Œuvres complètes d’Hippocrate (trad. Littré)/tome 1/05

Traduction par Émile Littré.
Baillière (Tome premierp. 80-132).


CHAPITRE V.

DE LA TRANSMISSION DES LIVRES HIPPOCRATIQUES ET DE LA SÉRIE DES COMMENTATEURS DE CES LIVRES DANS L’ANTIQUITÉ.


Séparateur


Les conquêtes d’Alexandre, les communications multipliées qui s’établirent entre la Grèce et l’Orient, la fondation d’Alexandrie en Égypte, la formation des grandes bibliothèques, dans cette ville et à Pergame, produisirent, dans les relations littéraires, une révolution comparable, quoique sur une moindre échelle, à la révolution causée par la découverte de l’imprimerie. La littérature médicale ne s’en ressentit pas moins que les autres branches des connaissances humaines ; et les productions qu’elle avait mises à la lumière dans les âges précédents, acquirent une publicité bien plus grande. Cela est manifeste pour les livres hippocratiques ; en effet, ce qui manque surtout à ces livres, dans la période comprise entre Hippocrate et la fondation d’Alexandrie, c’est une publicité véritable et étendue. Peu de gens les possèdent, peu en font mention, et ils restent renfermés entre un petit nombre de mains, parmi ses élèves et parmi ses descendants. Le public qui les connaît est fort restreint ; les copies sont très peu nombreuses ; la circulation est très limitée ; les bibliothèques publiques n’existent pas où l’on puisse les aller consulter ; l’accès de ces livres est fermé à la plupart des écrivains. Il ne faut donc pas s’étonner qu’ils aient été rarement cités. De là aussi les chances de destruction, si nombreuses pour des livres dont il existait si peu de copies ; de là la perte de tant d’ouvrages de l’école de Cos, dont j’ai relevé les mentions dans la Collection hippocratique, et qui ont péri avant d’être multipliés et répandus ; de là enfin les facilités qu’ont trouvées les vendeurs de livres, lorsque les rois d’Égypte et de Pergame payèrent au poids de l’or les manuscrits précieux, à intituler, comme ils le voulurent, un écrit bien antérieur sans doute à la vente même, mais n’ayant reçu encore aucune publicité, et à y mettre un nom qui en augmentait considérablement la valeur.

Il n’en fut plus de même dans l’âge qui suivit la mort d’Alexandre. Les livres, par cela seul qu’ils se multiplièrent, prirent une forme plus certaine, qui permettait bien plus difficilement les substitutions de noms et l’interpolation de nouveaux écrits dans une collection déjà existante. La Collection hippocratique (car c’est uniquement d’elle qu’il est ici question) se trouva, par les travaux des commentateurs, fixée, et fermée à toute invasion de traités qui n’auraient pas reçu, à ce moment, le certificat de leur origine. Dès lors la transmission en fut régulière ; les commentateurs se suivirent sans interruption. C’est cette transmission des textes et cette série de commentateurs qu’il faut étudier[1]. S’il était vrai que Dioclès de Caryste eût commenté un des écrits d’Hippocrate, ce serait le plus ancien des auteurs qui ont écrit sur ce sujet. Ackermann, dans l’excellente notice qui fait partie de la Bibliothèque grecque de Fabricius, donne Dioclès, Mantias et Philotimus comme les commentateurs du Traité de l’officine du médecin. C’est une erreur : Dioclès, non plus que Mantias et Philotimus, n’a point commenté ce Traité, et les passages de Galien, sur lesquels Ackermann s’appuie, ont été mal interprétés : ce médecin dit seulement que Dioclès, Philotimus, Mantias[2] avaient composé un livre sur le même sujet et portant à peu près le même titre. Ce livre de Dioclès est cité, par Érotien, sous le titre de Traité sur l’officine du médecin[3]. Érotien en tire l’explication d’un mot (ἄμβην), qui est dans le Livre des articulations : ce qui prouve que l’on s’est servi, il est vrai, des textes de Dioclès pour expliquer certains mots difficiles, mais que ces textes étaient, non dans un commentaire sur des livres hippocratiques, mais dans des traités composés par le médecin de Caryste sur différents points de l’art médical. On peut affirmer que Dioclès n’a pas été commentateur d’Hippocrate ; car ses commentaires, s’ils avaient existé, auraient été cités par quelques-uns des commentateurs postérieurs. Mais il avait écrit plusieurs livres qui avaient des conformités, soit pour le style, soit pour le sujet, avec quelques livres de la Collection hippocratique : tels sont le Traité de l’officine du médecin et celui des bandages, qui présentaient de grandes ressemblances avec le livre hippocratique Des articulations ; tel est encore un Traité du pronostic, qui avait aussi beaucoup emprunté au livre d’Hippocrate sur le même sujet.

