dans la Collection hippocratique, un certain nombre de livres marqués d’un même caractère et liés par d’incontestables rapports, on voit, dans l’histoire, un médecin cité par des écrivains célèbres qui ont vécu ou avec lui ou peu après lui : citations que l’on rapporte à quelques-uns de ces ouvrages qu’une tradition de vingt-deux siècles nous a transmis. Ainsi, malgré un si long intervalle de temps, malgré les nuages qui toujours s’amoncellent sur le passé, on discerne visiblement la grande figure d’Hippocrate, on aperçoit la trace de ses travaux, on peut poser le doigt sur ce qui a été son œuvre. Ici, la critique touche de toute part à des réalités ; et c’est dans la concordance des témoignages intrinsèques et des témoignages extrinsèques, des livres et des citations, qu’elle trouve sa plus grande sûreté.

DEUXIÈME CLASSE.

La série des écrits qui manifestement n’appartiennent pas à Hippocrate, est naturellement ouverte par ceux qui sont dus à Polybe, son gendre. Le traité de la Nature de l'homme, et peut-être celui du Régime des gens en santé, sont de ce médecin.

De la nature de l’homme[65]. Aristote (Histoire des animaux, liv. III, ch. 3) cite un long morceau sur les veines qu’il attribue à Polybe en termes exprès ; car, après avoir rapporté les opinions de Syennésis de Chypre et de Diogène d’Apollonie, il ajoute : Polybe s’exprime ainsi : (Πόλυβος δὲ ὧδε) ; et, après avoir fini la citation, il la clôt en ces termes : ce que disent les autres est à peu près semblable (τὰ μὲν οὖν ὑπὸ τῶν ἄλλων εἰρημένα σχεδὸν ταῦτ’ ἐστίν). Or, tout ce long morceau se retrouve textuellement dans le traité de la Nature de l’homme[66]. Cela est absolument incontestable.

Cependant Galien a essayé, avec une insistance toute particulière, de faire prévaloir l’opinion que ce traité appartenait à Hippocrate, opinion, du reste, fort contestée, comme il nous l’apprend lui-même, par d’autres critiques. Son grand argument est le passage de Platon que j’ai longuement discuté au sujet de l’Ancienne médecine. Je n’y reviendrai pas.

Il va jusqu’à dire que l’anatomie des veines, telle qu’elle est dans le livre de la Nature de l’homme, n’est ni d’Hippocrate, ni de Polybe[67], et que cela a été démontré par d’autres, et sera démontré par lui dans l’ouvrage qu’il consacrera, si Dieu lui en accorde le temps, à l’examen des livres qui sont véritablement d’Hippocrate. Entre l’assertion de Galien, vivant plus de 500 ans après Polybe, et qui n’en a jamais vu les écrits, et l’assertion d’Aristote, presque contemporain de ce même Polybe, et qui a eu ses livres entre les mains, il ne peut pas y avoir la moindre hésitation ; c’est Aristote qui est seul croyable en ceci. Aristote ne cite pas, il est vrai, le titre de l’ouvrage de Polybe ; mais il ne cite pas, non plus, le titre du livre de Diogène d’Apollonie, qui avait intitulé le sien, comme nous l’apprend Simplicius, de la Nature, ni celui du livre de Syennésis de Chypre. Quant à ce dernier, son livre ayant péri avant d’être recueilli dans les grandes bibliothèques publiques, nul ne sait quels en étaient le titre et l’objet.

Je pense donc qu’il est impossible de ne pas regarder le traité de la Nature de l’homme comme étant de Polybe. Il est bien vrai, comme le dit Galien, que ce livre est composé de pièces et de morceaux. L’inspection la plus superficielle suffit pour le démontrer ; mais c’est du livre de Polybe que ces fragments ont été pris.

En voici, ce me semble, une preuve : l’auteur dit que les maladies se guérissent par les contraires, dans une phrase qui tient peu à ce qui précède. Douze lignes plus loin, exposant comment il faut combattre les maladies épidémiques, il ajoute que le traitement doit être le contraire de la cause, ainsi, dit-il, que je l’ai expliqué ailleurs[68]. Une telle expression indique ce qui vient d’être énoncé quelques lignes plus haut, ou plutôt ce qui a été exposé dans un autre traité ou dans un autre chapitre résumé dans ces quelques lignes. Je regarde le court passage où il explique que le traitement doit être basé sur les contraires, comme l’idée d’un livre ou chapitre particulier, et le passage où il explique le diagnostic des maladies épidémiques, comme appartenant à un autre livre ou chapitre.

Immédiatement après, et sans aucune transition, il passe à la description des veines du corps, fragment anatomique du livre de Polybe.

Puis viennent encore sans transition quelques considérations sur les urines.

Enfin il termine par quelques mots très brefs sur les fièvres, sujet qui n’est pas plus amené que les autres. Tout cela prouve que ce sont, il est vrai, des fragments, mais on voit en même temps qu’il est resté, entre ces fragments, une trace qui indique qu’ils ont tenu l’un à l’autre.

Il ne serait même pas impossible de se faire une idée du livre de Polybe tel qu’Aristote l’avait dans sa bibliothèque. Ce livre commençait par des considérations générales sur l’homme, où l’auteur essayait de faire voir que le corps ne pouvait pas être simple, comme quelques-uns, disciples de Mélissus, le soutenaient ; que quatre humeurs le constituaient essentiellement, le sang, la pituite, la bile jaune et la bile noire ; et que ces humeurs prédominaient dans la saison à laquelle chacune était conforme.

De là l’auteur passait à son principe que les contraires doivent être combattus par les contraires, et il énumérait toutes les conditions de régime, de saison, d’âge, où ce principe était applicable.

Puis il examinait les causes des maladies, attribuait les maladies épidémiques à l’air, les sporadiques au régime.

Cet examen le conduisait à la considération des maladies selon les organes ; examen dont l’abréviateur a conservé une trace dans la phrase où il est dit que les maladies sont les plus fortes ou les plus faibles selon que la partie affectée est plus ou moins importante.

De là transition naturelle à des explications anatomiques où prenait place la description des veines qui est conservée et qu’Aristote a citée.

L’auteur entamait des recherches sur certaines dispositions qui, existant dans l’enfance, amènent à l’âge adulte, par une suite nécessaire, des états particuliers.

Il essayait d’expliquer pourquoi les enfants et les vieillards sont plus sujets que les adultes à la pierre.

Il y avait quelques mots sur les affections des voies urinaires ; enfin, l’ouvrage était clos, autant qu’on en peut juger, d’après ce que nous en a donné l’abréviateur, par des notions sur les fièvres.

Tel est le résumé que l’on peut concevoir de l’ouvrage de Polybe. Ce livre, réduit à quelques fragments et conservé seulement sous cette forme, a été publié plus tard sous le nom d’Hippocrate. Mais rappelons-nous qu’Aristote a eu ce livre dans sa bibliothèque, et qu’il en a cité un long passage ; et nous ne serons pas étonnés de trouver, entre le livre de Polybe et les écrits du chef du péripatétisme, certaines ressemblances qui ne peuvent être fortuites, et dont je citerai ici un seul exemple. Polybe dit que, dans des abcès qui se forment vers la grosse veine et qui ne s’ouvrent pas promptement, le pus se transforme en concrétions[69] ; Aristote dit de son côté : « Le sang qui se putréfie dans le corps devient pus, et le pus devient concrétion[70] ».

Du Régime des gens en santé[71]. Ce traité était, comme nous l’apprend Galien, réuni, dans la plupart des anciennes éditions, au traité de la Nature de l’homme, et, dans ce cas, il portait le titre de livre sur la Nature de l’homme et sur le Régime[72]. C’est cette circonstance qui fait que je le joins ici au traité avec lequel il était joint jadis, sans avoir d’autre preuve que Polybe en soit l’auteur. Il est très probable qu’il appartient à celui qui a composé le livre sur la Nature de l’homme. Cependant l’opinion, dans l’antiquité, a beaucoup varié sur cet opuscule, que l’on a attribué à Euryphon, à Phaon, à Philistion, à Ariston, et à d’autres encore[73].

TROISIÈME CLASSE.

Une troisième série est formée par des écrits que plusieurs critiques modernes ont regardés comme antérieurs à Hippocrate lui-même, et comme provenant directement des temples des Asclépiades. Ce sont les Prénotions de Cos et le 1er livre des Prédictions.

Prénotions de Cos. — Prédictions, livre 1er[74]. Ces deux livres ont la plus grande ressemblance dans la forme et ont été tous deux rejetés du catalogue hippocratique par la plupart des critiques anciens. Érotien ne fait aucune mention des Prénotions coaques ; et les Prédictions, qu’il cite, il déclare expressément qu’elles ne sont pas d’Hippocrate. Galien ne parle qu’en passant des Prénotions de Cos, il en explique quelques mots dans son Glossaire, et, quant au 1er livre des Prédictions, qu’il a commenté, il le regarde comme une compilation du Pronostic, des Aphorismes et des Épidémies ; compilation au milieu de laquelle beaucoup de choses fausses ont été intercalées. La lecture même de ces deux écrits ne permet pas, non plus, d’y voir une composition régulière : ce sont des notes, des fragments d’observation, des cas particuliers où quelquefois le nom même du malade est rapporté. En plusieurs endroits on trouve des points d’interrogation, questions que l’auteur a laissées sans solutions. Que ces livres soient antiques, c’est ce dont il est impossible de douter ; qu’ils présentent une grande conformité de doctrines et d’observations avec les livres les plus authentiques d’Hippocrate, c’est ce dont on acquiert facilement la preuve en les comparant avec le Pronostic et les Aphorismes. Plusieurs modernes, et entre autres Grimm[75], ont pensé avec une grande apparence de raison que ces livres contiennent les notes prises par les Asclépiades dans le temple, et qu’à ce titre ils présentent un spécimen de la médecine antérieure à Hippocrate lui-même. D’un autre côté, la comparaison entre le Pronostic et ces deux livres, faite avec beaucoup de soin par M. Ermerins[76], prouve jusqu’à l’évidence que, si les Prénotions coaques sont antérieures à Hippocrate, il en a usé largement pour la composition de ce traité. Or, je l’ai déjà dit, entre le Pronostic et les Prénotions de Cos, il n’y a pas à hésiter, celles-ci sont incontestablement les plus anciennes.

M. Ermerins, par des raisons ingénieuses, cherche à démontrer que le 1er livre des Prédictions est à son tour antérieur aux Prénotions coaques ; 1o parce que, dans ce livre, le nom des malades est plus souvent ajouté à la proposition ; 2o parce que les questions et les doutes y sont en plus grand nombre que dans les Prénotions de Cos, proportionnellement à la longueur des traités ; 3o parce que le nombre des propositions y est de beaucoup inférieur à celui que renferment les Prénotions de Cos ; 4o parce que les énonciations prognostiques y ont beaucoup moins d’étendue et de généralité, et que pour cette raison elles paraissent tirées d’une moins riche collection d’observations.

Il n’est presque aucune des propositions du 1er livre des Prédictions qui ne se retrouvent dans les Prénotions de Cos ; mais celles-ci en offrent un grand nombre d’autres neuves et originales. Il semblerait que ce recueil, dont le point de départ serait le 1er livre des Prédictions, est allé se grossissant, et s’enrichissant de propositions nouvelles et plus étendues ; et l’on pourrait presque considérer les Prénotions de Cos comme une édition, considérablement augmentée et changée, du 1er livre des Prédictions.

Cela étant établi, il est inutile de chercher l’auteur de ces recueils qui n’appartiennent en propre à personne.

QUATRIÈME CLASSE.

Une nouvelle série est formée par les écrits qui, dépourvus de témoignages suffisants pour être attribués à Hippocrate, portent cependant le cachet de l’école de Cos, et doivent être considérés comme l’ouvrage des disciples de cette école qui lui ont prochainement succédé. Ce sont : le traité des Ulcères ; celui des Fistules et des Hémorrhoïdes ; celui de la Maladie sacrée, celui des Airs, celui des Lieux dans l’homme, le traité sur l’Art, le traité du Régime et des Songes, le traité des Affections, le traité des Affections internes, les trois premiers livres des Maladies, les opuscules de la Naissance à sept mois, de la Naissance à huit mois.

Des ulcères[77]. Ce traité est attribué à Hippocrate d’une manière positive par Galien et par Érotien. Des critiques modernes, Haller, Gruner et Grimm, ont contesté ce jugement, et, sous prétexte qu’il régnait dans ce traité du désordre, et qu’il y était question de médicaments variés et composés, ils l’ont jugé indigne du médecin de Cos ; Gruner même l’attribue à quelque médecin cnidien. Ces raisons, à vrai dire, me paraissent peu concluantes, et, en l’absence de meilleurs arguments qui constatent que ce livre est réellement apocryphe, le plus sûr serait de ne pas s’écarter de l’avis des anciens, et de le ranger , avec Galien et Erotien, parmi les productions d’Hippocrate, si l’on avait plus de moyens d’en discuter l’authenticité.

Des Fistules[78]Des Hémorroïdes[79]. Galien, l’auteur de l’Introduction, et Érotien n’hésitent pas à compter ces deux traités parmi ceux qui appartiennent à Hippocrate. Ces deux morceaux sont évidemment du même auteur et même la suite l’un de l’autre. Certains critiques modernes ont fait contre ces opuscules les mêmes objections que contre le Livre des Ulcères. Comme le traité des Ulcères, ces deux opuscules ne contiennent rien qui démente ou fortifie l’assertion d’Érotien et de Galien, et le doute est ce qui convient le mieux ici où les éléments de discussion manquent complètement.

De la maladie sacrée[80]. Connu de Bacchius, dont une explication relative à ce livre nous a été conservée, placé par Érotien, Cælius Aurelianus et Galien au nombre des œuvres d’Hippocrate lui-même, le traité de la Maladie sacrée nous arrive entouré de témoignages imposants. Cependant la plupart des critiques modernes ont cru devoir le ranger au nombre des livres apocryphes. Une des principales causes de ce jugement a peut-être été une glose que l’on trouve dans quelques manuscrits, et que l’édition de Froben a reproduite. Il y est dit que le traité de la Maladie sacrée n’est pas du véritable Hippocrate, mais que, suivant Galien, c’est l’ouvrage d’un homme de mérite[81]. Cette opinion ne se trouve dans aucun des écrits de Galien, et la citation est fausse, à moins qu’elle n’ait été empruntée à quelqu’un de ses ouvrages perdus. Les critiques modernes prétendent que le style du traité de la Maladie sacrée ne répond ni à la brièveté, ni à la simplicité du style d’Hippocrate, et que ce livre porte tous les caractères du temps où l’école dogmatique était déjà complètement formée ; ils y signalent aussi l’abondance des raisonnements et une observation anatomique trop avancée, selon eux, pour l’époque hippocratique. La plupart se sont donc accordés pour le regarder comme postérieur ; cependant quelques-uns (Cæsalpin et Ponce de Sancta-Cruce) l’ont attribué à Démocrite. D’autres l’ont donné à Philotimus ; il y a trop de distance entre ce dernier et Démocrite pour que la critique qui reste incertaine entre ces deux auteurs, ne soit pas vicieuse en soi. M. Dietz, qui a publié une édition de ce traité, remarque, avec toute raison, que le style, la doctrine, et une conformité évidente avec des livres reconnus comme l’œuvre d’Hippocrate, ne permettaient pas de douter que le traité de la Maladie sacrée ne fût sorti de l’école de Cos. Il incline à penser que ce livre est du même auteur que le livre sur la Nature humaine. Si donc, en acceptant comme véritablement de Galien le jugement que rapporte la glose citée plus haut, on se refuse à donner à Hippocrate lui-même cette composition, il faudra du moins l’attribuer à quelqu’un de ses disciples, les meilleurs et les plus immédiats.

Des Airs ou plutôt du Pneuma[82]. Ce traité, cité par Celse, par Érotien, par Galien, a en sa faveur les mêmes autorités que le traité de la Maladie sacrée, mais il est sujet aux mêmes objections. Il paraît appartenir à une école dogmatique plus développée qu’au temps même d’Hippocrate ; mais les analogies qu’il présente avec la plupart des autres livres de la Collection, ne permettent pas qu’on l’attribue à quelque médecin de la secte bien plus récente des pneumatiques. C’est une production de l’école de Cos, étrangère, si on veut, à Hippocrate lui-même, mais appartenant à quelqu’un de ceux qui avaient reçu leur instruction dans cette école, d’où il était sorti.

Des Lieux dans l’homme[83]. La plupart des auteurs anciens, Bacchius, Lycus de Naples, Érotien, Rufus d’Éphèse, attribuent formellement ce traité à Hippocrate. Galien ne le nomme qu’en passant dans son Glossaire, et il ne s’explique ni pour ni contre. En général, ces opuscules, tels que celui sur la Maladie sacrée, sur le Pneuma, des Lieux dans l’homme, de l’Art, se trouvent trop peu discutés dans ce qui nous reste des livres des critiques anciens, pour qu’il soit possible d’avoir, sur le compte de ces ouvrages, une opinion arrêtée, et peut-être, dans un pareil doute, vaut-il mieux s’abstenir.

De l’Art[84]. Ce traité a pour lui le témoignage d’Érotien, et même le témoignage, beaucoup plus ancien, d’Héraclide de Tarente ; car Érotien rapporte l’explication donnée par Héraclide sur un mot qui se rencontre dans ce traité. Il est donc évident que l’opuscule sur l’Art a fait, dès les premiers temps, partie de la Collection hippocratique ; mais il n’en résulte pas, d’une manière incontestable, que cet opuscule appartienne à Hippocrate. Ce traité présente quelques singularités de rédaction ; le préambule où l’auteur remarque qu’il y a un égal mérite à faire des découvertes ou à perfectionner des découvertes déjà faites, a une ressemblance frappante avec le préambule du 1er livre du Régime ; plus loin, il recommande aux médecins de ne pas donner leurs soins aux malades incurables, et cette recommandation se lit aussi dans le Pronostic ; vers la fin il se trouve, sur le souffle vital, des idées fort analogues à celles qu’on lit dans le traité du Pneuma. Enfin, une phrase remarquable présente une singulière analogie avec une phrase de Platon[85]. Ces considérations réunies ne permettent pas de rejeter l’opuscule sur l’Art hors de l’ancienne école de Cos.

Du Régime, en trois livres[86]. Si je n’avais consulté que la valeur intrinsèque de ce livre et mon goût particulier, j’aurais eu une grande inclination à l’attribuer à Hippocrate ; mais les critiques anciens ont été très partagés au sujet de ce traité. Les uns l’ont donné à Hippocrate lui-même ; d’autres à Philistion de Locres, à Ariston, à Euryphon, à Philetès, tous médecins ou contemporains d’Hippocrate ou même plus anciens que lui. On voit donc que ce n’est pas sur l’antiquité de ce livre, mais sur son authenticité que l’on a eu des avis différents. Érotien n’en fait pas mention dans son catalogue ; Galien se prononce contre la légitimité de ce traité, et, tout en admettant que le second livre est digne d’Hippocrate, il repousse le premier comme s’éloignant complètement de la doctrine du médecin de Cos[87]. Il est certain que le traité du Régime présente des traces d’une haute antiquité ; ses conformités avec les théories d’Héraclite, dont le style et quelquefois les mots s’y trouvent reproduits, ses rapports avec les préceptes d’Hérodicus de Selymbrie, le font remonter à une époque peut-être aussi ancienne que celle d’Hippocrate. La seule chose qui m’empêche d’admettre ce livre pour authentique, c’est que les anciens critiques l’ont rejeté. Car, du reste, il porte des traces évidentes et nombreuses de conformité avec les écrits vraiment hippocratiques. Il y avait des éditions différentes de ce traité dans l’antiquité. Quand les trois livres étaient réunis ensemble, ils étaient intitulés de la Nature de l’homme et du Régime ; quand le second était seul, on lui donnait le titre de Livre sur le Régime. Une autre particularité de ce second livre, c’est qu’il y en avait deux éditions notablement différentes. L’une contenait un long morceau de plus que l’autre ; la première commençait par ces mots : Χωρίων δὲ θέσιν, qui sont les premiers de nos éditions, l’autre par ceux-ci : Σιτίων τε καὶ πομάτων[88], qui se trouvent soixante et une ligne plus bas dans l’édition in-folio de Froben. Cette différence vient-elle de la volonté des éditeurs postérieurs, ou bien du fait même de la publication primitive ?

Des Songes[89]. Cet opuscule est évidemment la suite du traité du Régime, par conséquent tout ce qui a été dit de l’un s’applique à l’autre. Le traité du Régime est un de ceux de la Collection où la fin est le mieux marquée. La portion qui est relative aux songes (Περὶ ἐνυπνίων) se termine par une formule qui est réellement la clôture de tout le traité. « Celui, dit l’auteur, qui observera ce qui est écrit, jouira de la santé pendant tout le cours de sa vie ; car j’ai tracé, autant qu’un homme peut le faire, les règles du régime, avec le secours des dieux[90]. »

Des Affections[91]. Érotien ne cite pas ce traité ; Galien en parle quelquefois, mais il dit qu’il n’est pas digne d’Hippocrate ; cependant il ajoute qu’il contient beaucoup de choses utiles[92]. Ainsi, le seul témoignage explicite de l’antiquité qui soit arrivé jusqu’à nous est défavorable à l’authenticité de ce livre. Remarquons en outre que le silence d’Érotien est aussi une condamnation ; et cependant ce critique a été bien plus facile que sévère dans l’appréciation des titres de chacun des écrits qu’il a admis dans sa liste. Après ces préliminaires, il est évidemment impossible que nous reconnaissions le livre des Affections comme une production d’Hippocrate lui-même, quoique ce soit un abrégé bien fait et rapide d’une foule de notions médicales.

Des Affections internes[93]. Ce traité, qui n’est pas cité par Érotien, l’est plusieurs fois par Galien, qui nous apprend qu’il portait différents titres[94], et, pour qu’il n’y ait aucune confusion sur des livres qui ont des titres analogues, Galien en cite la première ligne, laquelle est en effet le commencement du traité que nous possédons aujourd’hui. L’absence du témoignage d’Érotien, l’affirmation de Galien que ce livre n’est pas d’Hippocrate, nous empêchent également d’hésiter sur le rang où nous devons mettre le traité des Affections internes ; Foes l’a attribué à Euryphon, médecin cnidien. Aucun renseignement n’autorise à en indiquer, d’une manière aussi précise, l’auteur.

Des Maladies, 1, 2, 3[95]. Nous possédons quatre livres des Maladies, mais ils ne font pas tous les quatre suite l’un à l’autre, ils n’ont pas été admis dans leur ordre actuel par les critiques anciens, et le quatrième appartient manifestement à une série différente, ainsi que je le dirai plus loin. Érotien n’en cite que deux ; Cœlius Aurelianus n’en admet aussi que deux. Galien en nomme, non-seulement quatre, mais cinq ; et les quatre qu’il nomme ne répondent pas à ceux qui sont arrivés jusqu’à nous. Là est la difficulté, examinons-la de plus près.

D’abord quels sont les deux livres des Maladies qu’Érotien a insérés dans son catalogue des livres hippocratiques ? Ce sont ceux qui, dans nos éditions, sont appelés le deuxième et le troisième. Cela résulte de différentes preuves. Cælius Aurelianus cite deux fois le 2e livre[96] : or ses deux citations se trouvent dans notre troisième ; Érotien explique des mots pris dans notre deuxième et notre troisième : cette circonstance, rapprochée des témoignages de Cælius Aurelianus, ne permet pas de douter que les deux livres des Maladies nommés dans le catalogue des œuvres hippocratiques dressé par Érotien, ne soient le deuxième et le troisième de nos éditions. Mais comment s’est opéré ce changement ? il date de loin certainement, et il y avait dans l’antiquité d’autres éditions où celui que nous connaissons comme le 1er livre des Maladies, était bien réellement intitulé ainsi. En effet, Galien le citant, dit : « Le 1er livre des Maladies, qui porte à tort ce titre[97]. » Ces paroles semblent indiquer que Galien désapprouvait cette appellation. Il faut remarquer, en outre, qu’il cite la première ligne de ce livre ; ce qui, d’une part, nous montre qu’il n’y a aucune erreur sur le livre lui-même ; et, d’autre part, que la confusion était fréquente, dans les anciennes éditions, entre les différents livres des Maladies, celui des Affections, et celui des Affections internes ; aussi Galien, pour éviter toute méprise, rapporte-t-il en quelques endroits, lorsqu’il cite notre 2e livre des Maladies et le traité des Affections internes, les premiers mots de ces ouvrages.

Il nomme cinq traités sur les Maladies, à titres différents, qui sont : 1o le 1er livre des Maladies le grand ; 2o le 2e livre des Maladies le grand ; 3o le 1er livre des Maladies le petit ; 4o le 2e livre des Maladies le petit[98] ; 5o le 1er livre des Maladies.

À quoi répondent, dans la collection telle que nous l’avons aujourd’hui, ces indications de Galien ?

1o Le 1er livre des Maladies le grand est notre 2e livre ; parmi les mots expliqués dans le Glossaire de Galien et cités comme appartenant au traité en question, les uns s’y resans peine, les autres ont besoin de quelques corrections, soit dans le texte hippocratique, soit dans celui du Glossaire. Deux mots font exception[99] ; Foes trouve, à la vérité, le premier dans le 2e livre des Maladies ; mais comme le second ne s’y rencontre pas, et qu’on le lit, avec le premier, dans le traité des Affections, il faut croire que Galien, qui hésite quelquefois au milieu des désignations diverses de livres portant à peu près le même titre, a donné fortuitement au traité des Affections l’appellation qu’il appliquait ordinairement à un autre. Il n’en reste pas moins établi que celui qu’il appelle le 1er livre des Maladies le grand est le premier d’Érotien et le second de nos éditions.

2o Le deuxième livre des Maladies le grand est le traité des Affections internes. Tous les mots du Glossaire de Galien qui sont empruntés à l’un se retrouvent dans l’autre.

3o Le premier des Maladies le petit est sans doute un livre perdu, du moins on ne découvre dans aucun des ouvrages hippocratiques les trois mots que Galien explique dans son Glossaire[100].

4o Le deuxième livre des Maladies le petit est celui qui porte dans nos éditions le titre de troisième ; c’est le second d’Érotien et de Cælius Aurelianus. Galien n’en cite qu’un mot[101]. Ce mot s’y retrouve avec sa signification ; et il est interprété aussi dans le lexique d’Érotien.

5o Galien cite encore sous le titre simple de livre des Maladies ou de 1er livre des Maladies, un ouvrage qui est notre premier livre. J’ai déjà rapporté un passage où il blâme ce titre de 1er livre ; il le blâme aussi dans un autre qui me semble révéler la trace de quelque interversion[102]. Ce passage est ainsi conçu : « Dans le préambule du livre intitulé à tort premier des Maladies, il est dit que la fièvre suit nécessairement le frisson. » Or la phrase citée par Galien se trouve, non pas dans le préambule, mais à la fin de ce traité.

On lit, dans un ancien manuscrit du Glossaire de Galien, un article qui manque dans tous les autres manuscrits et dans les éditions, et qui indique un certain mot comme se trouvant dans le 1er et le 2e livres des Maladies[103]. Ce mot se trouve, en effet, dans ces livres.

Ainsi voilà, de compte fait, cinq livres portant le titre sur les Maladies, cités par Galien ; ils répondent aux 1er, 2e, 3e livres des Maladies de nos éditions, et au traité des Affections internes. Un cinquième ne se retrouve pas ; et, d’un autre côté, nous ne voyons, dans les citations de Galien, aucune trace de celui qui, aujourd’hui, est appelé le quatrième livre. Tel est le dernier résultat de cette discussion difficile.

Quels sont les auteurs des quatre livres des Maladies conservés dans la collection actuelle des œuvres hippocratiques ? Le premier porte, dans l’édition de Froben (p. 129), une note prise à quelque manuscrit, dans laquelle il est dit qu’Hippocrate en est véritablement l’auteur. Malgré cette assertion, on ne peut en admettre l’authenticité. Érotien l’a rejeté de son catalogue, et Galien, exprimant son jugement en masse sur les livres des Maladies, déclare qu’ils ne sont pas d’Hippocrate. Ce livre est très bien fait, et il est difficile de comprendre pour quelle raison les critiques anciens l’ont rejeté ; mais le rejet est certain. On peut du moins rapprocher ce livre des autres écrits de l’école qui a succédé à Hippocrate.

Galien[104] nous apprend que Dioscoride, l’éditeur d’Hippocrate, attribuait notre 2e livre des Maladies à Hippocrate, fils de Thessalus. Lui-même doute de l’authenticité de ce livre. Quelques caractères intrinsèques porteraient à l’attribuer à un médecin cnidien ; de plus (chose assez remarquable), un passage copié dans un ouvrage d’Euryphon, auquel, dans l’antiquité, on attribuait généralement les Sentences cnidiennes, s’y retrouve textuellement. Cette circonstance fortifie les conjectures de ceux qui y voient une œuvre de l’école de Cnide.

Le troisième livre ne peut guère être séparé du second. Quant à notre quatrième, bien qu’il ne se trouve cité ni par Érotien, ni par Galien, néanmoins il ne doit pas être exclu de la Collection hippocratique, car il appartient à l’auteur des traités de la Nature de l’enfant, de la Génération, et des Maladies des femmes. Il est cité par Démétrius Pepagomène.

De la Naissance à sept moisDe la Naissance à huit mois[105]. Ces deux petits traités font évidemment suite l’un à l’autre. Érotien ne les admet pas dans son catalogue des livres hippocratiques ; mais Galien les cite comme une œuvre qui appartient réellement à Hippocrate. Clément d’Alexandrie attribue le traité de la Naissance à huit mois à Polybe[106]. Plutarque cite le même médecin comme auteur de l’opuscule sur la naissance à sept mois[107]. Dans cette incertitude, ces deux opuscules, quoique certainement fort anciens, ne peuvent être considérés que comme un débris mal connu de l’antique médecine.

CINQUIÈME CLASSE.

Je range dans cette série tous les livres qui ne sont qu’un recueil de notes, d’extraits, et qui évidemment n’ont pas reçu une rédaction définitive, mais qui ont figuré dans la Collection hippocratique dès les premiers temps. Ce sont le 2e, le 4e, le 5e, le 6e et le 7e livres des Épidémies, le traité de l’Officine du médecin, le traité des Humeurs, et celui sur l’Usage des liquides. L’état informe de tous ces écrits est la preuve manifeste que la main des faussaires n’est pour rien dans la composition de la Collection hippocratique ; car quel homme occupé à fabriquer ces livres pour les bibliothèques de l’Égypte, aurait songé à jeter pêle-mêle des notes décousues ? qui aurait vu, dans cet artifice, un moyen de recommander le livre qu’il voulait vendre ? Ces notes proviennent incontestablement de l’héritage de quelque médecin et de quelque école.

Épidémies, 2e, 4e, 5e, 6e, 7e livres[108]. Tous les anciens critiques ont connu ces cinq livres des Épidémies ; mais ils ont été loin de s’accorder sur l’auteur auquel il faut les attribuer.

Le 2e livre est une collection de remarques sur une foule de sujets divers, écrites d’un style obscur, sans liaison les unes avec les autres ; l’opinion de Galien est que Thessalus a trouvé ces fragments après la mort de son père, et y a fait quelques additions accrues encore par d’autres médecins[109]. Tel était l’avis qui prévalait dans l’antiquité sur l’origine du 2e livre des Épidémies, et les modernes ne peuvent que le recevoir avec tous les doutes dont cet avis était dès lors environné.

Le 6e livre des Épidémies, qui est très semblable au 2e doit être, pour les mêmes raisons, mis à côté de ce dernier, et retranché du catalogue des écrits authentiques d’Hippocrate. Haller[110] a cru trouver la preuve que le 6e livre des Épidémies était de beaucoup postérieur à Hippocrate, dans un passage où il était question d’un philosophe cynique[111]. Mais rien n’est plus incertain que la valeur d’une telle conclusion, car les imprimés et les manuscrits écrivent très diversement le mot dont il s’agit, et on lit tantôt Cyniscus, tantôt Cyriscus, de telle sorte qu’il n’y a rien à conclure d’un mot ainsi isolé.

Quant au 4e, Galien ne le croit ni d’Hippocrate, ni même de Thessalus, et il affirme que la composition de ce livre a une date plus récente que ces deux médecins. Cependant, dans un autre passage, il le range dans la même catégorie que le 2e et le 6e livres. Érotien rapporte une explication d’Héraclide de Tarente relative à ce livre[112], ce qui prouve (chose, du reste, prouvée surabondamment) son ancienneté dans la Collection hippocratique. Le style y est à peu près le même que dans le 2e et le 6e et on y trouve une foule de passages tirés des autres livres d’Hippocrate.

Le 5e livre des Épidémies, quoiqu’il contienne des observations plus détaillées et d’un mérite incontestable, est cependant comme les autres, un recueil de notes et de fragments. Celse[113], Quintilien[114] et Plutarque[115] le citent comme parfaitement authentique. Galien, au contraire, dit que l’opinion presque générale est que ce livre porte un nom qui ne lui appartient pas, et il l’attribue à Hippocrate, petit-fils du grand Hippocrate. J’ajouterai une remarque, c’est que, suivant le même Galien, le mot diaphragme a été introduit par Platon, et ce mot se trouve dans le 5e livre des Épidémies. Une telle observation ne tendrait qu’à confirmer l’opinion que le 5e livre des Épidémies a été composé à une époque postérieure à Hippocrate.

Le 7e livre offre, dans sa contexture et sa rédaction, les mêmes caractères que les précédents. Il faut remarquer que la dernière partie de ce livre se retrouve à la fin du 6e livre. Galien dit que le 5e et le 7e sont manifestement d’un autre Hippocrate[116], et ailleurs, que le 7e paraît à tous plus récent et composé de pièces et de morceaux[117]. La lecture attentive de ces cinq livres porte à penser, comme Galien, qu’ils n’ont jamais été destinés à une publication régulière, et que ce sont des notes, des fragments, des observations cousues ensemble, sans aucun art, et prises à des sources diverses.

Les répétitions fréquentes que l’on trouve de l’un à l’autre de ces livres, les emprunts faits à d’autres ouvrages hippocratiques, confirment encore cette manière de voir, et, s’il reste la plus grande incertitude sur l’auteur ou les auteurs de cette composition, la chose en soi importe peu. Des notes venues d’Hippocrate lui-même seraient sans doute intéressantes et curieuses ; peut-être y en a-t-il, en effet, dans ces cinq livres, quelques-unes qui lui appartiennent. Mais quand, à une si grande distance de temps, et dans le dénûment où l’on est de la plupart des documents positifs, on hésite sur l’authenticité de traités entiers, quels moyens aurait-on de reconnaître des phrases isolées et des passages dépareillés ?

De l’Officine du médecin[118]. Bacchius, Héraclide de Tarente et Zeuxis ont connu ce livre, et cela suffit pour prouver que le traité de l’Officine du médecin a été rangé, dès les premiers temps, dans la Collection hippocratique. Les critiques ont varié sur l’authenticité de ce livre. Érotien l’attribue à Hippocrate ; mais Galien, qui semble partager cet avis, remarque en d’autres endroits que, suivant quelques-uns, ce livre est de Thessalus, fils d’Hippocrate, ou bien d’un Hippocrate plus ancien, fils de Gnosidicus ; ailleurs enfin il avance que ce traité n’a été corrigé pour la publication ni par Hippocrate, ni par ses fils (tom. V, pag. 685, Éd. Bas.). Dans le préambule de son commentaire sur ce livre, Galien rapporte que Mantias, Philotimus et Dioclès avaient composé un ouvrage sur le même sujet avec le même titre. Les comparaisons des traités faits par ces anciens médecins avec le traité hippocratique, nous apprendraient-elles si celui-ci est antérieur à ceux-là ? Galien le pense, lui qui avait les uns et les autres sous les yeux ; mais pour nous ce n’est qu’une conjecture. La rédaction même du traité de l’Officine du médecin indique que ce n’est qu’un extrait, une analyse. En effet, j’ai montré que le traité des Instruments de réduction était un abrégé du grand traité des Articulations. Or, la composition du livre de l’Officine du médecin a de grands rapports avec celle du livre des Instruments de réduction. Il est donc permis de croire que le premier est, comme le second, l’analyse très succincte de quelque travail étendu sur la chirurgie, qui n’existe plus.

Des Humeurs[119]. Galien, dans son Commentaire du traité des Humeurs[120], dit : « Dioclès de Caryste n’a pas bien compris le mot ἔῤῥιψις, il a cru que c’était non un symptôme relatif aux forces et corporel, mais un symptôme relatif à l’âme et intellectuel. » Le mot dont il s’agit ici se trouve dans le traité des Humeurs ; en lisant dans Galien que Dioclès ne l’a pas bien compris, on pourrait croire que le médecin de Caryste en avait donné une interprétation, et inférer de là que Dioclès avait composé un commentaire sur cet écrit. Il n’en est rien ; Glaucias, Zeuxis et Héraclide de Tarente s’accordaient pour nier que le traité des Humeurs fût d’Hippocrate ; et une pareille négation n’eût pas été possible si Dioclès l’eût commenté. Ἔῤῥιψις est un mot que Dioclès a défini, mais sans aucune relation à un écrit d’Hippocrate. Nous trouvons, dans les Glossaires médicaux, de semblables définitions de mots communs à Dioclès et aux hippocratiques. Érotien cite trois explications du médecin de Caryste sur des mots qui sont dans Hippocrate : 1o ἐκτόμου, Dioclès dit qu’on appelle ainsi l’hellébore noir[121] ; 2o σηκαμοειδές, Dioclès dit qu’on appelle ainsi l’hellébore d’Anticyre[122] ; 3o φῶδες, pour expliquer ce mot, Érotien rapporte une phrase de Dioclès, où il est employé : Quelquefois, avait dit Dioclès, des éruptions rouges semblables à des rougeurs causées par la brûlure (φῶδες) se montrent sur la poitrine[123]. Ces citations d’Érotien, touchant Dioclès, sont semblables à celle de Galien ; et, si les deux premières peuvent faire croire à un commentaire, la dernière ne le permet plus ; car c’est, on le voit, dans une phrase même d’un livre de Dioclès, sans rapport avec aucun texte hippocratique, qu’Érotien a pris l’explication du mot obscur. De la même façon, Dioclès avait défini le mot crise, disant que la crise n’était pas autre chose que la solution[124]. Il ne s’agit donc pas de commentaire, comme on aurait pu le croire, si cette explication avait été rapportée sans aucun détail. J’ai consigné ici ces remarques, afin qu’on ne se fît pas une fausse idée d’une citation de Galien. Dioclès, si souvent nommé, ne l’est jamais comme commentateur d’Hippocrate, et cela seul aurait suffi pour faire reconnaître que, dans l’explication du mot ἔρριψις, il ne s’agissait pas de commentaire, quand bien même cette conclusion ne serait pas ressortie du rapprochement d’autres citations d’Érotien et de Galien.

En lisant ce livre, on s’explique difficilement la faveur dont il a joui dans l’antiquité. Palladius le regarde comme authentique ; Galien, qui l’a commenté, déclare qu’il appartient légitimement à Hippocrate, sauf quelques passages réduits à une excessive brièveté et quelques autres alongés plus qu’ils ne devraient l’être ; Dioscoride et Artémidore Capiton attribuaient à Hippocrate de Cos tout ce qui, dans ce livre, est d’un laconisme extrême, et à d’autres médecins les parties plus développées. Thessalus et Polybe en ont été regardés comme les auteurs par quelques autres critiques. Les anciens interprètes d’Hippocrate avaient été moins indulgents pour cette composition ; Zeuxis et Héraclide de Tarente la rejetaient complètement comme apocryphe ; Glaucias l’attribuait à un autre Hippocrate.

De tels jugements ne nous permettraient pas de ranger le traité des Humeurs parmi les livres d’Hippocrate, quand bien même nous n’aurions pas reconnu, par l’examen même de ce livre (p. 259), qu’il est composé de morceaux empruntés à plusieurs autres écrits hippocratiques.

De l’Usage des liquides[125]. Foes (sect. IV, p. 13) dit que, bien que Galien et Érotien en tirent quelques mots et des témoignages, ils n’en ont cependant énoncé nulle part le titre. Gruner (Censura librorum hippocraticorum, p. 131) répète, d’après Foes, que ni Galien, ni Érotien, à part quelques mots (si paucas voculas exceperis), n’en ont fait mention. C’est une erreur échappée à la recherche si vigilante de Foes ; Galien et Érotien ont cité le livre de l’Usage des liquides. Galien dit : « L’action du froid a été expliquée dans le livre de l’Usage des liquides et dans les Aphorismes[126]. » Ainsi, on le voit, c’est sous le titre même qu’a cet opuscule dans nos éditions, que le médecin de Pergame le cite. Le titre a varié dans l’antiquité, et j’ai déjà eu occasion de dire (p. 151), que ce livre avait aussi été intitulé des Eaux (Περὶ ὑδάτων). Ce que je n’avais fait qu’énoncer alors, je vais le prouver maintenant. Érotien (p. 64, Éd. Franz.) cite deux mots (αἰόνησις et αἰθόλικες) qui se trouvent dans le livre de l’Usage des liquides, p. 112 et 113, Éd. Froben ; d’un autre côté, ce titre ne figure pas dans sa liste ; mais, dans cette liste (pag. 22), on voit un traité appelé des Eaux (Περὶ ὑδάτων), dont le nom ne se rencontre ni dans nos éditions, ni dans Galien. Il en résulte que certainement Érotien a eu sous les yeux le livre de l’Usage des liquides, puisqu’il en a consigné certains mots dans son Glossaire, et que probablement ce livre est contenu dans sa liste sous le titre de livre des Eaux. Mais cette probabilité est une certitude. En effet, Athénée dit : « Dans le livre des Eaux, « Hippocrate appelle eau potable la bonne eau[127]. » Le traducteur latin de l’édition d’Athénée que j’ai sous les yeux a rendu cette phrase par ces mots : « Libro de aquis optimam esse, statuit multo exercitatam. » Je ne sais d’où il a pu tirer un pareil sens. Mais le fait est que le texte d’Athénée est altéré, et qu’il faut lire πότιμον au lieu de πολύτιμον. En effet, ce passage se rapporte à la première ligne du livre de l’Usage des liquides, où il est dit sous une forme très concise : « Eau potable. Eau salée, la mer. L’eau potable est la meilleure pour tous les usages d’une officine de médecin[128]. » Ainsi la correction du texte d’Athénée[129] montre que le livre appelé par quelques-uns, dans l’antiquité, des Eaux, est le même que le livre que d’autres intitulaient et que nos éditions intitulent encore de l’Usage des liquides. Il en résulte aussi que les mots expliqués par Érotien que nous retrouvons dans le traité de l’Usage des liquides appartiennent bien réellement à ce livre.

J’ai fait voir (p. 257) que cet opuscule, de même que celui des Humeurs, est composé en partie de fragments pris à différents livres, encore existants, de la Collection hippocratique. C’est donc une compilation, mais c’est du moins une compilation fort ancienne. Érotien nous a conservé l’explication d’un mot par Glaucias (αἰθόλικες), d’un autre mot par Bacchius (αἰόνησις), et ces deux mots ne se trouvent que dans ce traité ; ainsi le livre de l’Usage des liquides a figuré dans la Collection hippocratique dès le temps des premiers commentateurs, et il nous reste comme une de ces anciennes compilations qui ont précédé même l’établissement des écoles alexandrines.


Les écrits que j’ai réunis ici à cause de la similitude de leur composition, et dont j’ai fait une classe à part, ne sont, il est vrai, que des notes, des extraits et des abrégés ; mais ils sont particulièrement intéressants, parce qu’ils nous ont conservé des traces des anciens travaux de l’école de Cos et d’Hippocrate. En effet, en les comparant avec d’autres écrits de la Collection hippocratique, il a été facile de s’assurer qu’ils contenaient beaucoup de passages textuellement copiés sur d’autres livres que cette Collection renferme ; et cela même a été de quelque utilité, car on a pu entrevoir comment une portion de cette Collection s’est formée. Mais ces opuscules de la Cinquième classe ne contiennent pas seulement des passages copiés sur d’autres livres ; ils contiennent aussi de longs morceaux qui ne se trouvent pas ailleurs, et des extraits d’ouvrages qui n’existent plus. J’ai rassemblé, dans le chapitre 3e de cette Introduction l’indication de tous les travaux qui sont mentionnés dans la Collection hippocratique et qui avaient péri dès avant l’établissement des bibliothèques alexandrines. Si maintenant on rapproche ces pertes nombreuses que l’antique littérature médicale a faites, des opuscules mutilés et des fragments qui constituent cette cinquième série, et dont la composition appartient justement à une époque que j’appellerai, pour abréger, anté-alexandrine, on pensera sans peine que ces opuscules, ces fragments, nous représentent quelques débris d’une médecine qui avait occupé un grand nombre d’intelligences et produit une masse considérable d’ouvrages importants.

SIXIÈME CLASSE.

Je place ici une série de traités qui sont du même auteur, et cet auteur est antérieur à Aristote : de la Génération ; de la Nature de l’enfant ; des Maladies (4e livre) ; des maladies des femmes ; des Maladies des jeunes filles ; des Femmes stériles[130].

Ces six traités sont du même auteur, et ils forment ainsi une série spéciale de la Collection hippocratique. C’est ce qu’il est très facile de démontrer. D’abord il est évident, à la simple lecture, non seulement que les traités de la Génération et de la Nature de l’enfant sont du même auteur, mais encore qu’ils ne forment qu’une seule et même composition, et qu’ils sont la suite l’un de l’autre. Ce traité de la Génération n’est pas fini, puisqu’il s’arrête à ces mots : « Je reviens au sujet qu’une digression m’avait fait quitter[131]. » Et ce sujet est repris dans le traité de la Nature de l’enfant. L’auteur de ces deux traités y annonce qu’il expliquera dans son livre sur les Maladies des femmes, comment la suppression des règles dérange la santé des personnes du sexe. Cela serait une indication déjà suffisante. Mais, en lisant les Maladies des femmes, on y trouve trois renvois au traité de la Nature de l’enfant, deux sur la sécrétion du lait, et un sur l’écoulement des règles. Ces trois passages sont dans le traité auquel l’auteur se réfère, de sorte qu’il ne peut rester aucun doute sur l’origine de ces compositions médicales. On y apprend en même temps que l’auteur avait donné au traité sur la Nature de l’enfant un autre titre. Car ce livre est cité, par l’auteur lui-même, de la façon suivante : Sur la Nature ou sur la formation de l’enfant dans la naissance[132]. C’est le titre que les Arabes lui donnaient[133], ce qui montre de l’exactitude.

À la fin du 4e livre des Maladies, on trouve un passage d’où il résulte que l’auteur de ce livre est aussi celui des Maladies des femmes. On lit dans ce quatrième livre : « Une hydropisie se forme dans la matrice… J’en ai parlé dans les Maladies des femmes[134]. » Et, en effet, dans le 1er livre des Maladies des femmes, l’hydropisie de la matrice est expliquée[135]. Quant au traité sur les Femmes stériles, c’est évidemment un appendice au traité des Maladies des femmes. Ces témoignages intrinsèques sont positifs ; il n’y a rien à y opposer.

Ces écrits forment une masse considérable et une section naturelle dans la Collection hippocratique. J’examinerai à part la doctrine qui y est contenue, et les faits qui y sont rapportés ; pour les attribuer à Hippocrate, il faudrait ou avoir un témoignage de la haute antiquité, ce qui serait décisif, ou le consentement de tous les critiques anciens, preuve plus faible mais encore forte ; or, rien de tout cela n’appartient à la série d’écrits dont il s’agit ici : les témoignages antérieurs à l’école d’Alexandrie manquent absolument. Quant aux opinions des commentateurs qui ont suivi cette époque, elles varient. Érotien range ces écrits parmi les écrits hippocratiques, excepté le 4e livre des Maladies, qui, cependant ne peut être enlevé à Hippocrate sans que tous les autres ne lui soient également enlevés. Il est certain que d’anciens critiques, tels que Bacchius, les connaissaient. Leur antiquité n’est pas douteuse ; ce qui est incertain, c’est leur origine. Galien croit que Polybe, gendre d’Hippocrate, en est l’auteur[136]. Cette opinion, à cause des variations des anciens critiques sur ce sujet, n’est pas mieux assurée que celle qui les attribue à Hippocrate.

Dans tous les cas, rien n’empêche de placer la composition de ces écrits avant Aristote. Aristote, contrairement aux naturalistes qui l’avaient précédé, a posé comme principe d’anatomie et de physiologie, que les veines ont leur origine au cœur. Or, voici sur ce point l’opinion de l’auteur inconnu dont il s’agit ici : Il est dit dans le traité de la Nature de l’enfant, que toutes les veines se terminent dans les doigts des pieds et des mains, et que les plus grosses veines du corps sont dans la tête[137] ; il est dit dans le 4e livre des Maladies que le cœur est la source du sang[138] ; il est dit dans ce même 4e livre des Maladies que des veines appelées jugulaires naissent du cœur, et qu’elles distribuent le sang à la tête, et à tout le corps[139], Quoique dans ces diverses propositions une doctrine ne soit pas véritablement formulée, cependant on y voit que l’auteur admet, comme Polybe et comme Syennésis de Chypre, que les plus grosses veines sont dans la tête, et que de là elles vont en diminuant jusqu’aux doigts des pieds et des mains ; qu’il admet, comme Platon, que le cœur est la source du sang ; qu’il admet enfin que les veines jugulaires partent du cœur pour se rendre à la tête. Cet ensemble d’opinions anatomiques tient beaucoup plus à celles de Polybe et des anciens hippocratiques qu’à celles d’Aristote. Rien donc n’empêche de placer cet auteur avant Aristote, conformément à l’opinion de Galien et d’Érotien, qui attribuent ces livres, le premier à Polybe, le second à Hippocrate.

Érasistrate, en combattant l’opinion de Platon, qui soutenait qu’une partie des boissons passe dans les poumons, avait demandé comment, si cela était vrai, il se faisait que la farine avalée avec le cycéon (sorte de breuvage en usage dans la cuisine grecque), traversait le poumon et ne l’obstruait pas[140]. Or, cette même objection contre l’opinion du passage des boissons dans le poumon, opinion qui appartient non seulement à Platon, mais aussi à Dioxippe l’hippocratique, à Philistion de Locres, et qui était vulgaire dans la haute antiquité, cette objection, dis-je, se trouve avec des termes semblables dans le 4e livre des Maladies. On y lit : « Un homme buvant du cycéon, ou une bouillie faite avec la farine, ou tout autre chose semblable, s’il en arrivait une partie dans le poumon, nous pensons qu’il ne survivrait que bien peu de temps[141]. » Il y a, entre le passage de l’auteur hippocratique et celui d’Érasistrate, une ressemblance évidente, qui ne me paraît pas pouvoir tenir à une coïncidence fortuite ; et, comme les livres que je considère en ce moment, ont été attribués par l’antiquité à Hippocrate ou à Polybe, et, par conséquent, placés d’un commun accord bien avant Érasistrate, il faut admettre que le médecin alexandrin a eu sous les yeux les livres de l’auteur hippocratique.

Les questions qui touchent à la critique littéraire des œuvres dites d’Hippocrate, sont enveloppées de tant d’obscurités et de doutes que je ne néglige aucune occasion de faire remarquer tout ce qui, par des concordances tout-à-fait inattendues, donne un haut degré de sûreté aux déterminations essentielles de mon travail. Or, ce rapprochement d’Érasistrate avec l’auteur hippocratique fournit deux de ces concordances importantes. En premier lieu, j’ai observé que, bien que le 4e des Maladies ne fût mentionné ni par Galien, ni par Érotien, ni par aucun critique antérieur, et bien que le premier qui le citât fut Démétrius Pépagomène, qui appartient aux bas siècles, cependant il était constant par des preuves intrinsèques, que ce 4e livre appartenait à la Collection hippocratique ; et maintenant on voit ces preuves recevoir du témoignage d’Érasistrate une confirmation irréfragable. En second lieu, j’ai montré (et c’est un des plus importants résultats de mon travail) que la certitude de l’existence de la Collection hippocratique, dans son ensemble, remontait, par les anciens critiques, jusqu’à Érasistrate et Hérophile  ; Galien avait dit, je l’ai rappelé, que, dès le temps d’Érasistrate, la dernière partie du traité du Régime dans les maladies aiguës était jointe à la première ; et maintenant, en confirmation de ce qu’avait dit Galien, en confirmation de ce que j’avais établi moi-même, je trouve la trace de la connaissance qu’Érasistrate a eue d’un des livres de cette même Collection hippocratique. Ce sont là des concordances qu’il m’importait de ne pas laisser inaperçues.