Le plus ancien commentateur que l’on connaisse est donc Hérophile, qui fut disciple de Praxagore, et qui fleurit à Alexandrie vers l’an 300 avant J.-C. Il avait travaillé sur le Pronostic d’Hippocrate ; Galien dit qu’il s’était contenté d’expliquer seulement les mots sans entrer dans les explications médicales[4]. Étienne[5] nous a conservé une de ses explications : « Hérophile, dit-il, prétendait que la prognose et la prédiction sont deux choses différentes ; que la prognose est le jugement que le médecin porte sans l’énoncer, et la prédiction, ce jugement lui-même énoncé. » Étienne trouve cette distinction ridicule ; elle prouve qu’en effet Hérophile s’était surtout occupé du sens précis des mots. Cependant il y avait sans doute joint quelques autres explications ; car Cælius Aurélianus, citant son Commentaire[6], rapporte qu’Hérophile, examinant le passage où Hippocrate parle des vers qui sont rendus dans les selles, dit qu’il importe peu que ces animaux soient évacués morts ou vivants. On voit par d’autres témoignages que fournit Galien, qu’Hérophile avait en effet soumis le Traité du pronostic à un examen critique. Galien promet d’examiner les objections que le médecin d’Alexandrie avait opposées à cet écrit[7], et un peu plus loin il ajoute que ces objections sont mauvaises[8].

Hérophile avait-il publié d’autres travaux sur les écrits hippocratiques ? Là-dessus on n’a que des témoignages incertains certains et des textes suspects. On lit bien dans Galien : « Les premiers qui ont expliqué les Aphorismes, Hérophile, Bacchius, Héraclide et Zeuxis, tous deux empiriques[9]…… » Schultze[10], observant que nul auteur ne fait mention du commentaire d’Hérophile sur les Aphorismes, dit qu’il faut lire Bacchius l’hérophilien (Βακχεῖος ὁ Ἡροφίλειος). Le fait est que la phrase de Galien n’est pas correcte, et que l’article devant le nom de Bacchius ne peut subsister. Mais on admettrait aussi facilement une autre correction qui laisserait subsister le nom d’Hérophile. Érotien[11] cite une explication du médecin alexandrin ; et le mot expliqué se trouve dans le Pronostic. Érotien ajoute qu’on le rencontre aussi dans le Quatrième livre des épidémies, dans le Premier des maladies des femmes, et dans les Aphorismes : cela ne prouverait pas qu’Hérophile ait commenté ce dernier traité. Montfaucon 1, 498, (j’emprunte cette indication à la Bibliothèque grecque, Éd. de Harles, t. 2, p. 544) dit qu’il existe dans la bibliothèque ambrosienne de Milan un commentaire d’Hérophile sur les Aphorismes. Si le fait était vrai, il couperait court à la remarque de Schultze[12], mais personne n’a, depuis, parlé de ce manuscrit de la bibliothèque ambrosienne, et M. Dietz, qui a recueilli les commentateurs grecs inédits d’Hippocrate, n’a pas publié ce commentaire, qui serait d’un si grand prix pour la critique des livres Hippocratiques.

Cette discussion me conduit à une autre question, c’est de savoir si Hérophile a laissé un témoignage sur le Traité des lieux dans l’homme. Il s’agit encore ici d’un texte corrompu. On lit dans Galien[13] : « Érotien prétend qu’on appelle kammoron non seulement l’animal lui-même (c’est un animal semblable à une petite crevette), mais la mousse qui y adhère. Zénon l’hérophilien assure que le kammoron est la ciguë ; Zeuxis, un médicament réfrigérant. » Les manuscrits et les imprimés présentent beaucoup de variétés sur le nom d’Érotien ; les uns portent Érotinon, les autres Érotinus ; d’autres Hérophile. Le texte est certainement altéré ; si l’on recherche dans le Glossaire d’Érotien l’explication citée par Galien, on ne l’y trouve pas, ni rien qui y ressemble ; et comme l’on manque de moyens pour constater quelle est la véritable leçon, on ne peut rien en conclure pour Hérophile.