L’auteur des livres de cette Sixième classe annonce en deux endroits différents[142], qu’il a traité des maladies des jeunes filles. Comme ce qu’il en annonce ne se trouve pas dans le petit morceau qui, dans nos éditions, porte le titre de Περὶ παρθενίων, et que ce morceau est évidemment tronqué, tout porte à croire que c’est un fragment et le commencement d’un traité étendu sur cette matière.

Cet auteur avait aussi fait un travail sur la péripneumonie. Il dit dans le 4e livre des Maladies : « Je me suis mieux expliqué dans la péripneumonie[143]. » Il y revient encore dans le 1er livre des Maladies des femmes[144]. Ce traité s’est perdu avant le temps des plus anciens critiques. Telles sont les seules notions que j’aie pu réunir sur l’auteur inconnu des livres qui forment la sixième classe.

SEPTIÈME CLASSE.

Je sépare du reste de la Collection hippocratique un fragment assez mal en ordre qui peut être attribué à Léophanès, ou qui du moins renferme des opinions professées par ce personnage. Léophanès a précédé Aristote ; c’est pour cela que j’intercale ici l’opuscule en question.

De la superfétation[145]. Ce traité n’est cité par aucun des anciens ; seulement Mercuriali a fait remarquer qu’un mot expliqué par Galien dans son Glossaire se rapporte très probablement à ce livre[146]. Cette citation fait remonter le livre de la Superfétation (ce que la rédaction et la contexture indiquent assez) à une époque ancienne. Quant à l’auteur, tout reste dans le vague, en l’absence de renseignements précis. Cependant je crois pouvoir hasarder ici une conjecture. Nous savons que beaucoup de livres ont péri avant la formation des grandes bibliothèques d’Alexandrie ; ainsi, pour ne rappeler qu’un exemple pris dans la médecine, nul dans l’antiquité n’a cité, après Aristote, les écrits du médecin Syennésis de Chypre, et les quelques lignes qu’en a conservées le philosophe sont tout ce qui reste des œuvres, quelles qu’elles aient été, de cet écrivain. Un autre auteur, médecin ou philosophe, est nommé par Aristote, c’est Léophanès, sur lequel nous n’avons, je crois, aucun autre détail. Aristote réfute l’opinion de ceux qui prétendent que le fœtus mâle est toujours placé à droite dans la matrice et le fœtus femelle à gauche ; opinion qui, au reste, est plusieurs fois répétée dans la Collection hippocratique, et il ajoute : « C’est par une même analogie que quelques-uns prétendent que la ligature du testicule droit ou du testicule gauche détermine la procréation d’enfant mâle ou d’enfant femelle, c’est du moins ce que Léophanès a dit[147]. » Je n’ai pas besoin de faire remarquer que les mots dans la phrase d’Aristote sont mal arrangés, et que la génération d’un enfant mâle est due à la ligature du testicule gauche, et vice versa. Au reste, Plutarque a entendu ce passage comme je l’entends ; il appelle l’auteur Cléophanès, et il le cite d’après Aristote[148]. Un passage tout semblable se trouve dans le traité de la Superfétation ; on y lit : « Si l’on veut engendrer un enfant femelle, il faut lier le testicule droit aussi fortement qu’on pourra l’endurer ; si, un enfant mâle, le testicule gauche[149]. » Ce rapprochement autorise à croire que le traité de la Superfétation est de Léophanès lui-même, ou tout au moins qu’il contient un fragment de cet écrivain, antérieur à Aristote. C’est par Aristote que nous savons qu’un livre, attribué à Hippocrate par les écrivains postérieurs, appartient à Polybe. Pourquoi une même erreur n’aurait-elle pas été commise ? et pourquoi ce qui, au témoignage du même Aristote, est de Léophanès, n’aurait-il pas aussi reçu ce nom d’Hippocrate, père commun de tant d’œuvres médicales ?

Il y a, dans ce même opuscule, un passage où l’auteur conseille une expérience pour savoir si une femme pourra concevoir, expérience qui consiste à placer au col de la matrice un pessaire odorant, et à constater, au bout d’un certain temps, si l’odeur est parvenue jusqu’au haut du corps[150] ; si l’odeur y vient, la femme est apte à concevoir. Aristote, de son côté, dit qu’on reconnaît la fécondité des femmes par des pessaires odorants, dont l’odeur s’élève de bas en haut jusqu’à l’haleine[151]. Bien d’autres rapprochements pourraient être faits entre cet opuscule et les livres d’Aristote, rapprochements d’autant plus permis que le philosophe a consulté et cité les écrits de Léophanès. Au reste, je n’ai tenu à mettre en relief la citation de Léophanès par Aristote, et à lui attribuer un livre de la Collection hippocratique, que pour mieux montrer combien il y a de rapports entre cette Collection et les œuvres d’Aristote ; car, même en laissant de côté cette conjecture au sujet de Léophanès, il est certain qu’une opinion assez singulière de physiologie qui a appartenu à cet auteur, connu par le seul témoignage d’Aristote, se retrouve identiquement dans l’opuscule de la Superfétation.

HUITIÈME CLASSE.

Je range à part tous les traités qui contiennent, soit l’indication formelle que les vaisseaux sanguins ont leur origine dans le cœur, soit la connaissance de la sphygmologie. La composition n’en peut pas être placée avant Aristote et Praxagore. Ce sont les traités du Cœur, celui sur l’Aliment, celui sur les Principes ou les Chairs, celui sur les Semaines, le 2e livre des Prédictions, un fragment du traité de la Nature des os.

Traité du cœur[152]. Érotien ne le compte pas dans la liste des ouvrages qu’il attribue à Hippocrate ; mais Galien en a copié textuellement un passage, sans, il est vrai, en prévenir le lecteur. L’auteur du traité du Cœur dit, en voulant prouver qu’une portion des boissons passe dans la trachée-artère : « Si vous teignez de l’eau avec du bleu ou du vermillon, et que vous la donniez à boire à un animal très altéré, vous trouverez, en lui ouvrant la gorge pendant qu’il boit, qu’elle est teinte par la boisson[153]. » Galien dit de même : « Si vous faites endurer la soif à un animal quelconque, de telle sorte qu’il se décide à boire une eau colorée, soit en bleu, soit en vermillon, vous trouverez, en l’égorgeant sur-le-champ, que la teinture a pénétré jusqu’aux poumons[154]. » Ainsi, il est bien évident que le traité du Cœur est un livre ancien, consulté, copié même par Galien, mais il est impossible d’en attribuer la composition à Hippocrate ; car on ne le trouve pas mentionné dans la liste d’Érotien ; c’est un de ces livres que les anciens critiques se sont accordés à rejeter du canon hippocratique. De plus, quoique la doctrine qui place l’origine des veines dans le cœur n’y soit pas expressément exposée, cependant une phrase porte à croire que l’auteur admettait cette doctrine. « Près de l’origine des veines, des corps mous et creux, qu’on appelle oreillettes, entourent les ventricules[155]. » Cela, joint au rejet des critiques anciens, ne permet pas de placer ce livre avant Aristote.

De l’Aliment[156]. Ce traité est fort ancien ; car Glaucias, l’un des premiers commentateurs d’Alexandrie, l’a connu, ainsi que le prouve le témoignage de Galien[157]. Il a donc appartenu, dès les premiers temps, à la Collection hippocratique ; et il a été cité par beaucoup d’auteurs comme un livre de grande autorité. Mais il n’en faut pas conclure qu’il soit d’Hippocrate. Galien, qui l’a commenté, et qui quelquefois l’a attribué à Hippocrate lui-même, l’attribue, dans d’autres endroits, à Thessalus, à Philotimus, à Philistion. Les témoignages antiques sont donc incertains ; mais l’examen intrinsèque du livre suffit pour montrer qu’il a été composé à une époque postérieure à Hippocrate. Le cœur y est indiqué comme la racine des artères ; le foie, comme celle des veines. Cette anatomie ne permet pas de placer la composition de ce livre avant Aristote ; c’est un livre à mettre à côté du traité du Cœur.

Des Chairs[158]. Ce traité, qu’Érotien n’a pas cité dans son catalogue, est mentionné à diverses reprises par Galien, et avec des jugements divers ; mais on ne peut douter qu’il ne soit postérieur à Hippocrate. En effet, il y est dit positivement que deux veines, appelées l’une artère, l’autre veine cave[159], naissent du cœur ; proposition qui empêche d’en supposer la composition antérieure à Aristote.

Dans quelques éditions, on en met à part la fin sous le titre de traité sur la Vie humaine (Περὶ αἰῶνος).

Il est une circonstance particulière à noter, c’est que l’auteur raconte, dans des termes à peu près semblables, une histoire touchant une courtisane, qui se trouve déjà dans le livre de la Génération ; seulement il l’amplifie, et ajoute qu’il a été très fréquemment témoin d’observations pareilles ; il a donc copié cette histoire, et il est postérieur à l’auteur du livre de la Génération.

Des Semaines[160]. Philon le juif, Galien, Pollux et quelques autres citent un traité sur les Semaines, Περὶ ἑβδομάδων, qui faisait partie de la Collection hippocratique telle qu’on la possédait depuis l’école d’Alexandrie, et qui ne se trouve plus dans la collection telle que nous la possédons. C’est un livre perdu comme tant d’autres ; cependant on lit, dans le catalogue des manuscrits latins de la Bibliothèque royale, l’indication d’un volume qui renferme entre autres choses le traité en question, indication répétée par la Bibliothèque grecque de Fabricius, édition de Harles, tom. 2, p. 595. Ce volume, tout en latin, est le no 7027 ; il est in-8o, intitulé De physicâ (de la médecine), sur parchemin, d’une écriture fort ancienne, sans pagination. Il contient :

1° Un fragment du traité sur la Nature de l’homme. À la fin on lit : Explicit Ypocratis de natura humana.

2o Incipit liber Ypocratis ad Mœcenatem salutem. À la fin on lit : Explicit de natura generis humani.

3o Incipit liber Ypocratis de aeribus et de locis et de aquis.

4o Incipit Ypocratis de septemmadis. À la fin on lit : Explicit Ypocratis de septimadis.

5o Lib. V. Incipit liber Peri diatis (Περὶ διαίτης) ipsius Ypocratis. C’est la traduction du premier livre de la Diète.

6o Commentaria Aporismorum.

Le livre Peri diatis est indiqué comme le cinquième morceau. Ainsi il ne manque dans ce volume que le commencement du traité de la Nature de l’homme. Je n’ai à m’occuper ici que du traité des Semaines.

Il est écrit dans un latin extrêmement barbare et à peine intelligible, ainsi qu’on en jugera par quelques citations que j’en donnerai plus loin. La première chose à faire était de savoir si le texte que j’avais sous les yeux était bien la traduction du traité perdu. Pour cela je n’avais qu’à vérifier si les citations qu’en rapportent les anciens auteurs s’y retrouvent. Cette vérification démontre l’authenticité de cette traduction ignorée. Je vais mettre sous les yeux du lecteur, en suivant l’ordre chronologique, les passages des auteurs de l’antiquité qui ont cité le traité des Semaines, et les passages correspondants du manuscrit 7027.

Le premier est Philon le juif, qui vivait au commencement du premier siècle de l’ère chrétienne. Cet auteur, après avoir résumé l’opinion d’Hippocrate sur la vie, cite textuellement le passage du livre où cette opinion est consignée. « Dans la nature humaine, il y a sept saisons que l’on appelle âges : le petit enfant, l’enfant, l’adolescent, le jeune homme, l’homme fait, l’homme âgé, le vieillard. L’âge du petit enfant est jusqu’à sept ans, époque d’une dentition nouvelle ; de l’enfant, jusqu’à la production de la liqueur spermatique, deux fois sept ans ; de l’adolescent, jusqu’à la naissance de la barbe, trois fois sept ; du jeune homme, jusqu’à l’accroissement de tout le corps, quatre fois sept ; de l’homme fait, jusqu’à quarante-neuf ans, sept fois sept ; de l’homme âgé, jusqu’à cinquante-six, sept fois huit. À partir de là commence la vieillesse[161]. »

Voici maintenant le texte du manuscrit 7027 : « Sic autem et in hominis natura septem tempora sunt, aetates appellantur : puerulus, puer, adulescens, juvenis, vir, junior senex. (Il faut lire : junior senex, senex ; le traducteur n’a pas su rendre autrement πρεσβύτης, γέρων). Hæc sunt sic : puerulus usque ad septem annos in dentium immutationem ; puer autem usque ad seminis emissionem, quatuor decim annorum, ad bis septem. Adulescens autem usque ad barbas, unum et viginti annorum, ad ter septem usque ad crementum corporis. Juvenis autem consummatus in XXXV annorum, quinque septenos ; vir autem usque ad XL et VIIII ad septies septem ; junior vero senex LX et III et in VIII ebdomadis. Exinde senex. »

Ces deux passages ont été évidemment pris au même traité. Les différences qu’ils présentent dérivent surtout des erreurs du copiste du manuscrit latin, peut-être aussi de leçons diverses d’un même texte ; et l’on peut penser que le traducteur, qui fait commencer la vieillesse à la 63e année, a eu sous les yeux un meilleur exemplaire que Philon, qui la fait commencer à la 56e année.

Pollux, qui cite ce morceau, s’éloigne également de la traduction latine que je viens de rapporter, et de la citation de Philon. Pollux vivait sous Commode et était à peu près contemporain de Galien. Il ne reproduit pas le texte hippocratique ; il en donne seulement le sens. Il dit que, suivant Hippocrate, le cinquième âge est de 28 à 35 ; le sixième, de 35 à 45 ; le septième, de 42 à 49 (Onomast. II. 1.). Ce qui, dans la citation de Philon, est appelé πρεσβύτης, est appelé γέρων dans Pollux, et vice versâ. Au reste, il est évident que ce dernier a mal rapporté les paroles de l’auteur hippocratique ; car la vieillesse ne peut commencer à la 42e année, ainsi que Pollux le fait dire, par son arrangement, à l’auteur du traité des Semaines.

Galien pensait que le traité des Semaines n’appartenait pas à Hippocrate ; cependant il le cite plusieurs fois. Voyons si les citations de Galien se retrouvent dans le traducteur latin : « Ceux qui partagent l’année en sept saisons, dit le médecin de Pergame, étendent l’été jusqu’au lever de Sirius, et, de là jusqu’au lever d’Arcturus, ils font la saison des fruits. Les mêmes auteurs divisent l’hiver en trois parties : la partie intermédiaire enferme le solstice ; en deçà se trouve le temps de l’ensemencement ; au-delà celui de la plantation : car ce sont là les noms qu’ils donnent à la première et à la troisième parties de l’hiver. Dans le traité des Semaines, qui est attribué à Hippocrate, on trouve l’année partagée en sept ; l’automne et le printemps n’ont subi aucune division ; mais l’hiver est coupé en trois, et l’été en deux[162]. »

On lit dans le manuscrit 7027 : « Tempora autem annualia septima : sunt autem hæc, sementatio, hiems, plantatio, vera estas, autumnus, post autumnus. » Ce texte se rapporte évidemment à la division de l’année en sept parties, dont parle Galien. Mais deux fautes, dues, l’une au copiste, l’autre au traducteur, l’obscurcissent. Il faut le restituer. D’abord, il est clair qu’au lieu de vera estas, on doit lire : ver, æstas. C’est là une faute de copiste. Quant au traducteur, voici ce qui l’a embarrassé : dans cette division de l’année en sept, l’été était partagé en deux saisons. Galien a dit le nom de ces deux saisons dans le passage que je viens de citer, et on le trouve aussi dans la suite du traité des Semaines que le manuscrit 7027 contient. Elles s’appelaient été et saison des fruits, θέρος, ὀπώρα. Or, l’automne se dit en grec φθινόπωρον. Cette coïncidence a embarrassé le traducteur, qui a mis grossièrement autumnus, post autumnus. Il faut donc lire tout ce passage de la manière suivante : « L’année est divisée en sept parties, qui sont : l’ensemencement, l’hiver, la plantation, le printemps, l’été, la saison des fruits et l’automne. » Ce qui est, en tout point, concordant avec le passage, cité plus haut, de Galien.

Hippocrate ayant dit, dans un aphorisme, que les maladies sont moins dangereuses lorsque la nature en est conforme à la saison, Galien observe dans son Commentaire, t. v, p. 247, Éd. Bas., que : « le contraire est soutenu par Dioclès et par l’auteur du traité des Semaines, qui prétendent que les maladies sont aggravées par les circonstances conformes à leur nature, et diminuées par les circonstances contraires. » Ceci est un peu obscur ; je vais l’éclaircir. La fièvre ardente ou causus, par exemple, était, d’après la doctrine hippocratique, une maladie moins dangereuse en été, où la saison était conforme aux symptômes mêmes qui la caractérisent, qu’en hiver. Dioclès de Caryste et l’auteur du traité des Semaines professaient une doctrine opposée : suivant eux, la fièvre ardente était plus facile à guérir en hiver qu’en été, parce que, dans cette dernière saison, elle empruntait des forces aux circonstances atmosphériques. Cette dernière opinion est textuellement dans le manuscrit 7027. On y lit : « Nihil molestum si non tempus ipsum ipsis ægritudinibus colluctetur. Plerumque enim non obtinet natura hominis mundi virtutem. » C’est-à-dire : « Rien ne sera fâcheux si la saison elle-même n’est pas l’auxiliaire des maladies. Car, en général, la constitution humaine ne peut triompher de la force de l’ensemble des choses. » On voit que Galien a bien cité, et que notre traducteur a reproduit, dans son latin barbare, le texte de son auteur d’une manière reconnaissable.

Il avait même un texte correct sous les yeux, ainsi que je vais le faire voir. La phrase citée plus haut a été, avec un autre long morceau du traité des Semaines, insérée (je le dis ici par anticipation) dans le livre des Jours critiques, compilation formée avec des lambeaux d’ouvrages hippocratiques, et entr’autres de celui-là ; mais elle y a été insérée différemment suivant les différentes éditions. Dans quelques-unes, celle de Froben entr’autres, p. 388, elle est ainsi imprimée : ἐὰν αὐτή τε ἡ ὥρη τῷ νουσήματι ξυμμαχήσῃ. Leçon fautive ; une négation est omise, il faut lire : ἐὰν μὴ αὐτή τε. Le sens l’indique ; la citation de Galien le prouve, et d’ailleurs, ce qui ôte à cette correction l’apparence même d’une conjecture, plusieurs manuscrits, entr’autres ceux du Vatican et le no 2141 de la Bibliothèque royale de Paris, présentent la négation. Foes, Mack, Kühn ont bien vu qu’elle était nécessaire ; et, sans l’admettre dans leur texte grec, ils l’ont admise dans leur traduction. Il est facile de s’expliquer comment cette négation a disparu dans plusieurs manuscrits : comme la phrase en question était contraire à un aphorisme, un copiste, se croyant fort habile, l’y a rendue conforme en supprimant le μή. Mais notre traducteur latin, qui, lui, traduisait sur le texte même du traité des Semaines, n’a pu commettre une pareille erreur ; et le non occupe, dans sa phrase, la même place que le μή dans la phrase grecque.

Galien, cherchant à expliquer un passage difficile du 6e livre des Épidémies : l’âme de l’homme se produit sans cesse jusqu’à la mort (ἀνθρώπου ψὑχὴ ἀεὶ φύεται ἄχρι θανάτου), dit : « Si l’on trouvait, dans quelqu’un des véritables écrits d’Hippocrate, une explication sur l’essence de l’âme, ainsi que l’auteur du traité des Semaines en a donné une, je pourrais essayer d’interpréter le mot φύεται (T. v, p. 509, Éd. Bas.). » Ce passage apprend que le traité des Semaines contenait une explication sur l’essence de l’âme. Or, notre traducteur latin dit : « Ubi dico hominis animam, dico originale calidum frigido consitum. Quand je dis l’âme de l’homme, je dis le chaud élémentaire mêlé au froid. »

Il explique un peu plus bas ce qu’il entend par là. À cette explication se rapporte une autre citation de Galien. Celui-ci dit, t. v, p. 510 : « Les stoïciens prétendent que l’âme, pour persister, a besoin non seulement d’aliments, mais aussi d’air ; et il y en a qui, d’après ce qu’on lit dans le traité des Semaines, assurent qu’Hippocrate est l’auteur de cette opinion. » Il faut donc que nous trouvions, dans notre traduction latine, un passage où l’âme soit entretenue, non seulement par la nourriture, mais encore par l’air. Le passage s’y trouve en effet ; mais la barbarie du traducteur l’a tellement obscurci, qu’on y voit seulement qu’il s’agit de l’âme, de la chaleur primitive, de la nourriture et de l’air.

On lit dans le Glossaire des mots hippocratiques, composé par Galien : « Αὐτόδρομον, qui se meut de soi-même, αὐτοκίνητον, ainsi qu’il est dit dans le traité des Semaines. » Le manuscrit latin donne per se transeuntia qui, se rapportant aux astres, est bien la traduction d’αὐτόδρομον !

On trouve un peu plus loin dans le même Glossaire : « Ἄκριτον πάγος, comme ἀδιάκριτον. Ce mot se lit dans le traité des Semaines, et est dit de l’espace au-delà du monde, de l’infini, du vide sans forme. (Εἴρηται δὲ ἐν τῷ Περὶ Ἑβδομάδος ἐπὶ τοῦ μετὰ τὸν κόσμον, ἤτοι ἀπείρου, ἢ οἷον ἀδιατυπώτου κενοῦ.) » Le manuscrit latin a traduit ces mots, certainement difficiles, par inseparabilis solitas ; la traduction n’est pas élégante, mais elle est fidèle.

Il y a encore deux passages où Galien, sans citer le traité des Semaines, y fait cependant allusion. On ne pouvait s’en apercevoir qu’en ayant le traité sous les yeux. « Il n’est pas besoin, dit-il, de démonstration pour établir que l’être vivant jouit de la santé quand il demeure dans les limites de la composition des qualités élémentaires, c’est-à-dire, quand le chaud et le froid, comme dit Hippocrate, sont dans des rapports convenables de mélange l’un avec l’autre. Mais si l’un l’emporte sur l’autre, il survient des maladies conformes à la nature de la cause qui prédomine ; des inflammations, des érysipèles, des affections cutanées rongeantes, des anthrax, des fièvres ardentes et inflammatoires, et toutes les maladies fébriles, quand c’est le chaud élémentaire qui a la prépondérance ; des convulsions, des tétanos, des palpitations, des engourdissements, des paralysies et des épilepsies, quand c’est le froid élémentaire qui est en excès (Du tremblement, des convulsions et des frissons, t. 3, p. 369, Éd. Bas.). » C’est le développement de ce passage du livre des Semaines où l’auteur dit : « Quand le chaud et le froid élémentaires qui constituent le principe vital, sont en parties égales, l’homme demeure en santé : mais si le chaud l’emporte sur le froid, le corps devient d’autant plus malade que l’inégalité est plus grande.»

Galien a, dans son opuscule sur le Marasme, une citation qu’il faut aussi rapporter au traité des Semaines. La voici : « Hippocrate a dit : le chaud qui a produit nos corps est aussi pour nous une cause de destruction. » (Ἱπποκράτης εἶπε· καὶ ἀποκτείνει τοίνυν ἡμᾶς τὸ θερμὸν ὅπερ ἔφυσε τὰ σώματα, t. 3, p. 374). D’abord il faut remarquer que Galien ajoute que ce passage est emprunté à un livre faussement attribué à Hippocrate. Mais ce qui lève toute difficulté pour savoir ce qu’est ce livre, c’est que je retrouve ce passage dans le traité des Semaines. Le voici tout entier, Galien n’en a cité qu’une partie : « Le chaud fait croître les corps et les altère, guérit les maladies et engendre les fièvres, et il cause la mort des êtres dont il a organisé le corps. »

Voilà tous les renseignements fournis par Galien sur le traité des Semaines. Ils concordent minutieusement avec la traduction ignorée qui se trouve dans le manuscrit 7027. Ces preuves suffiraient pour montrer que nous avons réellement sous les yeux le traité des Semaines attribué dans l’antiquité à Hippocrate. Mais d’autres auteurs ont aussi parlé de ce livre ; et leurs citations se retrouvent également.

Censorin, qui vivait sous Gordien dans la première moitié du troisième siècle après Jésus-Christ, cite Hippocrate et la division de la vie en semaines : « Hippocrates medicus in septem gradus ætates distribuit ; finem primæ putavit septimum ; secundæ decimum quartum ; tertiæ vigesimum octavum ; quartæ trigesimum quintum ; quintæ quadragesimum secundum ; sextæ quinquagesimum secundum ; septimæ novissimum annum vitæ humanæ (De Die natali, p. 98).» Macrobe, venu un peu après Censorin, ne cite pas, il est vrai, le livre des Semaines ; mais il y fait d’évidents emprunts sur la vie de l’homme, sur les sept voyelles, les sept organes des sens (In somnium Scipionis, lib. I, cap. 6).

Saint Ambroise, célébrant la semaine (Epist. VII, 39), ne manque pas de citer Hippocrate : « Celebretur itaque hebdomas, eo quod per septem ætates vita hominum usque ad senectutem transcurritur, sicut Hippocrates medicinæ magister scriptis explicuit suis. Prima ætas infantia est, secunda puerilia, tertia adolescentia, quarta juventus, quinta virilis ætas, sexta ævi maturitas, septima senectus. Est ergo infans, puer, adolescens, juvenis, vir, veteranus, senex. Ergo Hippocrates vel septem ætates vel hebdomadas ætatum norit ; in illis se hebdomas præferet. » On voit combien cette division de la vie en semaines avait plu aux écrivains de l’antiquité.

Chalcidius, qui vivait sous Arcadius, consacre un assez long paragraphe aux propriétés du nombre sept : « Ce nombre est regardé comme le meilleur, parce qu’on a observé qu’il était la règle de beaucoup de phénomènes produits par les lois naturelles. D’abord, les naissances à sept mois sont, dans l’espèce humaine, légitimes avant toute autre. Ensuite, c’est après le septième mois que les dents poussent, après la septième année qu’elles changent. Le même nombre, au bout de la seconde semaine d’années, apporte aux deux sexes la puberté, époque où ils sont aptes à se reproduire, à la troisième semaine se montre un duvet naissant sur les joues. La quatrième termine l’accroissement de la stature ; la cinquième donne toute sa perfection à l’âge de la jeunesse. L’expérience a fait voir que, dans les maladies, les mouvements se faisaient suivant le même nombre et Hippocrate, qui traite de ces faits dans la plupart de ses livres, compte, dans celui qu’il a particulièrement consacré aux semaines, sept ouvertures des sens placées dans la tête, les yeux, les oreilles, les narines et la bouche. Les parties vitales sont en même nombre, la langue, le poumon, le cœur, la rate, le foie, les deux reins. On compte autant de voyelles qui adoucissent la rudesse des consonnes ; et les phases diverses sous lesquelles se montre la lune croissante et décroissante, sont réglées de la même manière. » (Commentaire sur le Timée de Platon, p. 111 et 112, Éd. Meursius, Lugd. Bat., 1617.)

Ce que Chalcidius dit sur la division de la vie de l’homme, est emprunté au traité des Semaines. Le reste l’est également. La phrase relative aux mouvements critiques qui sont réglés par les septénaires, en dérive. « Solvuntur febres, dit le manuscrit 7027, septima aut nona, aut undecima, aut quarta decima in secunda hebdomada, aut una et vigesima in tertia hebdomada, aut vigesima octava in quarta hebdomada. » Les passages relatifs aux sens, aux parties vitales, aux phases de la lune, y sont également ; et quant aux voyelles, on y lit : « Et ipsius quidem vocis septem vocalium inarticulatio. »

Favonius Eulogius, rhéteur carthaginois, cite le traité des Semaines : « Hippocrates Cous, naturæ scrutator egregius, hunc numerum septenarium in libris, quos Περὶ ἑβδομάδων appellat, ait creandis inesse corporibus ; nam semen fusum et fomite matris exceptum septimo die in sanguinem commutari, septimo mense perfici, ac plerumque nasci legitimam partùs dinumerationem mansurum (au lieu de mansurum qui ne fait aucun sens, je propose de lire emensum), infantiumque dentes a septimo mense prorumpere, septimo mutari anno, bis septimo incipere pubertatem, ter septeno florem barbæ juvenilis absolvi, quatuor autem annorum hebdomadibus evolutis staturæ crescentis terminum fieri, nec ultrà proceritatem posse procedere (In Ciceronis somnium Scipionis disputatio ad V. C. Superium cos. provinciæ Bizacenæ, p. 17, Antv. 1613). » La fin relative à la division de la vie de l’homme en semaines d’années est conforme aux citations qui ont été rapportées plus haut. Le commencement est aussi dans le manuscrit 7027 : « Necesse est septenario haberi definitionem septem dierum in coagulationem seminis humani, et inde formationem naturæae hominis ; insuper perfici propter hoc partus. »

Nous rencontrons un médecin qui s’appuie du témoignage de l’auteur dont la traduction latine est restée ignorée dans la Bibliothèque royale. Aétius (Tetrab., sermo I, cap. 83) dit : « La fièvre quarte exquise attaque tous les âges. Hippocrate, dans son livre du Nombre septénaire, signale de préférence la vigueur de l’âge : il paraît assurer que la même personne n’est pas atteinte deux fois par cette maladie. Il s’exprime ainsi : D’abord, la fièvre quarte n’attaque pas deux fois le même homme ; elle ne l’a jamais attaqué et ne l’attaquera jamais une fois qu’il aura été guéri. »

Ce passage, cité par Aétius, ne se trouve dans aucun des traités que nous possédons aujourd’hui sous le nom d’Hippocrate ; mais il est tout entier dans le manuscrit 7027. On y lit : « Primum quidem quartana febre bis idem neque exagitatus est, nec de cætero exagitabitur, si semel salvus fuerit. Secundum uniuscujusque hominum matura ætas necessario et stabilita natura hominis. » Rejes (Camp. Elys. quæst., quæstio 71, p. 954), rapportant cette citation d’Aétius, dit que nous devons croire cet auteur assurant avoir pris le texte sur la fièvre quarte dans un écrit attribué à Hippocrate. La traduction latine que je viens de rapporter ne laisse aucun doute sur la fidélité d’Aétius, qui, à son tour, prouverait l’authenticité de la traduction, si cette authenticité n’était pas d’ailleurs surabondamment établie par tous les témoignages que j’ai réunis.

Un commentateur d’Hippocrate, Étienne, met en regard la division de la vie en sept qu’on lit dans le traité des Semaines, de la division en quatre que présentent les Aphorismes, et il attribue ces deux livres au même auteur. « Hippocrate, dit-il dans son commentaire sur les Aphorismes, partage diversement les âges, tantôt en sept, comme dans le traité des Semaines, tantôt en quatre, qui sont l’enfance, la jeunesse, le déclin et la vieillesse (Schol. in Hipp., t. ii, p. 276, Éd. Dietz). » Plus loin (p. 373), il revient sur le même sujet : « Suivant Hippocrate, il y a sept âges : l’enfance, qui est aussi appelée l’âge de l’allaitement, la pousse des dents, l’adolescence, la jeunesse, l’âge viril, le déclin, la vieillesse. »

L’ouvrage intitulé Theologoumena arithmetices (p. 43) et Moschopoulos (Περὶ Σχεδῶν, p. m. 134) citent le même passage que Philon le juif, avec de très légères différences que je signale pour la comparaison des textes. On y lit ἐτέων au lieu d’ἐτῶν ; ἐς τὰ δὶ ἑπτά, qui est la vraie leçon, au lieu de ἑπτὰ δὶς ἑπτὰ, qui ne vaut rien ; δ’ ἐστ’, après νεανίσκος ; et ἐτῶν est ajouté avant le second πεντήκοντα.

Là se bornent les témoignages de l’antiquité sur ce traité. On voit qu’il a été fréquemment cité ; et, après cette accumulation de preuves, il ne reste plus aucun doute sur ce point, que nous possédons, du traité des Semaines, dont l’original est perdu, une traduction latine qui, bien que barbare au dernier degré, peut nous en donner une idée suffisante. Le hasard rend ainsi à la lumière un ouvrage qui a eu une certaine autorité parmi les anciens, et qui, s’il n’est pas d’Hippocrate, a du moins été placé de très bonne heure à côté de tant d’autres ouvrages parmi la collection qui porte le nom du Père de la médecine.

Il est étonnant combien l’exhumation d’un livre regardé comme perdu jette de lumières inattendues. Dans cette traduction latine, je n’ai pas trouvé seulement la reproduction du traité que Philon et Galien avaient eu sous les yeux ; il en est résulté pour moi la preuve que nous possédions en grec, sans nous en douter, deux morceaux assez longs du livre des Semaines, l’un qui est inséré dans le prétendu livre des Jours critiques, et l’autre qui constitue ce qu’on appelle la huitième section des Aphorismes ; et que certains traités, qui portent aujourd’hui le nom d’Hippocrate, et qui sont une compilation de fragments d’autres traités, ont été compilés à une époque où l’original grec du livre des Semaines existait encore ; de telle sorte que nous voyons démontré clairement par là comment il se fait que nous avons aujourd’hui plus de traités hippocratiques que n’en connurent l’école d’Alexandrie et Galien.

On a, dans toutes les éditions d’Hippocrate, un traité intitulé des Jours critiques (Περὶ κρισίμων). Le commencement est un fragment du premier livre des Épidémies, le reste se retrouve dans les autres traités, excepté un long morceau dont voici la traduction : « C’est le présage le plus favorable pour le salut des malades que le causus ne soit pas contre nature. La même règle s’applique aux autres maladies ; car rien de funeste, rien de mortel ne survient quand les choses sont conformes à la nature, une seconde circonstance heureuse, c’est que la saison elle-même ne soit pas l’auxiliaire de la maladie ; car, en général, la force de la constitution humaine ne triomphe pas de la force de l’ensemble des choses. Ensuite l’amaigrissement de la face et le repos dans les veines des bras, des coins des yeux et sourcils, si elles battaient auparavant, est d’un bon augure. Dans ce cas, si la voix devient plus faible et plus douce, la respiration plus rare et plus légère, il faut attendre une amélioration de la maladie pour le lendemain. Il est des signes qui doivent être examinés pour les crises, à savoir si la base de la langue est enduite d’une salive blanche, et si l’extrémité de cet organe en est également recouverte, mais à un moindre degré. Si cet enduit est peu épais, le mal s’amendera le troisième jour ; s’il l’est davantage, le second jour ; s’il l’est encore davantage, le jour même. Le blanc des yeux prend nécessairement une teinte livide au début de la maladie, quand elle est violente. Si donc le blanc devient pur, c’est un signe de guérison, plus lente, si la blancheur vient lentement ; plus prompte, si elle paraît promptement[163]. »

Voici le morceau correspondant dans le manuscrit 7027 : Maximum autem signum ægrotantium qui evasuri sunt, est si secundum naturam fuerit causus ; sed aliis quidem morbis similiter ; nihil enim molestum secundum naturam nascentibus malis neque mortiferum. Secundo autem, si non tempus ipsum ipsi ægritudini colluctetur ; plerumque enim non obtinet natura hominis mundi virtutem. Deinde, si quæ sunt circa faciem extenuantur, et venæ quæ in manibus et in angulis oculorum et superciliis, tranquillitatem habeant, in præterito non tranquillæ. Vox autem et imbecillior et lenior facta et anhelitus remollitus et tenuis factus ad supervenientem diem solutionem morbi (promittit). Hæc ergo oportet contemplari ad crises, et si circa summam linguam veluti saliva illinitur et si in summa lingua hoc idem fit, minus quidem ; si tenue hoc fuerit, in tertium solutio ægritudinis ; si adhuc grossiora fuerint, crastino ; si adhuc grossiora, ipsa die. Hoc autem, oculorum albida in initio ægritudinis necesse est nigrescere, cum invaluerit morbus. Hæc autem munda facta sanitatem ostendunt, mediocriter quidem tardiorem, fortius celeriorem. »

De là résulte que la compilation qui porte, dans la Collection hippocratique, le nom de traité des Jours critiques et qui est inconnue à Galien, a été faite à une époque où le texte grec du livre sur les Semaines existait encore. Rien que la traduction latine enfouie dans le manuscrit 7027 pouvait faire reconnaître la présence de ce fragment emprunté à un livre perdu. Seulement je remarque qu’en comparant le court passage où Galien dit que l’auteur du traité des Semaines pense que la conformité de la saison aggrave la maladie, avec la compilation des Jours critiques, on aurait pu naturellement penser qu’au moins une phrase du livre des Semaines était incorporée dans ce recueil informe de fragments. Plusieurs traités que l’antiquité n’a pas connus et qu’il est impossible d’attribuer ni à Hippocrate ni à aucun auteur connu, sont certainement des débris de livres que la main des compilateurs a mutilés. Nous possédons tous les écrits hippocratiques que l’école d’Alexandrie et Galien connaissaient, excepté le traité des Traits et des Blessures (Περὶ τραυμάτων καὶ βέλων), mentionné par Érotien, le traité des Blessures graves (Περὶ ὀλεθρίων τραυμάτων), cité par Galien, un livre des Maladies, enfin le traité des Semaines. Tout le reste, notre collection actuelle le renferme, à part quelques lacunes et quelques dérangements dans la distribution. Mais il s’y trouve, en outre plusieurs livres tels que ceux sur les Jours critiques, sur l’Anatomie, sur la Dentition, etc., dont nulle mention n’est faite ni dans les commentateurs alexandrins, ni dans Érotien, ni dans Galien. Ces livres sont ou des fragments d’ouvrages perdus d’auteurs ignorés, ou une réunion de passages pris dans d’autres livres hippocratiques.

L’emprunt au livre des Semaines que je viens de signaler dans le livre des Jours critiques, n’est pas le seul qui se trouve, sans qu’aucun éditeur s’en soit encore douté, dans la Collection hippocratique. Les Aphorismes sont terminés par une huitième section que l’on désigne dans les éditions sous le nom d’Aphorismes faux. Galien, en mettant fin à son commentaire, qui s’arrête au dernier aphorisme de la septième section, dit : « Cet aphorisme est le dernier dans la plupart des manuscrits, mais certains exemplaires contiennent quelques aphorismes de plus (T. v, p. 329, Éd. Bas.). » Ces aphorismes, signalés par Galien, font partie de la huitième section ; le reste est pris dans le traité des Semaines, ainsi que je vais le montrer. En voici la traduction :

« 1o Il faut faire les observations suivantes pour savoir quand un malade doit succomber ou vivre.

2o Le froid et la rétraction du testicule droit sont des signes funestes.

3o Les ongles livides, les doigts des mains et des pieds, froids, rétractés ou relâchés, annoncent que la mort est prochaine.

4o Les lèvres livides, pendantes, renversées, froides, sont d’un fâcheux augure.

5o Le vertige, la crainte de la lumière, une somnolence profonde avec une grande chaleur, indiquent que tout espoir est perdu.

6o Le malade qui ne connaît pas, ni n’entend, ni ne comprend, est perdu.

7o Tous ces signes deviennent manifestes chez ceux qui vont mourir, et le ventre se gonfle et se remplit d’air.

8o Le terme fixé pour la mort arrive quand le feu, qui constitue l’âme, monte au-dessus de l’ombilic et dans les régions supérieures au diaphragme, et quand tout l’humide est consumé. La chaleur étant accumulée dans les organes nécessaires à la vie, et le poumon et le cœur ayant perdu toute leur humidité, l’air de la respiration entraîne en abondance la chaleur qui avait consolidé toutes choses ensemble. L’âme, en partie par les chairs, en partie par les ouvertures de la tête qui nous font vivre, s’échappe du domicile du corps, et abandonne ce simulacre froid et mortel à la bile, au sang, à la pituite et à la chair. »

Ces propositions sont dans le traité des Semaines ; elles y sont même rangées dans le même ordre ; mais elles n’y sont pas tout-à-fait contiguës, et sont plus ou moins séparées par d’autres phrases.

« 1o Hæc quidem in febribus et in acutis morbis ostendunt mortem et vitam.

2o Testis dexter infrigidatus, intro retractus, mortale.

3o Ungues curvati et lividi facti, aut nigri aut russæi, valde mortale ; et digiti frigidi et nigri facti et curvati valde maxime mortem ostendunt.

4o Hoc autem, labia frigida et pendentia, propinquat mori.

5o Hoc autem, quod tenebras appetunt et homines aversati, et non patientiam sustinens, sed silentium appetens, et vigilans labore multo et gravide possessus, sine spe. »

Ce passage s’éloigne davantage du passage correspondant dont j’ai donné la traduction plus haut. Cependant on trouve dans le grec et le latin la preuve qu’ils se rapportent au même original. En effet, σκοτοδινιῶν, répond à tenebras appetit ; ἀποστρεφόμενος, à homines aversati ; κατεχόμενος, à gravide possessus, et ἀνέλπιστος, à sine spe. Le texte grec, tel qu’il a été conservé, est un abrégé, un extrait, où des mots de l’original ont été retranchés ; cela est évident par les phrases qui se trouvent entre ces soi-disant aphorismes dans la traduction latine, et qui ont été omises.

« 6o Hoc autem, non agnoscens, neque audiens, neque intelligens, valde mortale est.

7o Morituris autem omnibus hæc manifesta fiunt omnia ; et ventres dissolvuntur, distenduntur et inflantur.

8o Definitio autem mortis hæc est : cum enim calor animæ, undique ex corpore adducens humorem, ascenderit ad superiora thoracis, et exusserit quod omne humoris constitutum est ; non enim aliud corpus frigidat ; et pulmo et cor humorem consumpserit, de vapore infusione facta mortalibus locis, exhalat caloris spiritus et pergit illuc unde constitit, in aerem, aliud per ea quæ in capite sunt respiramina quæ de vita vocantur. »

Certes, le traducteur latin s’est très mal tiré de tout ce passage, à la vérité, assez difficile ; mais il n’en est pas moins certain qu’il a donné assez exactement, quoique sans y rien comprendre, la traduction du texte grec, sauf les dernières lignes. Elles manquent dans le texte latin, soit qu’elles n’appartiennent pas à l’original grec, soit, ce qui est plus probable, que le traducteur ou le copiste les ait omises.

Parmi les aphorismes de la huitième section, ceux que j’ai cités sont les seuls qui se retrouvent dans le traité des Semaines. Les autres aphorismes de cette section proviennent d’une source qui m’est inconnue, et qui l’était aussi à Galien ; car c’est indubitablement à ceux-ci qu’il a fait allusion dans le passage rapporté un peu plus haut. Ces aphorismes ajoutés, qu’il avait vus dans quelques exemplaires, étaient les aphorismes qui n’ont pas été pris dans le traité des Semaines ; car, s’ils eussent été ceux que j’ai cités et qui font partie de ce dernier traité, il n’eût pas gardé le silence sur cette circonstance ; il eût remarqué qu’ils n’étaient qu’un centon d’un livre connu ; que, par cette raison, ils ne pouvaient être considérés comme des aphorismes, et que cette addition était le fait de quelque copiste maladroit. Une considération peut encore appuyer ce que je viens de dire : c’est que les aphorismes empruntés au traité des Semaines ne se rencontrent que dans un très petit nombre des manuscrits grecs qui se trouvent dans les bibliothèques, tandis que les autres aphorismes de la huitième section ont été admis généralement par les copistes. De ce fait il faut conclure, d’abord que les copies que nous avons des œuvres d’Hippocrate, ont été faites, pour la plupart, sur les exemplaires qui, comme nous l’apprend Galien, présentaient l’addition de quelques aphorismes ; en second lieu, que cette addition a été plus tard augmentée de quelques centons pris dans le traité des Semaines ; ce qui a produit dans les manuscrits deux éditions du texte hippocratique, l’une, plus ancienne et plus multipliée, ne contenant que les aphorismes surnuméraires déjà connus de Galien ; l’autre, plus moderne et plus rare, enrichie, dans la pensée du compilateur, d’un fragment du traité des Semaines.

Aucun éditeur n’a pu dire ce qu’étaient ces aphorismes faux ; car l’explication manquait, et elle ne pouvait être fournie que par un hasard qui ferait retrouver le texte original ou une traduction comme celle que renferme le manuscrit 7027. Gorter (Medicina Hippocratica, p. 886) dit qu’on ne sait si ces aphorismes appartiennent à Hippocrate ou ont été supposés par quelque autre ; mais que, comme les anciens ont été attachés superstitieusement au nombre sept, il est probable qu’un huitième livre des Aphorismes n’a pas été composé par Hippocrate. D’abord, rien n’autorise à croire que la division des Aphorismes en livres remonte jusqu’à Hippocrate lui-même ; ensuite il est prouvé par le fait que le plus grand nombre de ces aphorismes faux a été extrait d’un autre traité. Lefebvre de Villebrune, dans son édition des Aphorismes, les omet complètement, se contentant de remarquer, p. 343, qu’il les a négligés comme inutiles et absurdes, avec Meletius, Philotheus, les Arabes et plusieurs Grecs. Cependant il a examiné le manuscrit 7027, mais il n’a pas regardé le traité des Semaines. « Les aphorismes renfermés dans la huitième section, dit Bosquillon dans son édition française, p. 201, sont la plupart ou faux, ou écrits d’une manière inintelligible, ou ils sont la répétition de sentences qui se trouvent exprimées beaucoup plus clairement dans les autres ouvrages du père de la médecine ; ils manquent dans les manuscrits les plus anciens ; ceux dans lesquels ils se trouvent paraissent être du commencement du xve siècle. Sur vingt que j’ai collationnés, un seul donne dix-huit aphorismes à cette section. » La remarque de Bosquillon est juste ; le seul manuscrit qui contienne, parmi les aphorismes faux, ceux qui sont empruntés au traité des Semaines, est le numéro 2146 de la Bibliothèque royale. Aussi je pense que ces aphorismes ont été ajoutés à une époque récente, et que le texte grec du traité des Semaines a été perdu depuis peu de temps, et, pour ainsi dire, au moment où il touchait au port, et où il allait, pour ne plus périr, être recueilli par l’imprimerie. Berends (Lectiones in Hippocratis Aphorismos, p. 7) attribue les aphorismes faux à un imposteur du nombre des sophistes. Le fait est que l’imposteur n’est qu’un compilateur maladroit qui a extrait, sans en avertir, quelques sentences d’un livre aujourd’hui perdu, et que le sophiste prétendu, c’est-à-dire l’auteur du traité des Semaines, est un médecin postérieur à Hippocrate, mais assez ancien pour avoir été cité comme une autorité par Philon le Juif. Enfin, le dernier traducteur des Aphorismes, M. Dézeimeris, qui les a rangés, avec beaucoup de sagacité, dans un ordre méthodique, reconnaît, à la vérité, que la huitième section tout entière est une addition moderne ; mais il n’a aucune donnée sur l’origine des aphorismes qui la composent.

Ainsi l’examen de la traduction latine que renferme le manuscrit 7027, restitue à un ancien livre hippocratique des fragments qu’on rejetait comme sans valeur et venant d’une source ignorée, et fournit un nouvel exemple de la manière dont les copistes de manuscrits faisaient des compilations.

Galien, qui, ainsi que je l’ai rapporté plus haut, cite plusieurs fois ce traité, ne manque jamais de déclarer qu’il le regarde comme faussement attribué à Hippocrate. Je ne sais pas si, pour prononcer ce jugement, Galien avait d’autres raisons que l’examen des pensées, des doctrines philosophiques et médicales, et du style qu’on remarque dans le livre des Semaines. Toujours est-il que ce seul examen suffirait pour faire suspecter grandement l’authenticité de ce traité. En effet, l’hypothèse, si opiniâtrement poursuivie, de l'in fluence du nombre sept ; des exemples, ou subtils ou insignifians, invoqués en faveur de cette opinion ; une théorie philosophique qui fait, du principe vital, un mélange du chaud élémentaire et du froid élémentaire ; une doctrine médicale qui applique à la génération des fièvres la théorie philosophique, et rattache toutes ces maladies à des changements primordiaux survenus dans la constitution du principe vital ; une vue toute contraire à la vue d’Hippocrate, concernant l’influence des saisons sur les maladies ; tout cela confirme ce que Galien a dit du traité des Semaines, et ne permet guère de douter que ce livre ne soit la production d’un auteur autre qu’Hippocrate, et de plus, beaucoup postérieur à ce médecin. C’est ce que je vais essayer de montrer par quelques arguments qui fortifieront l’assertion de Galien, mais qui seront pris à des considérations autres que celles qui résultent de l’examen des doctrines et du style. Je veux dire que je vais essayer d’entrer un peu plus avant dans cette discussion de critique et d’histoire littéraires.

L’auteur du livre des Chairs (Περὶ σαρκῶν), après avoir dit que les enfants changent de dents à sept ans, ajoute : « C’est une nécessité de la nature ; j’expliquerai ailleurs pourquoi ces phénomènes sont régis par le nombre sept. » Τῆς δὲ φύσιος τὴν ἀνάγκην, διότι ἐν ἑπτὰ τουτέων ἕκαστα διοικεῖται, ἐγὼ φράσω ἐν ἄλλοισιν (Hipp., Éd. Froben, pag. 44). Ce passage me paraît contenir une allusion au traité des Semaines, qui, en effet, explique comment la nature impose à toute chose la règle du nombre sept : allusion qui devient incontestable par le rapprochement de la citation suivante. Après avoir parlé de l’âge de sept ans et de celui de quatorze, l’auteur ajoute que le corps croît jusqu’au troisième septénaire, dans lequel commence l’adolescence, et jusqu’au quatrième et au cinquième, et que, dans le quatrième septénaire naissent, à la plupart des hommes, les deux dents qu’on appelle dents de sagesse (P. 42, Éd. Frob.). La division de la vie en semaines d’années, admise ici, est la même que celle du livre des Semaines. Si, cette indication première étant donnée, on examine les deux traités, on y trouve développée une théorie toute semblable. Dans les deux, le nombre sept joue un rôle principal ; dans les deux, le chaud élémentaire est considéré comme le grand auteur de toute chose ; dans le traité des Chairs, cette théorie est appliquée à la production des parties et des organes du corps ; dans le traité des Semaines, à la production des fièvres. Donc ce dernier livre est, comme celui des Chairs, auquel il tient, d’une date postérieure à Aristote.

Il y est dit que le feu porté aux régions les plus élevées du monde est appelé par les anciens l’éther. Καὶ ὀνομῆναί μοι αὐτὸ δοκέουσιν οἱ παλαιοὶ αἰθέρα (Page 39, Éd. Frob.). Aristote nous apprend que c’était le nom qu’Anaxagore donnait au feu. « Anaxagore, dit-il, emploie mal le mot éther ; il s’en sert pour désigner le feu. » Ἀναξαγόρας δὲ κατακέχρηται τῷ ὀνόματι τούτῳ οὐ καλῶς. Ὀνομάζει γὰρ αἰθέρα ἀντὶ πυρός (Du ciel, lib. Ι, t. 1, pag. 435, Éd. Duval). C’est donc, sans doute, à Anaxagore que l’auteur du livre des Chairs fait allusion, c’est Anaxagore qui y est appelé ancien ; or, Hippocrate ou un contemporain d’Hippocrate n’aurait pas pu donner cette qualification au maître de Périclès et de Socrate.

Après avoir fixé la limite au-delà de laquelle on ne peut pas reculer le traité des Semaines, il faudrait aussi déterminer un minimum d’antiquité pour l’époque de sa composition. Qu’il soit fort ancien, c’est ce qu’on ne saurait révoquer en doute en voyant que Philon, qui vivait au commencement du premier siècle de l’ère chrétienne, l’attribue à Hippocrate. Ainsi dès-lors l’origine en était douteuse, et ce liremontait, avec tout ce qu’il y a de supposé dans la Collection hippocratique, à un temps qu’on ne pouvait plus préciser. Cependant j’ai remarqué plus haut que, suivant Galien, quelques philosophes voulaient y voir la source du dogme des stoïciens suivant lequel l’âme recevait une double nourriture par l’inspiration de l’air et par l’ingestion des aliments. En conséquence de l’antiquité réelle du livre et de cette observation, on pourrait admettre qu’il a été écrit avant l’époque de la fondation de l’école stoïcienne.

Résumons en quelques mots les résultats de cette dissertation :

1o Le traité des Semaines, perdu en grec, existe dans une traduction ; il a été cité par différens auteurs anciens, depuis Philon jusqu’à Moschopoulos ;

2o Galien, qui est une grande autorité en cette matière, l’a regardé comme faussement attribué à Hippocrate ; l’examen du livre lui-même confirme cette opinion ;

3o Le livre des Semaines est un traité des fièvres fondé sur deux opinions qui ont la prétention de tout expliquer, à savoir que les choses naturelles sont réglées par le nombre sept, et que le principe vital est un composé du chaud et du froid élémentaires, dont les variations constituent les affections fébriles ;

4o Ce traité est du même auteur que le livre des Chairs et probablement aussi que le livre du Cœur ;

5o Deux morceaux assez considérables, l’un inclus dans le traité des Jours critiques, l’autre formant, en grande partie, la huitième section des Aphorismes, appartiennent à ce traité. Rien, jusqu’à l’examen du livre des Semaines, n’avait pu faire soupçonner ce fait ;

6o Nous possédons en grec, et comme spécimens de l’original, les deux morceaux désignés ci-dessus ; le passage cité par Philon ; quelques expressions détachées et une phrase entière rapportées par Galien ; enfin la phrase qu’Aétius a conservée. Le dialecte est ionien ; le style, autant qu’on en peut juger par ces fragments, a de la recherche et de l’obscurité, sans manquer cependant d’une certaine élégance.

Prédictions, 2e livre[164]. Ce 2e livre est un traité très méthodique, très bien rédigé sur la connaissance du pronostic ; c’est certainement un des livres les plus remarquables de la Collection hippocratique. Cependant, d’un commun accord, les critiques anciens l’ont rejeté. Érotien, dans sa préface[165], a annoncé en termes exprès qu’il prouverait que le Prorrhétique, livre 1er et 2e, n’est pas d’Hippocrate ; ce qui s’applique sans doute aux deux livres, peut-être aussi au deuxième seulement. Galien se joint à l’opinion de ceux qui pensaient que ce livre n’appartenait pas au médecin de Cos[166].

Ainsi, en aucun cas, il n’est permis à la critique moderne, contradictoirement à des jugements aussi formels, de ranger le deuxième livre des Prorrhétiques parmi les œuvres d’Hippocrate. Les éléments d’une discussion approfondie manquant, il faut s’en rapporter aux critiques anciens, qui les ont eus à leur disposition. Cela admis, j’ai cherché si, en l’absence des motifs de ce rejet, qui ne nous ont pas été transmis, il serait possible de découvrir quelque raison dont la conséquence fût la même, c’est-à-dire qui montrât que le 2e livre du Prorrhétique n’est pas d’Hippocrate. On y trouve le passage suivant : « En touchant le ventre et les veines, le médecin court moins risque de se tromper qu’en ne les touchant pas[167]. » Cela semble être une claire indication du pouls ; et, comme le pouls n’a été appliqué à la connaissance des maladies que du temps de Praxagore, cette indication place le second livre des Prédictions après le temps d’Hippocrate, et l’ôte à ce médecin, comme l’ont fait les critiques anciens, remarque qui confirme leur jugement, ou plutôt qui emprunte une grande force à leur jugement.

Il est difficile de comprendre comment le 2e livre des Prorrhétiques et le 1er, si différents l’un de l’autre, ont été joints ensemble ; l’un est un livre rédigé avec non moins de méthode que d’élégance, l’autre est une suite de propositions décousues, et où Galien a même signalé un bon nombre de locutions vicieuses ou hasardées. Néanmoins ces deux livres, on le voit par la citation d’Érotien que je viens de rapporter, ont été fort anciennement réunis l’un à l’autre, avec le titre de premier et de second. Un passage de Galien fait voir que ce deuxième livre portait aussi le titre de : livre des Prédictions le plus grand[168].

Des glandes[169]. Il n’y a rien à objecter contre l’arrêt porté par Galien sur cet opuscule. Le médecin de Pergame, dans son commentaire sur le traité des Articulations, venant à l’endroit où l’auteur promet un livre sur la Texture des glandes, déclare que celui qui existe actuellement est l’œuvre non d’Hippocrate, mais des hippocratiques postérieurs[170], et qu’il n’est cité par aucun des anciens, ni par ceux qui ont composé des index. Érotien n’en fait aucune mention. J’ai cherché les raisons intrinsèques pour lesquelles ce traité avait été exclu du canon hippocratique par les critiques anciens ; je n’ai pu les trouver. Quoi qu’il en soit à cet égard, il est certain que les critiques anciens l’ont unanimement rejeté, et Galien l’attribue à quelque médecin de l’école d’Hippocrate, mais venu après lui.

Fragment sur les veines, renfermé dans le traité de la Nature des os. — Voyez, dans la classe suivante, ce qui regarde ce prétendu traité.

NEUVIÈME CLASSE.

Je fais une classe distincte de plusieurs petits traités ou fragments ou compilations que les anciens critiques n’ont pas mentionnés : ce sont l’opuscule sur le Médecin ; celui sur la Conduite honorable ; les Préceptes ; sur l’Anatomie ; de la Dentition ; de l’Excision du fœtus ; de la Vue ; de la Nature de la femme ; la huitième section des Aphorismes ; sur la Nature des os ; sur les Crises ; sur les Jours critiques ; sur les Médicaments purgatifs.

Du Médecin[171]. Cet opuscule n’est mentionné par aucun des anciens critiques. Eustache, dans les notes sur Érotien[172], suppose, il est vrai, que cet auteur a interprété un mot (ὁμιλίη) qui se trouve dans ce petit livre. C’est une erreur ; voici le texte d’Érotien, on en jugera : « Ὁμιλίη a trois significations. Dans cet endroit, il signifie les habitudes de l’homme, et il dérive de ὁμοῦ εἰλεῖσθαι (vivre ensemble). Dans le traité des Articulations il ne signifie que la contiguïté et la juxtaposition, par exemple dans cette phrase : l’humérus tient (ὁμιλέει) à la cavité articulaire de l’omoplate ; dans le même traité Hippocrate s’en sert pour désigner l’expérience, quand il dit : Cet art s’acquiert, non par le raisonnement seulement, mais aussi par la pratique (ὁμιλίη). Ce mot se trouve dans le traité des Saisons et des Lieux. » Comme le mot ὁμιλίη se lit dans l’opuscule intitulé du Médecin (Pag. 12, fig. 37, Éd. Bas.), Eustache croit que la première citation s’y rapporte. D’abord il faut remarquer que, dans le passage de l’opuscule du Médecin, ὁμιλίη n’a pas précisément le sens indiqué par Érotien ; secondement une autre remarque ne permet pas d’admettre qu’il s’agisse ici de ce petit livre. Érotien dit : « Dans cet endroit ὁμιλίη signifie les habitudes de l’homme. » On sait qu’il avait interprété successivement tous les mots, jugés par lui difficiles, de chacun des livres hippocratiques, et qu’il avait suivi l’ordre indiqué dans sa liste. Quand il dit dans cet endroit, il veut donc exprimer qu’il s’agit, d’un des traités qu’il a énumérés dans son catalogue, et du traité même dont il interprète les mots à ce moment. Or, comme il n’a pas relaté le livre du Médecin dans sa liste, ce ne peut être ce livre qu’il désigne en disant en cet endroit. Il est vrai qu’on rencontre dans son Glossaire quelques mots appartenant à des traités qu’il n’a pas jugé à propos de mentionner dans sa liste ; mais alors il ne dit pas en cet endroit ; car ces expressions annoncent qu’il parle d’un des traités admis par lui. Ainsi, ce n’est pas à l’opuscule sur le Médecin que le mot ὁμιλίη, dans sa première signification, a été pris par Érotien ; il l’a été, je pense, au traité des Airs, des Eaux et des Lieux, qu’il appelle des Saisons et des Lieux. Ce mot ne s’y trouve plus, il est vrai, mais beaucoup de mots expliqués par Galien ou Érotien ne se rencontrent pas, non plus, dans la Collection hippocratique, ayant été expulsés par des gloses et des erreurs de copiste. Le mot οἰκείης, expliqué immédiatement avant ὁμιλίη, appartient au livre de la Nature de l’enfant ; et ce livre est, dans la liste d’Érotien, placé immédiatement aussi avant le livre des Airs, des Eaux et des Lieux, de sorte que, suivant l’ordre d’Érotien, après un mot du livre de la Nature de l’enfant, on doit attendre un mot du livre des Airs, des Eaux et des Lieux. Ἐνθάδε signifie donc : dans ce dernier traité ; Érotien a pris même soin qu’on ne s’y trompât pas, en ajoutant, après l’article assez long consacré à ὁμιλίη : « Ce mot est dans le livre des Saisons et des Lieux. »

Dans le silence des anciens commentateurs il n’est pas possible de se faire une idée sur l’origine de l’opuscule du Médecin. L’auteur, après avoir dit qu’il était nécessaire à un chirurgien militaire de suivre les armées pour apprendre à connaître et à traiter les blessures, ajoute : « Tout cela a été traité dans d’autres écrits[173]. » Or, la Collection hippocratique a contenu jadis un livre de chirurgie militaire intitulé des Traits et des Blessures. Ce livre, que Galien pensait n’être pas d’Hippocrate, est aujourd’hui perdu. Entre le sujet de ce livre et le passage de l’opuscule du Médecin, il y a évidemment un rapport ; mais il faudrait posséder le traité des Traits et des Blessures pour savoir s’il serait possible de rattacher ces deux livres l’un à l’autre.

De la Conduite honorable[174]. Cet opuscule n’a en sa faveur le témoignage d’aucun ancien commentateur. Il se termine par une phrase toute semblable à celle qui termine le Serment. C’est le seul lien par lequel cette petite composition se rattache au reste de la Collection hippocratique. Bernard, dans une lettre à Reiske[175], essaie de prouver qu’elle est l’œuvre d’un médecin attaché à la secte stoïcienne.

Préceptes[176] Les Préceptes ne sont mentionnés par aucun commentateur ancien ; je ne sais pourquoi quelques critiques modernes les ont attribués à un médecin de la secte empirique. L’auteur recommande, il est vrai, l’expérience, mais il la recommande avec le raisonnement, et ne le fait pas autrement que d’autres écrivains de la Collection hippocratique. Le silence des commentateurs de l’antiquité laisse planer sur cet opuscule la plus grande obscurité.

De l’Anatomie[177] Ce très court fragment, qui contient, en quelques lignes, des notions sur la plupart des organes du corps humain, n’a été cité par aucun écrivain ancien. On y trouve répété trois ou quatre fois un mot[178] que Suidas nous apprend avoir été abdéritain et familier à Démocrite. Quelques critiques modernes ont tiré de ce fait la conclusion que le fragment en question était de Démocrite. Rien ne contredit cette conjecture, mais rien ne la soutient ; c’est assez dire qu’elle est tout-à-fait gratuite.

De la Dentition[179]. Ce très court fragment n’est cité par aucun ancien commentateur, rien ne peut nous faire deviner de qui il est, ni où il a été pris.

De l’Excision du fœtus[180]. Ceci est un fragment comme on en trouve plusieurs dans la Collection hippocratique ; il est fort difficile de dire d’où il vient. Galien n’en a fait aucune mention ; Érotien ne le cite pas non plus dans la liste qu’il donne des écrits hippocratiques. Cependant, dans leurs Glossaires, Érotien et Galien interprètent un mot qui ne se trouve que dans ce court fragment[181]. Comment expliquer la présence de ce mot dans ces Glossaires ? avaient-ils sous les yeux le fragment en question, ou ont-ils copié cette explication dans le Glossaire de quelqu’un de ceux qui avaient composé avant eux des lexiques hippocratiques, et qui connaissaient par conséquent l’Excision du fœtus ? ou, enfin, ce mot ἰχθύην était-il dans quelqu’un des livres perdus ? En tout cas, ce fragment est ancien, et peut-être faut-il le joindre au traité des Femmes stériles, qui est mutilé au point même où l’auteur s’occupe de l’extraction de l’embryon mort. Le morceau de l’Excision du fœtus est un fragment qui faisait partie de quelque ouvrage sur l’obstétrique ; car il commence par ces mots : « Je vais parler des accouchements qui ne se font pas naturellement, mais qui exigent l’excision du fœtus[182]. »

De la Vue[183]. Cet opuscule n’est cité ni par Galien, ni par Érotien ; tout témoignage ancien lui fait défaut. Ce paraît être un fragment d’un livre perdu ; il y a peu d’ordre dans la rédaction ; et il faut le ranger parmi ces fragments dépareillés sur l’origine desquels toute notion manque.

De la Nature de la Femme[184]. Toute autorité manque en faveur de ce traité qui ne se recommande pas non plus par sa propre composition ; il contient une foule de passages empruntés aux livres sur les Maladies des femmes : ce qui porte à croire que ce n’est qu’une compilation faite sans beaucoup de jugement aux dépens d’autres traités. Dans tous les cas, ce livre, que les critiques anciens ont ignoré ou négligé, n’appartient point à Hippocrate.

Parmi les opuscules que je viens d’énumérer, un seul a peut-être un témoignage en sa faveur, c’est celui sur l’Excision du fœtus, auquel il est possible que le mot cité dans Érotien et Galien doive être rapporté. Sur les autres un silence absolu a été gardé par les critiques anciens. Néanmoins il n’en faudrait pas conclure que ce sont des compositions postérieures à Érotien et à Galien. Ces opuscules portent, en effet, un caractère d’ancienneté qu’il n’est guère possible de méconnaître ; et l’on voit encore, dans quelques-uns, par exemple l’opuscule sur le Médecin et celui sur la Conduite honorable, des traces de relation avec d’autres œuvres de la Collection hippocratique.

Mais il n’en est plus de même des morceaux qui vont suivre. Ceux-ci sont certainement des compositions postérieures à Érotien et à Galien, et le produit de compilations faites à une époque ignorée, mais très tardive. C’est un fait que la découverte de la traduction ignorée du traité des Semaines m’a permis d’établir d’une manière incontestable. J’ai formé la dixième classe dans la Collection hippocratique à l’aide d’une seule considération, à savoir que les opuscules qui la composent n’ont été cités par aucun critique ancien. Mais, cela admis, elle se divise naturellement en deux séries, l’une (je viens d’en parler) qui comprend des traités, non cités, il est vrai, mais que l’on reconnaît anciens à des caractères intrinsèques ; l’autre (je vais en parler) qui renferme des compilations faites dans un temps très postérieur à Galien. Le livre de la Nature de la femme, que j’ai placé à la fin de la première série, sert de transition ; car je ne sais si c’est une compilation ancienne ou une compilation moderne.

Huitième section des Aphorismes. Cette prétendue huitième section, je l’ai fait voir en parlant du livre des Semaines, est empruntée à ce livre ; je la supprime donc, et je la renvoie à la place qui lui appartient.

De la Nature des os[185]. Le traité de la Nature des os, à cause de la confusion qui y règne, est un de ceux qui ont le plus embarrassé les critiques. Les difficultés proviennent de ce que ce livre est une collection de fragments, inconnue à toute l’antiquité, et faite par une main assez moderne. On va voir qu’il en est ainsi, et la preuve de ce fait remettra chaque chose en sa place, et effacera, du nombre des livres hippocratiques, un amalgame de morceaux différents qui ne doit pas y figurer. Il est composé de cinq morceaux différents, dont quatre ont une origine connue, et dont le cinquième appartient à un auteur ignoré. Je vais les énumérer en allant de la fin de ce prétendu traité au commencement.

Celui dont je vais parler d’abord commence ainsi : Les os donnent au corps sa stabilité, sa rectitude et sa forme[186]. Cette portion est celle que Galien cite, dans son Glossaire, sous le titre d’Appendice au livre du Mochlique, d’autres fois sous celui de Traité sur les veines ajouté au Mochlique[187]. Érotien ne cite pas nommément ce fragment, mais il en explique, dans son lexique, quatre mots[188]. Il en résulte évidemment qu’il a compris cet appendice sous le titre commun du Mochlique, qu’il a admis dans sa liste des écrits hippocratiques. Ce n’est pas tout, Érotien nous a conservé une explication de Bacchius qui se rapporte à cet appendice[189] ; ce qui prouve que, dès le temps d’un des plus anciens commentateurs d’Hippocrate, ce fragment existait, et était joint au Mochlique. Je lui rendrai donc son titre ancien, sur les Veines (Περὶ φλεβῶν), et je le rapprocherai d’un autre fragment sur le même sujet, qui est aussi compris dans la compilation appelée de la Nature des os.

Le second fragment, que renferme le traité de la Nature des os, commence par ces mots : La veine du foie dans les lombes[190], etc. Il est consacré à l’anatomie des veines ; il se retrouve tout entier dans le 2e livre des Épidémies ; et ce qui prouve que c’est là sa véritable place, c’est que Galien, qui le cite, l’emprunte à ce deuxième livre et ne fait aucune mention d’un traité sur la Nature des os.

Le troisième morceau qui commence par ces mots : Les plus grosses des veines sont ainsi disposées[191], n’est pas autre chose que le morceau qu’on lit dans le traité de la Nature humaine, morceau attribué par Aristote expressément à Polybe. Galien, par son commentaire sur le traité de la Nature de l’homme, nous prouve que telle en a été de tout temps la véritable place, et c’est là que l’a pris l’arrangeur qui a composé le traité de la Nature des os.

Ce n’est pas des œuvres d’Hippocrate, c’est de celles d’Aristote que le quatrième morceau a été extrait. Les premiers mots en sont : Les grosses veines sont ainsi disposées[192]. Il se trouve en toutes lettres dans l’Histoire des animaux d’Aristote[193], et il est de Syennésis de Chypre, médecin d’ailleurs inconnu. Cela seul suffirait pour prouver que nous avons sous les yeux une compilation tardive où l’on a pris de droite et de gauche, et même dans Aristote, et réuni tout ce qui avait été dit sur les veines.

Reste tout le commencement du prétendu traité de la Nature des os, ce qui forme le cinquième et le dernier des morceaux disparates qu’un copiste a réunis. Il m’est impossible de le rendre à l’auteur à qui il appartient ; son origine m’est inconnue ; aucun des mots expliqués par Galien et par Érotien ne s’y retrouve ; il ne faisait point partie de l’Appendice au Mochlique ; car, s’il en avait fait partie, le copiste ne l’aurait point séparé par l’interposition des trois fragments empruntés au 2e livre des Épidémies, à Polybe, et à Syennésis de Chypre. À cette raison décisive vient s’en ajouter une autre qui ne l’est pas moins : c’est que l’anatomie des veines est toute différente de celle qui est exposée dans l’Appendice au Mochlique. D’après ce cinquième fragment, les veines ont leur origine dans le cœur, ce qui empêche de placer la composition de ce morceau avant Aristote. Les connaissances anatomiques qui s’y montrent, le mettent à côté du traité du Cœur, de celui de l’Aliment et de celui des Chairs. Ce fragment qui commence le prétendu traité de la Nature des os, provient d’un écrivain tout-à-fait ignoré, comme quelques autres fragments, tels que ceux sur l’Anatomie et sur la Dentition. Et il est impossible de savoir s’il a fait, dès l’antiquité, partie de la Collection hippocratique.

Cette discussion ayant fait disparaître le traité de la Nature des os, on ne s’étonnera pas que je le supprime également dans mon édition. Des deux fragments sur les veines qui occupent le commencement et la fin de cette compilation, le premier paraît être d’une date postérieure à Hippocrate ; le second, dans l’antiquité, était uni au Mochlique, et je l’y aurais aussi réuni, si je n’avais rangé le Mochlique parmi les écrits qui doivent être attribués à Hippocrate ; or, l’Appendice sur les veines n’a aucun caractère qui permette d’en juger l’authenticité. En conséquence je rapprocherai ces deux fragments l’un de l’autre et je les placerai à côté du traité du Cœur, avec lequel ils ont des connexions naturelles, au moins par le sujet. Il serait fort inutile de répéter les deux morceaux qui se trouvent, l’un dans le 2e livre des Épidémies, et l’autre dans le traité de la Nature de l’homme ; et, quant au passage de Syennésis de Chypre, il n’y a aucune raison pour ne pas laisser ces quelques lignes dans le livre d’Aristote où elles sont citées.

Des Crises[194]. Ce traité n’a été cité ni par Érotien, ni par Galien, ni par aucun commentateur. En l’examinant de près, on voit qu’il est composé d’extraits pris çà et là dans les ouvrages d’Hippocrate. Cette compilation est donc très tardive, et elle n’a été faite ni avec plus d’ordre, ni avec plus d’intelligence que celle qui porte le titre de la Nature des os.

Des Jours critiques[195]. Cette compilation, qui n’est citée par aucun ancien commentateur, a été faite récemment. Le seul passage dont on ne pouvait assigner l’origine, est un fragment qui est emprunté au traité des Semaines, et auquel j’ai rendu sa véritable place en retrouvant une traduction latine de ce traité perdu en grec. Je la supprime donc de mon édition. Tout ce qu’elle renferme est pris ailleurs et est ajouté bout à bout sans le moindre choix, sans le moindre discernement. D’ailleurs Galien a dit formellement qu’Hippocrate n’a rien fait de spécial sur les Jours critiques[196].

Il serait facile de grossir cette liste de compilations. On trouve dans divers manuscrits, sous le nom d’Hippocrate, des fragments intitulés : des Urines ; des Sueurs ; de la Goutte ; lesquels fragments sont des extraits plus ou moins textuels de différents livres hippocratiques. Je les indique dans la notice des manuscrits qui suit cette Introduction.

Des Médicaments purgatifs[197]. Ce fragment n’est cité par aucun des critiques anciens ; on ne le trouve pas dans les premières éditions. Il a été publié pour la première fois par le père Pétau avec cette note : « Quod rursum tres paginæ vacarent, typographi rogatu hunc Hippocratis libellum ex Cujaciano codice olim exscriptum adjunximus, qui hactenus in omnibus Hippocratis editionibus desideratus est (S. Nicephori Breviarium historicum, p. 407, Parisiis, 1616). » Ce fragment manque également dans presque tous les manuscrits. Je ne sais d’où il provient.

DIXIÈME CLASSE.

Je place ici la notice des écrits perdus de la Collection hippocratique ; ce sont : le livre sur les Blessures dangereuses ; sur les Traits et blessures ; le premier livre des Maladies le petit.

Des Blessures dangereuses[198]. Sous ce titre, Galien cita, à diverses reprises, un traité qu’il n’attribue à Hippocrate que d’une manière dubitative, et qui est sans doute le même que celui qu’Érotien désigne par le nom de livre sur les Traits et blessures. Voici les citations que j’en ai trouvées dans Galien : « Nous savons que celui qui a écrit le livre sur les Blessures dangereuses essaie de donner le traitement de quelques-unes des plaies qui intéressent le foie ou le ventre, ou la vessie[199]. » Et ailleurs : « C’est dans Hippocrate même qu’il faut apprendre comment il traite les blessures de l’abdomen, ainsi que les autres blessures graves[200]. » Au même endroit il recommande simultanément la lecture de ce traité, ainsi que de celui sur les Ulcères.

C’est encore à ce livre qu’il faut, je crois, rapporter une citation de Galien, quoiqu’il ne dise pas le titre du livre où il l’a prise. Le passage est remarquable et mériterait d’être reproduit, ne fût-ce que pour sa valeur intrinsèque. « Il est des hommes chez qui il survient par intervalle des vomissements de sang. Ce sont surtout ceux qui, abandonnant leurs exercices violents, n’abandonnent pas leur régime ordinaire, ou à qui un membre tout entier a été enlevé, comme l’a enseigné Hippocrate[201]. » Ce dernier membre de phrase que je n’ai pas trouvé dans ce que nous avons d’Hippocrate, a été pris sans doute dans le traité des Blessures dangereuses. Il en est de même du suivant : « Hippocrate a dit que des déjections sanguinolentes survenaient à ceux dont un membre avait été coupé[202]. » « Les mots suivants, dit Foes (sect. IV, p. 146), sont attribués, dans de vieux manuscrits du traité des Ulcères, au commentaire de Galien : Hippocrate se sert du mot ἕλκος, dans le traité des Ulcères, pour désigner les plaies récentes ; dans le traité des Blessures et des traits, pour désigner les plaies chroniques[203]. »

On peut croire qu’une portion de ce traité était consacrée à l’exposition des règles à suivre dans l’extraction des armes de jet. En effet, dans une table que j’ai déjà eu occasion de citer, et qui est placée en tête du manuscrit 2146, on lit : Des Blessures dangereuses ; de l’Extraction des traits[204] ; or, comme le reste de cet index montre que plusieurs portions de traités y sont énoncées comme des traités séparés, le morceau relatif à l’Extraction des traits, nulle part mentionné comme un livre isolé, est sans doute un chapitre du traité des Plaies dangereuses, auquel le rédacteur de l’index a donné un titre et une existence indépendante.

Il est certainement fâcheux que nous ayons perdu ce livre de la chirurgie hippocratique. Ces fragments ne rendent cette perte que plus regrettable.

Des traits et des blessures[205]. Ce traité est cité par Érotien dans son catalogue des livres hippocratiques[206]. On n’en trouve aucune autre mention ailleurs. Dans le courant de son Glossaire, il en cite une phrase qui est tout ce qui nous en reste : « Un homme ayant eu une affection de la moelle épinière, mourut le septième jour[207]. » La note que Foes a rapportée d’après d’anciens manuscrits, prouve (ce qu’on pouvait facilement supposer) que le traité des Blessures dangereuses d’après Galien, et le traité des Traits et des blessures d’après Érotien, étaient un seul et même livre.

Le 1er livre des Maladies le petit[208]. C’est le titre sous lequel Galien cite un livre qui figurait jadis dans la Collection hippocratique. Ce livre ne s’y retrouve plus. Il est perdu comme le précédent. Galien en rapporte un membre de phrase : « Respirer comme les enfants que l’on fait taire, et qui, pleurant, font rentrer dans les narines l’air de la respiration[209]. » Puis il en explique deux mots : Καύσωμα qu’il interprète par inflammation[210], et Μηλιάδα de l’île de Mêlos[211]. C’est sans doute aussi à cet ouvrage perdu qu’il faut rapporter le mot de typhomanie que Galien dit se trouver dans le livre des Maladies et que nous ne lisons plus dans aucun endroit de la Collection hippocratique[212].

ONZIÈME CLASSE.

Les pièces (Lettres, Décret et Discours) que l’on trouve à la suite de la Collection hippocratique, sont certainement fort anciennes, mais elles n’en sont pas moins apocryphes. Elles comprennent quatre objets différents. Ce sont : 1o Les Lettres et le Décret concernant la peste qui désola la Grèce pendant la guerre du Péloponèse ; 2o les Lettres relatives à la folie de Démocrite et la correspondance qui s’établit ensuite entre ce philosophe et Hippocrate ; 3o la Lettre d’Hippocrate à son fils Thessalus ; 4o les Discours relatifs à la guerre faite par les Athéniens à l’île de Cos.

1o J’ai déjà eu occasion de montrer (p. 41) que les services rendus par Hippocrate dans la peste d’Athènes, étaient une pure fable. Les Lettres et le Décret, examinés en eux-mêmes, ne supportent pas la critique ; et, quand même Thucydide ne serait pas là pour en faire comprendre la fausseté, il suffirait d’y jeter un coup-d’œil pour juger que ces pièces sont apocryphes. Voyez comme Artaxerce se plaît aux antithèses : Sans être en guerre, dit-il, nous avons la guerre[213]. Pætus, à qui il s’adresse, lui répond que les secours de la nature, qui guérissent les autres maladies par les crises, n’ont aucune efficacité contre l’épidémie pestilentielle, et que l’art seul, amenant une crise artificielle, triomphe de la peste[214]. Ces antithèses sont d’un rhéteur qui donne la raison de ce qui ne fut jamais, à savoir de la guérison, par l’art d’Hippocrate, d’une maladie qui, abandonnée aux seules forces de la nature, était mortelle. Il serait facile de réunir plusieurs phrases marquées du même caractère d’affectation futile ; mais ce genre de critique laisse toujours des doutes, et j’aime mieux y faire voir des contradictions qui prouvent irréfragablement que tout ce récit n’est qu’un tissu de fable.

Suivant la Lettre de Pætus à Artaxerce, la peste, après avoir ravagé Athènes, passe dans l’Asie ; car cette lettre parle des services rendus déjà par Hippocrate et des honneurs qui lui ont été accordés par les Athéniens. Dans le Décret du peuple d’Athènes au contraire, il est dit que la peste venait de la terre des Barbares en Grèce[215]. Le fait est que la peste vint du pays des Barbares en Grèce, de la terre du grand roi dans l’Attique, d’Orient en Occident, comme la plupart des grandes épidémies ; Thucydide le dit formellement : « Quand la maladie attaqua les Athéniens, pour la première fois, le bruit avait couru qu’elle avait sévi en plusieurs lieux, et entre autres à Lemnos, et sur d’autres points… On assure qu’elle naquit d’abord dans l’Éthiopie située au dessus de l’Égypte, puis qu’elle descendit dans l’Égypte et dans la Lybie, et dans la plus grande partie de l’empire du grand Roi. Elle fit subitement irruption dans la ville d’Athènes, et c’est dans le Pirée qu’elle saisit ses premières victimes, à tel point qu’on accusa les Péloponésiens d’avoir empoisonné les puits. » Ainsi la lettre de Pætus, qui fait passer la peste de Grèce en Asie, contredit la vérité de l’histoire, et, ce qui est ici plus fort, elle contredit le Décret même, avec lequel elle a des connexions. Celui qui a composé ces pièces, voulant rehausser Hippocrate, et se rappelant seulement qu’on disait que le peuple d’Athènes avait rendu un décret en sa faveur, a introduit la mention de ce Décret dans une lettre qui, si elle avait été véritable, aurait été écrite avant le Décret.

Autre contradiction non moins manifeste : dans la Lettre que Pætus écrit à Artaxerce, il est dit qu’Hippocrate a déjà été honoré des dons des Athéniens à l’égal d’Hercule et d’Esculape pour les services qu’il leur avait rendus. Dans le Décret il est dit que les Athéniens accordent à Hippocrate certaines faveurs éminentes et des honneurs pareils à ceux d’Hercule, parce qu’il a préservé la Grèce de la peste et refusé les dons du roi de Perse. Si les Athéniens l’ont récompensé pour avoir refusé les dons du barbare, il ne pouvait avoir reçu la récompense des Athéniens au moment où il faisait ce refus. La méprise du faussaire est évidente, il est impossible de ne pas en être frappé.

Les inadvertances de celui qui a rédigé la légende d’Hippocrate touchant son rôle prétendu dans la grande fièvre qui dévasta la Grèce, ne permettent pas de douter le moins du monde que toute cette histoire ne soit controuvée. Ce sont des preuves positives, toujours plus décisives que des preuves négatives. Mais, quand ce récit aurait été arrangé de manière qu’il n’y subsistât aucune de ces contradictions palpables qui en font toucher au doigt et à l’œil la fausseté, comment pourrait-on le concilier avec le dire de Thucydide, qui assure que tout l’art des médecins fut impuissant ? et de quoi les Athéniens auraient-ils eu à remercier Hippocrate, lorsqu’on lit dans le même Thucydide : « L’hiver suivant la maladie reparut à Athènes ; à la vérité, elle n’avait jamais complètement cessé, mais il y avait eu un relâchement. Cette seconde invasion ne dura pas moins d’un an ; la première en avait duré deux ; de sorte qu’il est vrai de dire que rien ne porta un plus rude coup à la puissance des Athéniens. Il ne périt pas moins de 4 400 hoplites des cadres (τάξεων), et 300 cavaliers ; et, du reste de la population, un « nombre incalculable (L. 3, p. 232, Wechel 1594). » La population militaire d’Athènes ne montait guère qu’à 20 000 hommes ; la population totale de la ville, libre et esclave, a été évaluée à environ 400 000 âmes ; de sorte que, si la perte a été aussi considérable sur le reste de la multitude que sur les hommes en état de porter les armes, il faut évaluer à plus de 80 000 le nombre des victimes de la peste. On voit, comme le dit Thucydide, que l’art des médecins fut complètement impuissant. La maladie suivit les Athéniens au siége de Potidée, et y décima leur armée. À plusieurs reprises, Thucydide fait mention de ce grand désastre, et, quand il représente la prospérité d’Athènes au commencement de la guerre du Péloponèse, il remarque que la ville était pleine de force et n’avait pas encore été en proie à la maladie[216].

Rien n’est donc mieux établi que la fausseté de toute cette histoire concernant Hippocrate et le roi des Perses ; cependant on ne peut nier qu’elle ne soit fort ancienne. L’antiquité s’est complue à forger un assez grand nombre de ces épîtres, et Hippocrate n’a pas été l’unique sujet de pareilles compositions apocryphes. La plus ancienne mention que j’en connaisse, se rapporte au temps de Caton l’ancien. Plutarque raconte que ce Romain, ayant entendu parler du refus fait par Hippocrate de secourir les Barbares, dit que tous les médecins grecs avaient fait un pareil serment, et il défendit à ses enfants de les employer jamais[217]. Les Lettres étaient déjà forgées à cette époque, et l’on peut admettre sans peine qu’elles l’étaient depuis long-temps. Une autre remarque confirme l’antiquité de ces pièces, mais sans en confirmer l’authenticité. Il est dit dans le Décret des Athéniens : Les enfants des habitants de Cos auront la permission d’entrer dans les gymnases comme ceux des Athéniens[218]. Or, dans les temps postérieurs, dit M. Boeckh, dans sa collection des inscriptions grecques, les enfants des étrangers honorables, établis à Athènes, obtenaient cette faveur sans un décret particulier ; mais plus anciennement, elle ne s’accordait que par privilége aux étrangers. On peut croire que le rédacteur de ces pièces, exact en ce point, si ignorant sur le reste, était quelque Athénien qui connaissait les lois de son pays.

2o La seconde série contient tout ce qui concerne la prétendue folie de Démocrite, sa conversation avec Hippocrate et la correspondance qui s’établit entre le philosophe et le médecin. Cela est aussi apocryphe que l’histoire concernant les présents du roi de Perse car, dans la Lettre d’Hippocrate au peuple d’Abdère, il est fait mention de cette circonstance ; et la fausseté de ce dernier fait, que j’ai démontrée plus haut, entraîne la fausseté de toute la correspondance relative à Démocrite. L’un et l’autre récit ont été puisés à une même source, à des contes populaires que l’imagination de quelque auteur s’est complue à mettre en œuvre.

Maintenant si on entrait dans l’examen détaillé de ces Lettres, on y reconnaîtrait, de toutes parts, des inadver- tances qui trahissent une composition apocryphe. Et je veux signaler encore quelques détails par où le faussaire s’est démasqué, en cherchant à mettre davantage leur authenticité à l’abri de la critique et du doute. Il cite, à diverses reprises, par leurs titres, le Pronostic, le traité sur la Maladie sacrée, celui sur la Tisane, le Prorrhétique, le livre des Maladies des femmes, le 5e des Épidémies. On pourrait m’accuser de pétition de principe si, pour montrer la fausseté des Lettres, je me servais de la démonstration où j’ai établi que quelques-uns de ces traités ne sont pas d’Hippocrate ; mais je remarquerai que nulle part, dans la Collection hippocratique, il n’y a de citations pareilles par les titres mêmes. Ce soin a été étranger aux auteurs hippocratiques ; ils désignent les écrits auxquels ils se réfèrent, par le sujet, non par le titre. Mais le rédacteur de ces récits a cru faire merveille que de nommer, dans une prétendue lettre d’Hippocrate, plusieurs des livres qui à tort ou à raison lui étaient attribués. Et remarquez encore ceci : tous les critiques anciens ont pensé que les deux livres des Prorrhétiques n’étaient pas d’Hippocrate ; la plupart ont regardé le 5e des Épidémies comme ne lui appartenant pas non plus. Or, qu’y aurait-il de plus authentique que ces livres, si mention en était faite par Hippocrate lui-même dans une lettre à Démocrite ? Il est donc de toute évidence que dans l’antiquité aucun critique n’a cru sérieusement à l’authenticité de ces lettres.

Une autre remarque, plus délicate peut-être, mais non moins probante, ressort de l’examen de ces lettres. L’ionisme n’y est pas semblable à celui d’Hippocrate. Ainsi on y lit : ἐθωύμασα ; or ce mot appartient à l’ionisme d’Hérodote. Le rédacteur a cru bien faire en prenant les formes ioniennes les plus tranchées, sans se douter que l’ionien d’Hippocrate n’était pas exactement celui d’Hérodote. Il a été, dans l’usage du dialecte, plus rigoureux que le médecin de Cos ; son archaïsme a dépassé les limites ; il a fait comme un homme qui, écrivant de nos jours dans le style du 16e siècle, y mêlerait des formes usitées seulement dans l’époque précédente. Arétée, qui a écrit en ionien dans un temps où les grammairiens seuls s’en occupaient, a commis de perpétuelles fautes de ce genre.

3° La courte Lettre d’Hippocrate à son fils Thessalus, ne porte en soi rien qui en démontre la fausseté ; mais, à côté de tant de pièces apocryphes, il est permis, sans encourir le reproche de sévérité, de ranger également cette lettre dans la même catégorie.

Ajoutons qu’Érotien, qui ne pèche pas par un excès de rigueur dans la formation de sa liste des ouvrages qu’il regarde comme véritablement d’Hippocrate, ne dit pas un mot des Lettres.

4° La Supplication adressée aux Thessaliens[219] et le Discours d’ambassade[220] forment la dernière série de ces pièces ; elles sont relatives à une seule et même affaire, la guerre des Athéniens contre l’île de Cos. Dans la première, Hippocrate implore le secours des Thessaliens en faveur de sa patrie ; dans la seconde, Thessalus son fils prie les Athéniens de ne pas persévérer dans leurs desseins hostiles. Il faut remarquer qu’une histoire analogue est attribuée, dans Suidas, à Dexippe ou Dioxippe de Cos, disciple d’Hippocrate. Ce médecin, appelé par Hecatomnus roi de Carie, pour guérir ses enfants, Mausole et Pixodare, qui étaient dans un état désespéré, ne se rendit aux prières de ce prince qu’à la condition qu’il cesserait la guerre contre les habitants de Cos. Nous avons déjà vu que les biographes d’Hippocrate ont raconté touchant un amour secret du roi de Macédoine Perdiccas, une histoire toute semblable à celle qui est rapportée touchant Érasistrate et Seleucus. Les légendes aiment ces répétitions.

La Supplication et le Discours d’ambassade se supposant l’un l’autre, la fausseté de l’un entraîne la fausseté de l’autre. Or, il est vrai que la Supplication aux Thessaliens ne contient rien qui trahisse le faussaire ; mais le Discours d’ambassade fait mention des services rendus par Hippocrate à la Grèce, de son refus de secourir la Péonie et l’Illyrie, par où venait la peste, de l’envoi de ses disciples dans les différentes provinces, du triomphe qu’il obtenait sur l’épidémie à mesure qu’il arrivait dans les villes, enfin du conseil salutaire qu’il donna à Athènes. Or, nous savons par Thucydide qu’aucun médecin ne fit rien à Athènes contre la peste. L’âge d’Hippocrate ne lui permettait pas d’avoir des disciples et surtout des enfants qu’il pût envoyer dans les différents pays. Rien n’est plus fabuleux que de présenter un médecin comme réprimant, dès qu’il paraît, une maladie aussi violente. L’auteur du Discours fait venir la peste de l’Illyrie, par la Béotie ; or, Thucydide dit positivement qu’elle venait de l’Éthiopie, et qu’elle envahit l'Attique par le Pirée. Enfin, Thessalus assure qu’il alla dans le Péloponnèse s’opposer aux progrès de la peste ; or, ce même Thucydide nous apprend qu’elle pénétra à peine dans cette partie de la Grèce[221]. Ainsi, partout l’auteur de ces deux pièces est en contradiction avec la vraisemblance, l’histoire et les faits.

Cependant il n’est pas le même que celui qui a composé la correspondance avec Artaxerce ou avec Démocrite. Car il n’est pas question, dans la Supplication et le Discours d’ambassade, de la demande du roi des Perses, ni de la réponse d’Hippocrate. Ce sont les rois des Péoniens et des Illyriens qui sollicitent le secours, et c’est à eux que le médecin de Cos adresse son refus. Le conte populaire est ici autrement présenté ; le style en outre est différent ; et il paraît que, dans l’antiquité, ces pièces ont ou plus de créance ; car Érotien les cite comme étant d’Hippocrate, et Varron en a fait usage. Ainsi, chose qui est assez curieuse pour l’histoire des légendes sacrées ou profanes et à laquelle on n’a pas pris garde, la légende relative au rôle d’Hippocrate dans la peste, est véritablement double ; d’un côté il est mis en rapport avec les rois des Péoniens et des Illyriens, de l’autre avec le roi de Perse ; et ces deux versions d’un même conte traditionnel n’en ont pas moins été rapprochées l’une de l’autre ! Cependant il paraît qu’Érotien en avait reconnu l’incompatibilité ; car, admettant le Discours d’ambassade, il a exclu de sa liste les Lettres où interviennent Artaxerce et Démocrite.

En définitive, rien de plus certain que la fausseté de ces deux Discours ainsi que des Lettres et du Décret qui sont relatifs à Hippocrate.

TABLEAU SERVANT DE RÉSUMÉ.

Première classe. Écrits d’Hippocrate : de l’Ancienne médecine ; le Pronostic ; les Aphorismes ; les Épidémies, 1eret 3e livres ; du Régime dans les maladies aiguës ; des Airs, des Eaux et des Lieux ; des Articulations ; des Fractures ; des Instruments de réduction ; à ce traité était joint dans l’antiquité un opuscule sur les veines (Περὶ φλεβῶν), dont j’ai parlé à propos du livre de la Nature des os ; le Serment ; la Loi.

Deuxième classe. Écrits de Polybe ; de la Nature de l’homme ; du Régime des gens en santé.

Troisième classe. Écrits antérieurs à Hippocrate : Prénotions de Cos ; 1er livre du Prorrhétique.

Quatrième classe. Écrits de l’école de Cos, de contemporains ou de disciples d’Hippocrate : des Ulcères ; des Fistules et des hémorrhoïdes ; du Pneuma ; des Régions dans l’homme ; de l’Art ; du Régime et des Songes ; des Affections ; des Affections internes ; des Maladies, 1er, 2e et 3e livres ; de la Naissance à sept mois ; de la Naissance à huit mois.

Cinquième classe. Livres qui ne sont que des extraits ou des notes : Épidémies, 2e, 4e 5e, 6e et 7e livres ; de l’Officine du médecin ; des Humeurs ; de l’Usage des liquides.

Sixième classe. Traités qui, appartenant à un même auteur, forment une série particulière dans la Collection : de la Génération ; de la Nature de l’enfant ; des Maladies, 4e livre ; des Maladies des femmes ; des Maladies des jeunes filles ; des Femmes stériles.

Septième classe. Écrit appartenant peut-être à Léophanès : de la Superfétation.

Huitième classe. Traités qui, soit parce qu’ils contiennent la connaissance du pouls, soit parce qu’ils admettent le système d’Aristote sur l’origine des vaisseaux sanguins dans le cœur, soit parce qu’ils ont été déclarés postérieurs aux autres par les critiques anciens, doivent être regardés comme les plus récents dans la Collection hippocratique : du Cœur ; de l’Aliment ; des Chairs ; des Semaines ; Prorrhétique, 2e livre ; des Glandes ; un fragment compris dans la compilation intitulée de la Nature des os.

Neuvième classe. Traités, fragments ou compilations non cités par les critiques de l’antiquité : du Médecin ; de la Conduite honorable ; les Préceptes ; de l’Anatomie ; de la Dentition ; de la Nature de la femme ; l’Excision du fœtus ; 8e section des Aphorismes ; de la Nature des os ; des Crises ; des Jours critiques ; des Médicaments purgatifs.

Dizième classe. Notice des écrits perdus : des Blessures dangereuses ; des Traits et blessures ; 1er livre des Maladies le petit.

Onzième classe. Pièces apocryphes : Lettres et Discours.

Le tableau qui précède est le résumé d’un long travail auquel le lecteur a assisté, et dont le but et le résultat sont une classification des œuvres renfermées dans la Collection hippocratique. Quelques mots suffiront maintenant pour faire comprendre ce que j’appellerai le système de ma classification.

Tout mon système consiste à avoir essayé de ranger, suivant les auteurs et suivant les temps, les différents livres de la Collection. Le premier point fixe à trouver, dans un assemblage de traités qui portent le nom d’Hippocrate, a été de reconnaître ce qui devait être considéré comme appartenant à Hippocrate lui-même ; cela fait, une comparaison des livres de ce médecin avec certains livres de la Collection, a montré que, parmi ces derniers, les uns étaient antérieurs à Hippocrate puisqu’ils avaient servi de matériaux à quelques-uns de ses ouvrages, et les autres, postérieurs, puisqu’ils, en présentaient des lambeaux et des extraits textuels. De là sont nées des catégories très distinctes et très naturelles.

Le même système m’a conduit à mettre à part un livre que le témoignage d’Aristote attribue positivement à Polybe, et un autre livre qui peut-être doit, par une raison semblable, être regardé comme venant de Léophanès. Enfin, dans cette recherche des auteurs différents de la Collection hippocratique, il a été facile de reconnaître une série considérable d’ouvrages qui appartiennent à un même homme, et cet homme, qui n’est pas Hippocrate, est d’ailleurs inconnu.

Hors de ces classes se sont trouvés beaucoup de livres ; et là il a bien fallu laisser incertain ce qui n’était pas susceptible d’une détermination précise ou seulement probable, et attribuer en bloc à l’école de Cos, aux disciples d’Hippocrate, bon nombre de traités qui portent des traces incontestables de doctrines communes et à peu près contemporaines. Cette classe est, si je puis ainsi parler, un résidu réfractaire aux moyens d’analyse que j’ai employés ; et la seule communauté qui réunit ces livres et qui m’a déterminé à en faire une catégorie à part, c’est l’impossibilité où j’ai été de leur assigner une époque, un auteur, en un mot, un caractère qui eût quelque précision.

Mais là où j’ai reconnu des marques incompatibles avec l’époque même d’Hippocrate, là où il a été démontré que les auteurs étaient des médecins appelés par Galien hippocratiques postérieurs, là, dis-je, j’ai trouvé une raison décisive de faire une classe séparée ; la différence de date a motivé suffisamment une pareille distinction.

Il ne m’est plus demeuré alors qu’un certain nombre d’opuscules qui avaient tous une condition commune, c’était de n’avoir été mentionnés par aucun des critiques anciens qui sont parvenus jusqu’à nous. Je ne pouvais faire autrement que de les réunir ensemble ; car ce silence des anciens critiques prouvait qu’ils ne les avaient pas estimés ou qu’ils ne les avaient pas connus. Un examen attentif m’a montré que ces deux propositions étaient véritables à la fois : parmi les opuscules en question, les uns sont véritablement antiques, mais Érotien et Galien, par une raison ou par une autre, n’en ont fait aucune mention, et les autres ont été ignorés d’eux, puisque ce sont des compilations rédigées postérieurement avec des lambeaux hippocratiques.

Si j’ai mis à part les écrits perdus, c’est qu’il n’y avait aucun moyen de les discuter, et qu’il est commode pour le lecteur de les avoir tous réunis sous un même coup d’œil. Enfin, personne ne s’étonnera que j’aie séparé toutes les pièces non médicales et manifestement apocryphes.

On voit que, dans cette classification, rien n’est donné à l’arbitraire, tout repose sur un point essentiel, et, ce point admis, le reste en découle par voie de conséquence : c’est qu’il existe, dans la Collection, certains livres qui sont d’Hippocrate lui-même, et qu’il est possible de désigner positivement ces livres. Il a donc été de la plus haute importance pour toute cette œuvre de critique, de déterminer à quoi répond le témoignage de Platon, de trouver celui de Ctésias, d’enregistrer ceux de Dioclès et d’Hérophile. En effet, la part d’Hippocrate étant faite, on obtient sur le champ le moyen de reconnaître parmi la Collection quelques écrits qui lui sont antérieurs, et d’autres qui lui sont postérieurs.

Quand il n’est pas possible d’assigner l’auteur, c’est beaucoup de pouvoir assigner une date relative. En effet, la classification que j’ai tentée offre, par l’arrangement seul, un tableau qui embrasse les temps immédiatement antérieurs à Hippocrate, et qui s’étend après lui jusqu’à l’époque d’Aristote. Cela est un résultat inattendu et certainement avantageux de cette classification.

De la sorte, la Collection hippocratique prend une physionomie nouvelle et plus régulière. Ce qui est vraiment d’Hippocrate est mis en première ligne ; c’est la partie la plus solidement établie, et tout le reste s’y appuie. En même temps on voit ce qu’a été la Collection hippocratique dans l’antiquité ; on reconnaît les pertes que nous avons faites, on distingue les livres que les anciens critiques n’ont pas cités ; et en même temps elle se trouve purgée de plusieurs compilations qui n’y ont pas été comprises jadis et qui ne méritent pas d’être conservées. C’est beaucoup de pouvoir éliminer avec sûreté ces pièces qui la déparent.

En définitive, par ce dernier travail sur chacun des livres de la Collection hippocratique, travail qui est un des résultats principaux de mon Introduction, et qui a donné pour terme la classification ici présentée, il demeure établi que la Collection est un débris précieux de la plus antique médecine grecque ; que plusieurs mains y ont coopéré ; que des époques rapprochées, mais différentes, y sont représentées ; et que, toute déduction faite, elle renferme des livres marqués d’une empreinte de génie assez vive, et d’un caractère d’authenticité assez certain pour que la postérité connaisse et admire Hippocrate dans ses œuvres.

  1. Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς.
  2. ΣΩ : Ψυχῆς οὖν φύσιν ἀξίως λόγου κατανοῆσαι οἴει δυνατὸν εἶναι ἄνευ τῆς τοῦ ὅλου φύσεως ; ΦΑΙ : Εἰ μὲν Ἱπποκράτει γε τῷ τῶν Ἀσκληπιαδῶν δεῖ τι πειθέσθαι, οὐδὲ περὶ σώματος ἄνευ τῆς μεθόδου ταύτης. ΣΩ : Καλῶς γὰρ, ὦ ἑταῖρε, λέγει. Χρὴ μέντοι πρὸς τῷ Ἱπποκράτει τὸν λόγον ἐξετάζοντα, σκοπεῖν εἰ συμφωνεῖ. ΦΑΙ : Φημί. ΣΩ : Τὸ τοίνυν περὶ φύσεως σκόπει τί ποτε λέγει Ἱπποκράτης τε καὶ ὁ ἀληθὴς λόγος. Ἆρ᾽ οὐχ ὧδε χρὴ διανοεῖσθαι περὶ ὁτουοῦν φύσεως ; πρῶτον μέν, ἁπλοῦν ἢ πολυειδές ἐστιν, οὗ πέρι βουλησόμεθα εἶναι αὐτοὶ τεχνικοὶ καὶ ἄλλους δυνατοὶ ποιεῖν, ἔπειτα δέ, ἐὰν μὲν ἁπλοῦν ᾖ, σκοπεῖν τὴν δύναμιν αὐτοῦ, τίνα πρὸς τί πέφυκεν εἰς τὸ δρᾷν ἔχον ἢ τίνα εἰς τὸ παθεῖν ὑπό του ; ἐὰν δὲ πλείω εἴδη ἔχῃ, ταῦτα ἀριθμησάμενος, ὅπερ ἐφ᾽ ἑνὸς, τοῦτ᾽ ἰδεῖν ἐφ᾽ ἑκάστον, τὸ, τί ποιεῖν αὐτὸ πέφυκεν, ἢ, τὸ τί παθεῖν ὑπό του. Platon, tome VIII, p. 62, Éd. Tauchn.
  3. Gal., t. v, p. 2, Éd. Basil.
  4. Ὅστις μὲν εἴωθεν ἀκούειν λεγόντων ἀμφὶ τῆς φύσιος τῆς ἀνθρωπίνης προσωτέρω ἢ ὁκόσον αὐτέης ἐς ἰητρικὴν ἀφήκει, τουτέῳ μὲν οὐκ ἐπιτήδειος ὅδε ὁ λόγος ἀκούειν. De Nat. hum., p. 19, Éd. Basil.
  5. Φημὶ δὲ δεῖν τὸν μέλλοντα ὀρθῶς ξυγγράφειν περὶ διαίτης ἀνθρωπίνης, πρῶτον μὲν παντὸς φύσιν ἀνθρώπου γνῶναι καὶ διαγνῶναι· γνῶναι μὲν, ἀπὸ τίνων συνέστηκεν ἐξ ἀρχῆς· διαγνῶν δὲ, ὑπὸ τίνων μερῶν κεκράτηται. Εἰ μὴ γὰρ τὴν ἐξ ἀρχῆς σύστασιυ ἐπιγνώσεται, καὶ τὸ ἐπικρατέον ἐν τῷ σώματι, οὐχ οἷός τε εἴη τὰ ξυμφέροντα τῷ ἀνθρώπῳ προσενεγκεῖν· ταῦτα μὲν οὖν χρὴ γινώσκειν τὸν ξυγγράφοντα· μετὰ δὲ ταῦτα, σίτων καὶ ποτῶν ἁπάντων, οἷσι διαιτώμεθα, δύναμιν ἥν τινα ἕκαστα ἔχει, καὶ τὴν κατὰ φύσιν, καὶ τὴν δι’ ἀνάγκην καὶ τέχνην ἀνθρωπίνην… Γνόντι δὲ τὰ εἰρημένα οὔκω αὐτάρκης ἡ θεραπείη τοῦ ἀνθρώπου, διότι οὐ δύναται ἐσθίων ὁ ἀνθρωπος ὑγιαίνειν, ἢν μὴ καὶ πονέῃ· ὑπεναντίας μὲν γὰρ ἀλλήλοισιν ἔχει τὰς δυνάμεις σιτία καὶ πόνοι… Καὶ οὐ μόνον ταῦτα, ἀλλὰ καὶ τὰς συμμετρίας, τά τε μέτρα τῶν πόνων πρὸς τὸ πλῆθος τῶν σιτίων καὶ τὴν φύσιν τοῦ ἀνθρώπου, καὶ τὰς ἡλικίας τῶν σωμάτων, καὶ πρὸς τὰς ὥρας τοῦ ἐνιαυτοῦ, καὶ πρὸς τὰς μεταβολὰς τῶν πνευμάτων, καὶ πρὸς τὰς θέσεις τῶν χωρίων ἐν οἷσι διαιτέονται, πρὸς τε τὴν κατάστασιν τοῦ ἐνιαυτοῦ. Ἄστρων τε ἐπιτολὰς καὶ δύσιας γινώσκειν δεῖ ὅκως ἐπίστηται τὰς μεταβολὰς καὶ ὑπερβολὰς φυλάσσειν, καὶ σιτίων, καὶ πόνων, καὶ πνευμάτων, καὶ τοῦ ὅλου κόσμου, ἐξ ὧν περ αἱ νοῦσοι τοῖσιν ἀνθρώποισι φύονται. Du Régime, liv. Ι, au commencement.
  6. Λέγουσι δέ τινες καὶ ἰητροὶ καὶ σοφισταὶ ὡς οὐκ ἔνι δυνατὸν ἰητρικὴν εἰδέναι ὅστις μὴ οἶδεν ὅ τι ἐστὶν ἄνθρωπος · ἀλλὰ τοῦτο δεῖ καταμαθεῖν τὸν μέλλοντα ὀρθῶς θεραπεύσειν τοὺς ἀνθρώπους. Τείνει δὲ αὐτοῖς ὁ λόγος ἐς φιλοσοφίαν, καθάπερ Ἐμπεδοκλῆς ἢ ἄλλοι οἳ περὶ φύσιος γεγράφασιν ἐξ ἀρχῆς ὅ τι ἐστὶν ἄνθρωπος, καὶ ὅπως ἐγέτο πρῶτον, καὶ ὁπόθεν συνεπάγη. Ἐγὼ δὲ τουτέων μὲν ὅσα τινὶ εἴρηται σοφιστῇ ἢ ἰητρῷ, ἢ γέγραπται περὶ φύσιος, ἧσσον νομίζω τῇ ἰητρικῇ τέχνῃ προσήκειν ἢ τῇ γραφικῇ. Νομίζω δὲ περὶ φύσιος γνῶναί τι σαφὲς οὐδαμόθεν ἄλλοθεν εἶναι ἢ ἐξ ἰητρικῆς· τοῦτο δὲ οἷόν τε καταμαθεῖν, ὅταν αὐτήν τις τὴς ἰητρικὴν ὀρθῶς πᾶσαν περιλάβῃ· μέχρι δὲ τουτέου, πολλοῦ μοι δικέει δεῖν· λέγω δὲ τὴν ἱστορίην ταύτην εἰδέναι ἄνθρωπος τί ἐστι, καὶ δι’οἴας αἰτίας γίνεται, καὶ τἄλλα ἀκριβέως. Ἐπεί τοί γέ μοι δοκέει ἀναγκαῖον εἶναι παντὶ ἰητρῷ περὶ φύσιος εἰδέναι, καὶ πάνυ σπουδάσαι, ὡς εἴσεται, εἴπερ τι μέλλει τῶν δεόντων ποιήσειν, ὅ τι ἐστὶν ἄνθρωπος πρὸς τὰ ἐσθιόμενα καὶ πινόμενα, καὶ ὅ τι πρὸς τἄλλα ἐπιτηδεύματα, καὶ ὅ τι ἀφ’ἑκάστου ἑκαστῳ συμβήσεται.

    Ceux qui compareront ce texte avec le texte ordinaire y trouveront de très grandes différences. Je ne l’ai admis tel qu’il est là que sur l’autorité d’un manuscrit. La lacune très importante et non soupçonnée que ce manuscrit m’a permis de faire disparaître, est une des bonnes fortunes qui ont récompensé le labeur, continué pendant plusieurs années, de la collation de tous les manuscrits hippocratiques que renferme la Bibliothèque royale de Paris.

  7. Ὁποσοι θερμὸν καὶ ψυχρὸν ἢ τινε δύο τοιούτω τὰ πάντ’εἶναί φατε… Tome ii, p. 41, Éd. Tauch.
  8. Ὁκόσοι… ὑπόθεσιν σφίσιν αὐτέοισιν ὑποθέμενοι τῷ λόγῳ θερμὸν, ἢ ψυχρὸν, ἢ ὑγρὸν, ἢ ξηρὸν, ἢ ἄλλ’ὅτι ἂν ἐθέλωσιν… τὴν ἀρχὴν τῆς αἰτίης τοῖσιν ἀνθρώποισι τῶν νούσων τε καὶ τοῦ θανάτου καὶ πᾶσι τὴν αὐτὴν, ἓν ἢ δύο προθέμενοι. De Vet. Med., p. 4, Éd. Frob.
  9. Εἰ δέ τις τῶν ἰδιωτέων γνώμης ἀποτεύξεται, καὶ μὴ διαθήσει τοὺς ἀκούοντας, οὗτος τοῦ ἐόντος ἀποτεύξεται. P. 5, Éd. Frob.
  10. Τῷ κάμνοντι κοινούμενος αὐτῷ τε καὶ τοῖς φίλοις, ἅμα μὲν αὐτὸς μανθάνει τὶ παρὰ τῶν νοσούντων, ἅμα δὲ καθόσον οἷός τε ἐστὶ διδάσκει τὸν ἀσθενοῦντα· καὶ οὐ πρότερον ἐπέταξε πρὶν ἄν πη ξυμπείσῃ). De Leg., A, tome vi, p. 134, Éd. Tauch.
  11. Νοσοῦντι διαλεγόμενον ἰατρὸν, καὶ τοῦ φιλολοφεῖν ἐγγὺς χρώμενον μὲν τοῖς λόγοις, ἐξ ἀρχῆς τε ἁπτόμενον τοῦ νοσήματος, περὶ φύσεως πάσης ἐπανιόντα τῆς τῶν σωμάτων. De Leg., 9, tome vi, p. 317, Éd. Tauch.
  12. Vers l’an 500 avant J.-C.
  13. Ἀλκμαίων τῆς μὲν ὑγείας εἶναι συνεκτικὴν ἰσονομίαν τῶν δυνάμεων, ὑγροῦ, θερμοῦ, ξηροῦ, ψυχροῦ, πικροῦ, γλυκέος, καὶ τῶν λοιπῶν· τὴν δ’ ἐν αὐτοις μοναρχίαν, νόσου ποιητικήν· φθοροποιόν γὰρ ἑκατέρου μοναρχίαν. Plut. De Plac. Philos., tome v, p. 314, Éd. Tauchn.
  14. Τοῦτο δὲ, ἢν ἀριστῇν μεμαθηκώς τις, καὶ οὕτως αὐτέῳ ξυμφέρον, μὴ ἀριστήσῃ, ὅταν ταχιστα παρέλθῃ ἡ ὥρη, εὐθὺς ἀδυναμίη δεινὴ, τρόμος, ἀψυχίη · ἐπὶ τούτοισιν ὀφθαλμοὶ χλορώτεροι, οὖρον παχὺ καὶ θερμὸν, στόμα πικρὸν, καὶ τὰ σπλάγχνα οἱ δοκέει κρεμᾶσθαι· σκοτοδινίη, δυσθυμίη. Ταῦτα δὲ πάντα, καὶ ὅταν δειπνεῖν ἐπιχειρήσῃ, ἀηδέστερος μὲν ὁ σίτος, ἀναλίσκειν δὲ οὐ δύναται ὅσα ἀριστιζόμενος πρότερον ἐδείπνει. Ταῦτα δὲ αὐτὰ μετὰ στρόφου τε καὶ ψόφου καταβαίνοντα συγκαίει τὴν κοιλίην, δυσκοιτέουσί τε καὶ ἐνυπνιάζονται τεταραγμένα καὶ θορυβώδεα. Page 7, Éd. Froben. Seulement j’ai corrigé, d’après les manuscrits, les fautes énormes qui déparent ce passage dans toutes les éditions.
  15. Ἀλλὰ μὴν καὶ οἱ μεμαθηκότες δὶς σιτέεσθαι τῆς ἡμέρης, ἢν μὴ ἀριστήσωσιν, ἀσθενέες, καὶ ἄῤῥωστοι, καὶ δειλοὶ ἐς πᾶν ἔργον, καὶ καρδιαλγέες· κρεμᾶσθαι γὰρ δοκέει τὰ σπλάγχνα αὐτέοισι· καὶ οὐρέουσι θερμὸν καὶ χλωρόν· καὶ ἡ ἄφοδος ξυγκαίεται· ἔστι δ’ οἶσι καὶ τὸ στόμα πικραίνεται, καὶ οἱ ὁφθαλμοὶ κοιλαίνονται· καὶ οἱ μὲν πλεῖστοι τῶν ἀνηριστηκότων οὐ δύνανται κατεσθίειν τὸ δεῖπνον· δειπνήσαντες δὲ βαρύνουσι τὴν κοιλίην, καὶ δυσκοιτέουσι πολὺ μᾶλλον ἢ εἰ προηριστήκεισαν. Page 371, Éd. Frob.
  16. Ταῦτα τοιαῦτα γίνεται τοῖσιν ὑγιαίνουσιν ἕνεκεν ἡμίσεος ἡμέρης διαίτης μεταβολῆς. Page 371, Éd. Frob.
  17. Ξυμβαίνει… παρ’ ἡμέρην μίην, καὶ ταύτην οὐχ ὄλην μεταβάλλουσιν, ὑπερφυσὴς κακοπαθείη. Page 7, Éd. Froben. Cette édition, comme toutes les autres sans exception, a οὐ σχολῇ, au lieu de οὐχ ὅλην ; οὐ σχολῇ ne peut se comprendre ; cette leçon vicieuse est aussi dans tous les manuscrits, excepté dans 2253 ; et il est remarquable combien cette restitution si heureuse concourt avec le texte du livre sur le Régime des maladies aiguës, qui, au lieu de οὐχ ὅλην, a ἡμίσεος. Ce qui en est l’exacte reproduction, avec cette différence que c’est un auteur qui répète sa pensée, sans la recopier textuellement.
  18. Page 8, Éd. Frob., sauf les corrections que m’ont données les manuscrits.
  19. Page 372, Éd. Frob.
  20. Εἰ γάρ τις ἕλκος λαβὼν ἐν κνήμῃ, μήτε λίην ἐπίκαιρον, μήτε λίην εὔηθες ὄν. Page 373, Éd. Frob.
  21. Ἀνὴρ γὰρ κάμνων νοσήματι μήτε τῶν χαλεπῶν τε καὶ ἀφόρων, μήτ’αὖ τῶν παντάπασιν εὐηθέων. Page 6, Éd. Frob.
  22. Πολλὰ δὲ εἴδεα κατ’ἰητρικὴν ἐς τοσαύτην ἀκριβίην ἥκει περὶ ὧν εἰρήσεται. Page 7, Éd. Frob.
  23. Οὐδὲ γὰρ τῶν τοιουτέων ὁρέω ἐμπείρους τοὺς ἰητροὺς, ὡς χρὴ διαγινώσκειν τὰς ἀσθενείας ἐν τῇσι νούσοισιν, αἵ τε διὰ κενεαγγείην ἀποτελοῦνται, αἴ τε διὰ ἄλλον τινὰ ἐρεθισμὸν, αἵ τε διὰ πόνον καὶ ὑπὸ ὀξύτητος τῆς νούσου. Page 373, Éd. Frob.
  24. Προγνωστικόν.
  25. Ἀφορισμοί.
  26. Λέγει ὅτι ὅσα νοσήματα τοῖς ἰδίοις σύμφωνα συστοίχοις ἥττονα ἔχει κίνδυνον· καὶ ἀπορεῖ ὁ Διοκλῆς, πρὸς τὸν Ἱπποκράτην λέγων· Τί φῂς, ὡ Ἱππόκρατες ; ὁ καῦσος ὧτινι ἕπεται ζέσις, διὰ τὴν ποιότητα τῆς ὕλης, καὶ δίφος ἀφόρητον, καὶ ἀγρυπνία, καὶ τὰ τοιαῦτα, ὅσα ἐν θέρει ἐστὶν, ἐπιεικέστερος διὰ τὴν τῶν συστοίχων ὥραν ἐστιν, ὅτε πάντα τὰ κακὰ ἐπιτείνεται, ἢ ἐν τῷ χειμῶνι, ἡνίκα τὸ σφοδρὸν τῆς κινήσεως κολάζεται, καὶ τὸ δριμὺ ἀμβλύνεται, καὶ τὸ ὅλον νόσημα ἠπιώτερον καθίσταται. Schol. in Hipp., Éd. Dietz, t. II, p. 326.
  27. Τὸ δ’ ἐναντίον ὑπὸ Διοκλέους εἴρηται κἀν τῷ Περὶ ἑβδομάδων, ὑπολαβόντων, ὡς εἴρηται, τῶν γραψάντων ἀνδρῶν, αὐτὰ παροξύνεσθαι μὲν ὑπὸ τῶν ὁμοίων τὰ νοσήματα, λύεσθαι δὲ ὑπὸ τῶν ἐναντίων, ἐπειδὴ πρὸς αὐτοῦ τοῦ Ἱπποκράτους τὰ ἐναντία τῶν ἐναντίων ἰάματα. Νομίζουσιν οὖν ἐν χειμῶνι συστάντα καῦσον εὐιατότερον εἶναι τοῦ κατὰ τὸ θέρος. Tome v, p. 247, Éd. Basil.
  28. Μέγιστον τοίνυν σημεῖον ἐν τοῖσι μέλλουσι τῶν καμνόντων βιώσασθαι, ἐὰν μὴ παρὰ φύσιν ᾖ ὁ καῦσος, καὶ τἄλλα δὲ νουσήματα ὡσαύτως· δεύτερον δὲ, ἐὰν μὴ αὐτή τε ἡ ὥρη νουσήματι ξυμμαχήσῃ· ὡς γὰρ ἐπὶ τὸ πολὺ οὐ νικᾷ ἡ τοῦ ἀνθρώπου φύσις τὴν τοῦ ὅλου δύναμιν.
  29. Ἐν τῇσι νούσοισιν ἧσσον κινδυνεύουσιν οἷσιν ἂν οἰκείη τῆς φύσιος καὶ τῆς ἡλικίης καὶ τῆς ἔξιος καὶ τῆς ὥρης ἡ νοῦσος ᾖ μᾶλλον, ἢ οἷσιν ἂν μὴ οἰκείη κατά τι τούτων.
  30. Ἐὰν μὴ παρὰ φύσιν ᾖ ὁ καῦσος.
  31. Ἐπιδημιῶν α′ καὶ γ′.
  32. Ἱπποκράτους εἶναι τοῦ μεγάλου σχεδὸν ἅπασιν ὡμολόγηται τό τε πρῶτον καὶ τὸ τρίτον. Tome iii, p. 181, Éd. Basil.
  33. Δύο δ’ εἶναι τοῦ μεγάλου Ἱπποκράτους, καὶ ἐπιγεγράφθαι γέ που διὰ τοῦτο τὰ ἐκ τοῦ μικροῦ πινακιδίου. Gal., t. iii, p. 181, Éd. Basil.
  34. Οὐκ οἶδ’ ὅπως ἐδυστύχησε καὶ τοῦτο τὸ βιβλίον, ὥσπερ καὶ ἄλλα πολλὰ τῶν Ἱπποκράτους, τὰ μὲν ἄλλως διεσκευασμένα, τὰ δὲ τοῖς ὑπ’ αὐτοῦ γεγραμμένοις παρακείμενόν τι ἔχοντα. Tome v, p. 399, Éd. Basil.
  35. Ἴσως δέ τινος αὑτῷ μόνῳ πεποιημένου τὴν καθ’ ἕκαστον ἄῤῥωστον ὠφελείας ἐπιτομήν. Tome v, p. 399, Éd. Basil.
  36. Τοσοῦτον προειπόντες ὡς φαίνεταί μοι καὶ ταῦτα προσγεγραφέναι τις ἕτερος, οὐκ αὐτὸς ὁ Ἱπποκράτης γεγραφέναι. Tome v, p. 431, Éd. Basil.
  37. Περὶ διαίτης ὀξέων. — Ce livre a porté plusieurs titres : Πρὸς τὰς κνιδίας γνώμας suivant quelques-uns, d’après Galien, t. iii, p. 188 ; Περὶ πτισάνης dans la liste d’Érotien ; Περὶ διαίτης, Athen. Deipnos. II, 16, p. 57, Éd. Casaub., et Gal. in Comm. de hum., t. xvi, p. 169, Éd. Kühn.
  38. Tome v, p. 87, Éd. Basil.
  39. Deipnos, II, 16, p. 57, Éd. Casaub.
  40. Τοῦτο τὸ βιβλίον, εἰ καὶ μὴ Ἱπποκράτους ἐστὶ σύγγραμμα, παλαιὸν γοῦνἐστιν, ὡς κατὰ τοὺς Ἐρασιστράτου χρόνους ἤδη προσκεῖσθαι τῷ γνησίῳ. Tome v, p. 89, Éd. Basil.
  41. Galien, t. v, p. 47, Éd. Basil.
  42. Galien, t. v, p. 85, Éd. Basil.
  43. Ὤσπερ πάλιν οἱ λιμοκτονεῖν αὐτὸν εἰπόντες. Galien. t. v, p. 50, Éd. Basil.
  44. Διελθὼν γὰρ ἐν τῷ προειρημένῳ βιβλίῳ τοὺς ἐναντιωτάταις ἀγωγαῖς ἐπὶ τῶν πυρεττόντων χρωμένους ἰατροὺς, τούς τε μακραῖς ἀσιτίαις καταπονοῦντας τοὺς κάμνοντας, καὶ Πετρωνᾶν τὸν κρέα τε καὶ οἶνον διδόντα. Galien, t. v, p. 40, Éd. Basil.
  45. Περὶ ἀέρων, ὑδάτων καὶ τόπων. — Autres titres de ce livre : Περὶ τόπων καὶ ὡρῶν, Érotien ; Περὶ τόπων, Athénée, p. 46, Éd. Casaub. Περὶ ὑδάτων καὶ τόπων, Palladius, Comm. in Libr. de Fract. ap. Focs., p. 147, Sect. VI.
  46. Pol., t. ii, p. 41, trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire. Paris, 1837.
  47. Περὶ ἄρθρων.
  48. Ἀνέλκειν τὴν κλίμακα ἢ πρὸς τύρσιν τινὰ ὑψηλὴν ἢ πρὸς ἀέτωμα οἴκου. P. 485, Éd. Basil.
  49. Καὶ ὁ Διοκλῆς Καρύστιος, ταύτην τὴν νῦν εἰρημένην λέξιν παραφράζων ἐν τῷ Περὶ ἐπιδέσμων βιβλίῳ, κατὰ τόνδε τὸν τρόπον ἔγραψεν· ἀνέλκειν δὲ τὴν κλίμακα πρὸς πύργον ὑψηλὸν ἢ οἰκίας ἀετόν. T. v, p. 615, Éd. Basil.
  50. Ἐν ά, σκήνη, ἢ πύργος, ἢ προμαχών. Érot., Glossaire, p. 364, Éd. Franz.
  51. Bd. III, S. 565.
  52. Page 78, Éd. Frob.
  53. Page 490, Éd. Frob.
  54. Περὶ ἀγμῶν.
  55. Tome v, p. 578, Éd. Basil.
  56. Μοχλικόν.
  57. Τοῦ Μοχλικοῦ ὄντος τῶν ὁμολογουμένων Ἱπποκράτους βιβλίων. T. v, p. 170, Éd. Basil.
  58. Παραστάτας· τὰς ἐπιδιδυμίδας ἐν τῷ Περὶ φλεβῶν ὃ πρόσκειται τῷ Μοχλικῷ. Glossaire, au mot παραστάτας.
  59. Περὶ τῷν ἐν κεφαλῇ τρωμάτων.
  60. Gal., t. v, p. 87.
  61. Ὅρκος.
  62. Si quando autem is (calculus) major non videtur, nisi rupta cervice, extrahi posse, findendus est : cujus repertor Ammonius ob id λιθοτόμος cognominatus est. L. VII, 26.
  63. Καθάπερ οἱ ἐλεύθεροι (ἰατροὶ), αὐτοί τε μεμαθήκασιν οὕτω, τούς τε αὐτῶν διδάσκουσι παῖδας. De Leg., IV, t. VI, p. 134.
  64. Νόμος.
  65. Περὶ φύσιος ἀνθρώπου.
  66. Page 23, Éd. Frob.
  67. Ἀλλ’ ὅτι μὲν οὐκ ἔστι γνήσιος οὔθ Ἱπποκράτους, οὔτε Πολύβου τῶν εἰρημένων φλεβῶν ἡ ἀνατομὴ, καὶ πρὸ ἡμῶν ἑτέροις ἀποδέδεικται, καὶ ἡμεῖς δ’ ἂν (εἰ θεὸς δοίη ποτὲ περὶ τῶν γνησίων Ἱπποκράτους συγγραμμάτων πραγματεύσασθαι) διὰ πλειόων ἐπιδείξομεν ἥτις ἐστὶν Ἱπποκράτους γνώμη περὶ φλεβῶν ἀρχῆς. Tome I, p. 300, Éd. Basil.
  68. Pages 22 et 23, Éd. Frob
  69. Ἅτε, οὐ ταχέως ἐκραγέντων τῶν φυμάτων, πῶροι συνετράφησαν ἐκ τοῦ πύου. Page. 24, Ed. Frob.
  70. Σηπόμενον δὲ γίνεται τὸ αἷμα ἐν τῷ σώματι πύον, ἐκ δὲ τοῦ πύου πῶρος. Hist. Anim., lib. III, c. 19.
  71. Περὶ διαίτης ὑγιεινῆς.
  72. Περὶ φύσιος ἀνθρώπου καὶ διαίτης. Tome V, p. 447, Éd. Bas.
  73. Gal., t. v, p. 29, Éd. Bas.
  74. Κωακαὶ προγνώσεις. — Προῤῥητικὸν, α’.
  75. Tome II, pag. 508.
  76. Specimen historico-medicum inaugurale de Hippocratis doctrina a prognostice oriunda. Leyde 1832.
  77. Περὶ ἑλκῶν.
  78. Περὶ συρίγγων.
  79. Περὶ αἱμοῤῥοΐδων.
  80. Περὶ ἱερῆς νούσου.
  81. Οὐ γνήσιον Ἱπποκράτους, ἀξιολόγου δὲ ἀνδρὸς φησὶν ὁ Γαληνὸς καὶ κατὰ τὴν ἑρμηνείαν καὶ κατὰ τὴν διάνοιαν. Ἱπποκράτους δὲ οὐδὲν ἐν αὐτῷ, οὔτε κατὰ τὸν πρότον τῆς ἑρμηνείας, οὔτε κατὰ τῆς διανοίας ἀκριβές.
  82. Περὶ πνευμάτων.
  83. Περὶ τόπων τῶν κατ’ ἄνθρωπον.
  84. Περὶ τέχνης.
  85. Τὰ μὲν γὰρ ὀνόματα φύσιος νομοθετήματά ἐστι. P. 1, Éd. Frob. — Καὶ οὐδαμῆ δυνάμεθα εὑρεῖν ἐφ’ ὅτῳ ποτὲ τῶν ὄντων ὅ νομοθέτης τοῦτο τοὔνομα ἔθετο, τὴν σωφροσύνην. Plat. Charra., tom. iv, p. 102, Éd. Tauch.
  86. Περὶ διαίτης, αʹ, βʹ, γʹ.
  87. Tome iv, p. 306, Éd. Bas.
  88. Gal., t. iv, p. 306, Éd. Bas.
  89. Περὶ ἐνυπνίων.
  90. Τούτοισι χρώμενος, ὡς γέγραπται, ὑγιαίνει τὸν βίον· καὶ εὕρηται μοι δίαιτα, ὡς δυνατὸν εὑρεῖν ἄνθρωπον ὄντα, ξὺν τοῖσι θεοῖσιν. P. 100, Éd. Frob.
  91. Περὶ παθῶν.
  92. T. v, p. 64, Éd. Bas.
  93. Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν.
  94. Τὸ μέγαλον περὶ παθῶν· τὸ μεῖζον περὶ παθῶν, περὶ ἐμπύων. Tome v, p. 306 et p. 614, Éd. Bas. En outre, dans son Glossaire, Galien le cite souvent sous le titre de Τὸ δεύτερον περὶ νούσων τὸ μεῖζον, aux mots ἄλφιτα, ἀνθίνην, ἀνωργισμένον, etc.
  95. Περὶ νούσων, α′, β′, γ′.
  96. Lib. III, Chron., cap. IV, p. 191. — Lib. III, Acut. morb., c. XVII, p. 240.
  97. Ἐν τῷ πρώτῳ Περὶ νούσων οὐκ ὀρθῶς ἐπιγραφομένῳ. T. V, p. 614, Éd. Basil.
  98. Τὸ πρῶτον περὶ νούσων τὸ μεῖζον – τὸ δεύτερον περὶ νούσων τὸ μεῖζον – τὸ πρῶτον περὶ νούσων τὸ μικρότερον – τὸ δεύτερον περὶ νούσων τὸ μικρότερον. Dans son Glossaire, passim.
  99. Μελιηδέα et μελίχρουν.
  100. Ἀναφέρειν – Καύσωμα – Μηλιάδα.
  101. Ἀθήρ.
  102. Ἐν γοῦν τῷ προσιμίῳ τοῦ καλῶς ἐπιγραφομένουι πρώτην Περὶ νούσων, ὡς ἐξ ἀνάγκης ἑπομένου τῷ ῥίγει τοῦ πυρετοῦ γέγραπται. T. v, p. 387, Éd. Basil. Il faut lire οὐ καλῶς et πρώτοῦ.
  103. Ἅλες, τὸ ἁλμυρὸν φλέγμα παρ’ Ἱπποκράτει ἐν τῷ πρώτῳ περὶ Νούσων καὶ ἐν τῷ δευτέρῳ. Erot., Gal. et Herod, Glossaria, p. 422, Éd. Franz.
  104. Tome V, p. 456, Éd. Basil.
  105. Περὶ ἑπταμήνου — Περὶ ὀκταμήνου.
  106. Lib. VI, Stromat., p. 756, trad. lat. Paris, 1566.
  107. De Plac. phil., lib. v, p. 307.
  108. Ἐπιδημιῶν β′, δ′, ε′, ς′, ζ′.
  109. Tome iii, p. 187, Éd. Basil.
  110. Bibl. med. pr. t. i, p. 77.
  111. Πρὸς ὃν ὁ Κυνικός εἰσήγαγέ με. P. 350, Éd. Frob.
  112. Page 328, Éd. Franz.
  113. De re med., liv. VIII, chap. 4.
  114. Institut. orat., liv. III, c. 6.
  115. De profect. in virt., c. XI, t. 1, p. 189, Éd. Tauch.
  116. Tome v, p. 442, Éd. Basil.
  117. Tome iii, p. 182, Éd. Basil.
  118. Κατ’ ἰητρεῖον.
  119. Περὶ χυμῶν.
  120. Tom. XVI, p. 198, Éd. Kühn.
  121. P. 166, Éd. Franz.
  122. P. 346, Éd. Franz
  123. Ὅτε δὲ καὶ ἐξανθήματα φοινικᾶ, οἷον φῶδες, περὶ θώρακά που γενόμενα. P. 338, Éd. Franz.
  124. Οὐδὲν ἄλλο τὴν κρίσιν, ὅ τι μὴ τὴν λύσιν ὀνομάζει τοῦ νοσήματος. Gal., t. iii, p. 439, Éd. Basil.
  125. Περὶ ὑγρῶν χρήσιος.
  126. Εἴρηται μὲν ἐπὶ πλέον ἔν τε τῷ Περὶ ὑγρῶν χρήσιος κὰν τοῖς Ἀφορισμοῖς, ὁποῖά τίς ἐστιν ἡ δύναμις τοῦ ψυχροῦ.. Tome v, p. 479, Éd. Basil. — Galien le cite encore (p. 287 du même tome), avec cette seule différence que l’ionisme n’est pas conservé : Περὶ ὑγρῶν χρήσεως.
  127. Ἐν τῷ Περὶ ὑδάτων Ἱπποκράτης καλεῖ τὸ χρηστὸν ὑδωρ πολύτιμον (πότιμον). Deipn., 11, p. 46, Éd. Casaub.
  128. Ὕδωρ ποτόν· ἁλμυρὸν, θάλασσα· ποτὸν μὲν κατ’ ἰητρεῖον κράτιστον. P. 112, Éd. Frob.
  129. La correction de πολύτιμον ne m’appartient pas. Elle est due à Casaubon, et, depuis lui, elle a été introduite dans les éditions d’Athénée.
  130. Περὶ γονῆς. — Περὶ φύσιος παιδίου. — Περὶ νούσων τὸ τέταρτον. — Περὶ γυναιϰείων α′, β′. — Περὶ παρθενίων. — Περὶ ἀφόρων.
  131. Ἀναβήσομαι δ’ αὖθις ὀπίσω εἰς τὸν λόγον ὃν ἔλεγον. P. 30, Éd. Frob.
  132. Ἐν τῇ φύσει ou ἐν τῇ γενέσει τοῦ παιδίου τοῦ ἐν τόκῳ. Ces deux dénominations se trouvent dans le 1er livre des Maladies des femmes, la première, p. 231, Éd. Froben, la seconde, p. 245.
  133. Arabica philosophorum bibliotheca recenset Hippocratis libros de Fœtu et de Natura pueri in partu. Casiri, t. I, p. 238.
  134. Γίνεται δὲ καὶ τῇσι γυναιξὶν ὁ ὕδρωψ ἐν τῇσι μήτρῃσι… ἀποπέφανται δέ μοι ἐν τοῖσι γυναικείοισι νουσήμασι περὶ αὐτοῦ. P. 178, Éd. Frob.
  135. Ἢν ὕδρωψ γένηται ἐν τῇσι μήτρῃσιP. 247, Éd. Frob.
  136. Tome i, p. 214, Éd. Frob.
  137. Τελευτῶσι γὰρ αἱ φλέβες αἱ τοῦ ἀνθρώπου πᾶσαι ἐς τοὺς δακτύλους τῶν ποδῶν καὶ τῶν χειρῶν, καὶ παχύταται μέν εἰσιν αἱ ἐν τῷ σώματι φλέβες, αἱ ἐν τῇ κεφαλῇ. P. 33, Éd. Frob.
  138. Τῷ μὲν δὴ αἵματι ἡ καρδίη ἐστι P. 166, Éd. Frob.
  139. Ἐξ αὐτῆς (καρδίης) παχεῖαι φλέβες τείνουσιν, καὶ σφάγιαι καλεόμεναι… καὶ πιμπλάμεναι κεῖναι τῇ κεφαλῇ τῷ σώματι διδόασιν ἐν τάχει. Page 168, Éd. Frob.
  140. Τοῦ πλεύμονος λείου καὶ πυκνοῦ παντάπασι γεγονότος, πῶς τὲ σὺν κυκεῶνι πινόμενον ἄλφιτον διέξεισι, καὶ οὐκ ἐνίσχεται ; τουτὶ γὰρ Ἐρασίστρατος ὀρθῶς πρὸς αὐτὸν (Πλάτωνα) ἠπόρησε.. Plutar. Symp. lib. VII, quæst. I, t. iv, p. 545, Éd. Tauch.
  141. Εἰ τις κυκεῶνα πιήσῃ ἢ ἄλητον ἑφθὸν ῥοφοίη, ἤ τι ἄλλο τοιοῦτο, καὶ ἔλθο ἐς τὸν πλεύμονα τοῦτο, δοκέομεν ἂν αὐτὸν οὐδὲ ζώειν οὐδὲ ὀλίγον χρόνον.. P. 178, Éd. Frob.
  142. Ὡσπερ μοι εἴρηται ἐν τῇσι παρθενίῃσι νούσοισι. De Morb. i, p. 233, Éd. Frob. — Ὁκοῖα εἴρηται ἀμφὶ τῆς παρθένου. P. 244.
  143. Κάλλιον δέ μοι περὶ τούτου δεδήλωται ἐν τῇ περιπνευμονίῃ. P. 177, Éd. Frob.
  144. Ὅκως καὶ ἐς τὸν πλεύμονα, ὡς εἴρηται, ἢν ἡ κάθαρσις τράπηται. P. 245, Éd. Frob.
  145. Περὶ ἐπικυήσιος.
  146. Ἐκμιαίνεται, ἀποκρίνει τὸ σπέρμα. On lit dans le traité de la Superfétation ἐκμαίνεται ; il est infiniment probable qu’il faut lire ἐκμιαίνεται.
  147. Παραπλησίως δέ τινες πεπεισμένοι τούτοις εἰσὶ καὶ λέγουσιν ὡς τὸν δεξιὸν ὄρχιν ἀποδουμένοις ἢ τὸν ἀριστερὸν συμβαίνει τοῖς ὀχεύουσιν ἀῤῥενοτοκεῖν ἢ θηλυτοκεῖν· οὔτω γὰρ ὁ Λεωφάνης ἔλεγεν. De Gener, anim. L. IV, c. I.
  148. Κλεοφάνης, οὗ μέμνηται Ἀριστοτέλης, τὰ μὲν (ἄῤῥενα) ἐκ τοῦ δεξιοῦ διδύμου, τὰ δ’ ἐκ ἀριστεροῦ. De Placit. philos., lib. v, t. v, p. 501, Éd. Tauch.
  149. Ὅταν δὲ θῆλυ βούληται γενέσθαι, τὸν ὄρχιν τὸν δεξιὸν ἀποδῆσαι, ὡς ἂν μάλιστα καὶ ἀνέχεσθαι δύνηται· ἐπὴν δὲ ἄρσεν βούληται φυτεύειν, τὸν ἀριστερὸν ὄρχιν ἀποδῆσαι. Page 51, Éd. Frob.
  150. Page 49, Éd. Frob.
  151. Τὰς δὲ γυναῖκας βασνίζουσι τοῖς τε προσθετοῖς, ἐὰν δυκνῶνται αἱ ὀσμαὶ πρὸς τὸ πνεῦμα τὸ θύραθεν κάτωθεν ἄνω. De Gener. anim., liv. ii, c. 7.
  152. Περὶ καρδίης.
  153. Ἢν γὰρ τις κυανῷ ἢ μίλτῳ φορύξας δοίη δεδιψηκότι πάνυ πιεῖν· ἔπειτα δὲ, εἰ ἔτι πίνοντος ἀνατέμνοις τὸν λαιμὸν, εὕροις ἂν τοῦτον κεχρωσμένον τῷ ποτῷ. Περὶ καρδίης. Page 55, Éd. Frob.
  154. Ἀλλ’ εἰ καὶ ζῶον, ὅ τι ἂν ἐθελήσας, διψῆσαι ποιήσεις, ὡς κεχρωσμένον ὕδωρ ὑπομεῖναι πιεῖν (pro ποιεῖν) εἰ δοίης, εἴτε κυανῷ χρώματι χρώσας, εἴτε μίλτῳ, εἶτ' εὐθέως σφάξας ἀνατέμοις, εὑρήσεις κεχρωσμένον τὸν πνεύμονα. De Dogm. Hipp. et Plat. lib. IX, t. i, p. 329, Éd. Basil.
  155. Ἀγχοῦ δὲ τῆς ἐκφύσιος τῶν φλεβῶν σώματα τῇσι κοιλίῃσιν ἀμφιβεβήκασιν, μαλθακὰ, σηραγγώδεα, ἂ κληΐσκεται μὲν οὔατα. Page 55, Éd. Frob.
  156. Περὶ τροφῆς.
  157. Ιn Lib. de Aliment. Comm. IV, 56 ; p. 297, t. VI, Éd. Chart.
  158. Περὶ σαρκῶν.
  159. Δύο γὰρ εἰσι κοῖλαι φλέβες ἀπὸ τῆς καρδίης, τῇ μὲν οὔνομα ἀρτηρίη, τῇ δὲ, κοίλη φλέψ. P. 40, Éd. Frob.
  160. Περὶ ἑβδομάδων.
  161. Λέγει δ’ οὕτως· ἐν ἀνθρώπου φύσει ἑπτά ἐισιν ὧραι, ἃς ἡλικίας καλέουσι, παιδίον, παῖς, μειράκιον, νεανίσκος, ἀνὴρ, πρεσβύτης, γέρων. Καὶ παιδίον μέν ἐστιν ἄχρις ἑπτά ἐτῶν, ὀδόντων ἐκβολῆς· παῖς δ’ ἄχρι γονῆς ἐκφύσιος ἑπτὰ (Il faut lire ἐς τὰ, comme je le dirai plus bas) δὶς ἑπτά· μειράκιον δ’ ἄχρι γενείου λαχνώσιος, ἐς τὰ τρὶς ἑπτά· νεανίσκος δ’ ἄχρις αὐξήσιος ὅλου τοῦ σώματος ἐς τὰ τετράκις ἑπτά· ἀνὴρ δ’ ἀχρις ἑνὸς δέοντος πεντήκοντα, ἐς τὰ ἑπτάκις ἑπτά· πρεσβύτης δ’ ἄχρι πεντήκοντα ἕξ, ἐς τὰ ἑπτάκις ὀκτώ. Τὸ δ’ ἐντεῦθεν γέρων. Philon, Περὶ Κοσμοποιΐας, p. 17.
  162. Καὶ ὅσοι τὸν ἐνιαυτὸν εἰς ζ′ τέμνουσιν ὥρας, ἄχρι μὲν ἐπιτολῆς τοῦ κυνὸς ἐκτείνουσι τὸ θέρος, ἐντεῦθεν δὲ μέχρις ἀρκτούρου τὴν ὀπώραν. Οἱ δ’αὐτοὶ καὶ τὸν χειμῶνα τριχῆ τέμνουσι, μέσον μὲν αὐτοῦ ποιοῦντες τὸν περὶ τὰς τροπὰς χρόνον· τοὺς δ’ἑκατέρωθεν τοῦδε, σπορητὸν μὲν πρόσθεν, φυταλίαν δὲ τὸν ἕτερον· αὐτοὶ γὰρ οὕτως ὀνομάζουσι· καὶ μέντοι κἀν τῷ Περὶ Ἑβδομάδων Ἱπποκράτους ἐιγραφομένῳ βιβλίῳ διῃρημένον ἐστὶν εὑρεῖν τὸν ἐνιαυτὸν εἰς ἑπτά, τοῦ μὲν φθινοπώρου καὶ τοῦ ἦρος ἀτμήτων πεφυλαγμένων, τετμημένων δὲ τοῦ μὲν χειμῶνος εἰς τρία μέρη, τοῦ δὲ θέρους εἰς δύο. Tome v, p. 347 ; Éd. Basil.
  163. Μέγιστον τοίνυν σημεῖον ἐν τοῖσι μέλλουσι τῶν καμνόντων βιώσασθαι, ἐὰν μὴ παρὰ φύσιν ᾖ ὁ καῦσος· καὶ τἄλλα δὲ νουσήματα ὡσαύτως· οὐδὲ γὰρ δεινὸν τῶν κατὰ φύσιν γίνεται, οὐδὲ θανατῶδες. Δεύτερον δὲ, ἐὰν (μὴ) αὐτή τε ἡ ὥρη τῷ νουσήματι ξυμμαχήσῃ· ὡς γὰρ ἐπὶ τὸ πολὺ οὐ νικᾷ ἡ τοῦ ἀνθρώπου φύσις τὴν τοῦ ὅλου δύναμιν· ἔπειτα δὲ, ἢν τὰ τοῖσι κανθοῖσι καὶ ἐπὶ τῇσιν ὄφρυσιν ἡσυχίην ἔχωσι, πρότερον μὴ ὑσυχάζουσαι· τούτῳ δὲ ἢν ἡ φωνὴ ᾖ ἀσθενεστέρη καὶ λειοτέρη γίνηται, καὶ τὸ πνεῦμα μανότερον καὶ λεπτότερον, ἐς τὴν ἐπιοῦσαν ἡμέρην, ἄνεσις τῆς νούσου. Ταῦτα οὖν χρὴ σκοπέειν πρὸς τὰς κρίσιας, καὶ εἰ τὸ παραδικροῦν τῆς γλώττης ὥσπερ σιαλῷ λευκῷ ἐπαλείφεται, καὶ ἐν - ἅκρῃ τῇ γλώττῃ ταῦτὸ τοῦτο γεγένηται. Ἧσσον δὲ εἰ μὴ (μὲν ?) οὖν σμικρὰ ταῦτα εἴη, ἐς τὴν τρίτην ἄνεσις τῆς νούσου· ἢν δέ τι παχύτερον, αὔριον· ἢν δέ τι παχύτερον, αὐθημερινόν· τοῦτο δὲ ὁκόταν τῶν ὀφθαλμῶν τὰ λευκὰ ἐν ἀρχῇ μὲν τῆς νούσου ἀνάγκη μελαίνεσθαι, ἐὰν ἰσχύη ἡ νοῦσος· ταῦτα οὖν καθαρὰ γινόμενα τελείην ὑγείην δηλοῖ· ἀτρέμα μὲν βραδύτερον· σφόδρα δὲ γινόμενον, θᾶσσον. Page 588, Éd. Frob.
  164. Προῤῥητικόν, β′.
  165. Προῤῥητικόν, α′ καὶ β′, ὡς οὐκ ἔστιν Ἱπποκράτους, ἐν ἀλλοις δείξομεν. P. 22, Éd. Franz.
  166. Καὶ μοι δοκοῖεν ὀρθῶς ἔνιοι τῶν ἰατρῶν, οὐκέτι εἶναι τῶν γνησίων Ἱπποκράτους βιβλίων αὐτὸ, καὶ προσηκόντως ἀποφήνασθαι. T. iii, p. 454, Éd. Bas.
  167. Ἐπειτα τῇσι χερσὶ ψαύσαντα τῆς γαστρός τε καὶ τῶν φλεβῶν ἡσσόν ἐξαπατᾶσθαι ἢ μὴ ψαύσαντα. P. 414, Éd. Frob.
  168. Βδέλλῳ, ἐν τῷ μείζονι Προῤῥητικῷ καὶ δευτέρῳ πρός τινων ἐπιγραφομένῳ. Gloss., p. 446, Éd. Franz.
  169. Περὶ ἀδένων.
  170. Τῶν νεωτέρων Ἱπποκρατείων. T. v, p. 591, Éd. Bas.
  171. Περὶ ἰητροῦ.
  172. Érot., Gloss., in Hipp., p. 272, Éd. Franz.
  173. Περὶ δὲ τουτέων ἁπάντων ἐν ἑτέροις γεγραμμένον ἐστίν. P. 14, Éd. Frob.
  174. Περὶ εὐσχημοσύνης.
  175. Voyez sa vie, publiée par sa femme, p. 263 sq.
  176. Παραγγελίαι.
  177. Περὶ ἀνατομῆς.
  178. Ῥυσμὸς. V. Suidas.
  179. Περὶ ὀδοντοφυΐης.
  180. Περὶ ἐγκατατομῆς ἐμβρύου.
  181. Ἰχθύην, p. 186, et p. 488, Éd. Franz.
  182. Περὶ δὲ τῶν μὴ κατὰ τρόπον κυϊσκομένων, ἀλλ’ ἐγκατατεμνομένων. P. 53, Éd. Frob.
  183. Περὶ ὄφιος.
  184. Περὶ γυναικείης φύσιος.
  185. Περὶ ὀστέων φύσιος.
  186. Τὰ ὀστέᾳ τῷ σώματι στάσιν καὶ ὀρθότητα καὶ εἶδος παρέχονται.. P. 61, Éd. Frob.
  187. Aux mots παραστάτας et κοτυλίδα, qui sont en effet dans ce qu’on appelle le traité de la Nature des os, P. 62, Éd. Frob.
  188. Ἀποκεκάρπωκε, p. 76, Ἠγκυροβόλησε, p. 174, Ἐνεφλεβοτόμησε, p. 116, Ἐξαμελγόμεναι, p. 156, Éd. Franz.
  189. Page 156, Éd. Franz.
  190. Ἡ δὲ ἡπατίτις ἐν ὀσφύϊ… Page 60, Éd. Frob.
  191. Αἱ παχύταται τῶν φλεβῶν ὧδε πεφύκασιν. Page 60, Éd. Frob.
  192. Αἱ φλέβες δὲ αἱ παχεῖαι ὡδε πεφύασιν. Page 59, Éd. Frob.
  193. Lib. III, cap. 3.
  194. Περὶ κρίσεων.
  195. Περὶ κρισίμων.
  196. Ὁ Ἱπποκράτης οὐ μίαν ἐν ἅπασι τοῖς βιβλίοις ἐποιήσατο κρισίμων ἡμερῶν διδασκαλίαν. Tome iii, p. 440, Éd. Bas.
  197. Περί φαρμάκων.
  198. Περὶ ὀλεθρίων τραυμάτων.
  199. Ἴσμεν δ’ ὅτι κἀν τῷ Περὶ τῶν ὀλεθρίων τραυμάτων ἔνια τῶν εἰρημένων ἐπιχειρεῖ θεραπεύειν ὁ γράφας τὸ βιβλίον. Tome v, p. 305, Éd. Basil.
  200. Tome iv, p. 100.
  201. Ἔστιν δ’ οἷς καὶ διὰ γαστρὸς αἵματος ἔκκρισις ἀνὰ χρόνον γίγνεται, καὶ μάλισθ’ ὅσοι γυμνασίων ἰσχυρῶν ἀποστάντες, οὐκ ἀπέστησαν τῆς ἔμπροσθεν διαίτης, ἤ τι κῶλον ὅλον ἀφῃρέθσαν, ὡς ἐδήλωσε καὶ ὁ Ἱπποκράτης. Tome iv, p. 115, Éd. Basil.
  202. Τοιαύτας δὲ τὰς αἱματηρὰς δυσεντερίας ὁ Ἱπποκράτης ἔφασκε συμπίπτειν ἐφ’ ὧν ἀπεκόπη τι κῶλον. Tome iii, p. 243, Éd. Basil.
  203. Ἕλκεα ἐν τῷ Περὶ ἑλκῶν πρόσφατα Ἱπποκράτης καλεῖ, ἐν δὲ τῷ Περὶ τραυμάτων καὶ βελῶν τὰ χρόνια.
  204. Περὶ τραυμάτων ὀλεθρίων, Περὶ βελῶν ἐξαιρήσηος (Sic).
  205. Περὶ βελῶν καὶ τραυμάτων.
  206. Page 22, Éd. Franz.
  207. Τὸν αἰῶνα νοσήσας τις ἑϐδομαῖος ἀπέθανε. Page 74, Éd. Franz.
  208. Τὸ πρῶτον περὶ νούσων τὸ σμικρότερον.
  209. Ἀναφέρειν δηλοῖ ποτε καὶ τὸ ὑπολύζειν ἀναπνέοντα ὡς ἐν τῷ πρώτῳ Περὶ Νούσων τῷ μικροτέρῳ· καὶ ἀναφέρειν ὥσπερ τὰ παιδία τὰ πεπαυμένα κλαίοντά τε καὶ εἰς τὰς ῥῖνας ἀνέλκοντα τὸ πνεῦμα. Érot., Gal., et Herod. Gloss., p. 431, Éd. Franz. Le traducteur latin rend le mot πεπαυμένα par cubantes. Je ne crois pas que ce soit le sens.
  210. Καύσωμα τὴν πύρωσιν ἐν τῷ πρώτῳ Περὶ Νούσων τῷ σμικροτέρῳ. Érot., Gal., et Herod. Gloss., p. 498.
  211. Μηλιάδα ἐν τῷ α′ Περὶ Νούσων τῷ σμικροτέρῳ τῇ Μηλιάδι λέγει τῇ ἀπὸ Μήλου τῇς νήσου. Érot., Gal., et Herod. Gloss., p. 526, Éd. Franz.
  212. Τινές δὲ τυφομανίας ἐκάλεσαν, ὡς κἀν τῷ Περὶ Νούσων Ἱπποκράτει γέγραπται. Tome v, p. 168, Éd. Basil.
  213. Οὐ πολεμοῦντες, πολεμούμεθα.
  214. Τὰ φυσικὰ βοηθήματα οὐ λύει τὴν ἐπιδημίαν λοιμικοῦ πάθους· ἂ δὲ φύσεως γίγνεται νοσήματα, αὕτη ἡ φύσις ἰᾶται κρίνουσα · ὅσα δὲ ἐξ ἐπιδημίας, τέχνν, τεχνικῶς κρίνουσα τὴν τροπὴν τῶν σωμάτων. P. 523, Éd. Frob.
  215. Λοιμοῦ ἰόντος ἀπὸ τῆς βαρβάρων εἰς τὴν Ἑλλάδα. P. 536, Éd. Frob.
  216. Ἀκμαζούσης ἔτι τῆς πόλεως καὶ οὔπω νονοσηκυίας. L. II, p. 119.
  217. Καὶ τὸν Ἱπποκράτους, ὡς ἔοικεν, ἀκηκοὼς λόγον, ὃν εἶπε, τοῦ μεγάλου βασιλέως καλοῦντος αὐτὸν ἐπὶ πολλοῖς τισι ταλάντοις, οὐκ ἀν ποτε βαρβάροις Ἑλλήνων πολεμίοις ἑαυτὸν παρσχεῖν, ἔλεγε κοινὸν ὅρκον εἶναι τοῦτον ἰατρῶν ἁπάντων, καὶ παρεκελεύετο φυλάττεσθαι τῷ παιδὶ πάντας. Plut. Cat. maj., t. iii, p. 280 ; Éd. Tauchn.
  218. Καὶ ἐξεῖναι πᾶσι Κῴων παισὶν ἐφηβεύειν ἐν Ἀθήναις καθάπερ παισὶν Ἀθηναίων
  219. Ἐπιβώμιος.
  220. Πρεσβευτικός.
  221. Ἐς μὲν Πελοπόννησον οὐκ ἐσῆλθεν, ὅ τι καὶ ἄξιον λόγου. Lib. II, ch. 54.