Dès cette époque reculée, les grammairiens ont travaillé comme les médecins à expliquer les mots des livres hippocratiques. Xénocrite de Cos, compatriote d’Hippocrate, est, au dire de Callimaque l’hérophilien, d’Héraclide de Tarente et d’Apollonius de Cittium, le premier grammairien qui ait entrepris ce travail d’interprétation[14] ; et, si, comme le rapporte Érotien sur la foi des commentateurs antérieurs[15], il a précédé Bacchius dans ce travail, cela reporte, au tems d’Hérophile, Xénocrite, et, avec lui, la Collection hippocratique. Érotien nous a conservé une explication de Xénocrite, elle est relative à un mot du Pronostic[16]. D’autres grammairiens, sans consacrer un livre spécial à un glossaire hippocratique, se sont, dans le courant de leurs recherches, occupés des difficultés que présente le vieux langage ionique du médecin de Cos. Érotien,[17] qui dit qu’aucun des grammairiens célèbres n’a passé Hippocrate sous silence, cite entr’autres Aristarque le fameux critique, Aristoclès et Aristopéas[18], tous deux de Rhodes et moins connus, Diodore[19], dont on nous a conservé une explication sur un mot difficile du Traité des lieux dans l’homme, enfin Antigone et Didyme, tous deux d’Alexandrie, et dont la réputation a été grande. Il est fâcheux que les travaux de ces grammairiens aient complètement péri ; nous y aurions probablement trouvé des ressources abondantes, sinon pour éclaircir toutes les difficultés que présentent les livres hippocratiques, du moins pour en épurer le texte. J’ai réuni dans ce paragraphe tous les grammairiens, bien que quelques-uns soient très postérieurs, afin que l’on vît d’un seul coup-d’œil l’intérêt qu’avait jadis inspiré la Collection hippocratique.

Des travaux plus regrettables encore, parce qu’ils sont plus spéciaux, sont ceux de Bacchius de Tanagre, et de Philinus l’empirique.

Bacchius, disciple d’Hérophile, donna une édition du troisième livre des Épidémies[20], écrivit des explications sur le sixième livre[21], sur les Aphorismes[22], et sur le Traité de l’Officine du médecin[23]. Il avait en outre composé un écrit en trois livres intitulé les Dictions[24]. Cet écrit embrassait l’explication des mots, difficiles et tombés en désuétude, de la Collection hippocratique. Galien assure que, fidèle à l’exemple d’Hérophile, Bacchius n’avait, non plus, expliqué que les termes obscurs, et il ajoute que l’on disait que ce médecin s’était fait fournir les exemples par le grammairien Aristarque[25]. Érotien dit seulement que Bacchius s’était, dans cet ouvrage, beaucoup appuyé du témoignage des poètes[26]. En tout cas, la date assignée à Aristarque ne permet pas d’admettre que Bacchius ait été aidé par ce grammairien ; Bacchius a été contemporain de Philinus ; Philinus avait été auditeur d’Hérophile[27], or un auditeur d’Hérophile est antérieur à Aristarque. Érotien nous a conservé dans son Glossaire plusieurs explications prises dans l’ouvrage de Bacchius ; elles portent toutes en effet sur des mots obscurs. Les fragments de Bacchius, courts, mais en assez grand nombre, qui sont parvenus jusqu’à nous, ressemblent beaucoup, pour leur brièveté, aux articles du Glossaire d’Érotien.

La polémique commença dès lors entre les interprètes d’Hippocrate. Philinus de Cos combattit Bacchius dans un traité composé de six livres ; il ne nous en reste rien qu’une explication insignifiante sur un adverbe du Pronostic et un mot du Traité des articulations[28]. Il eût été curieux de voir comment le médecin hardi, qui fut chef de l’école des empiriques, et qui essaya d’établir sur l’unique base de l’observation l’édifice entier de la médecine, avait conçu l’interprétation des écrits hippocratiques : si tant est que l’interprétation ait porté sur autre chose que des mots. En effet, la polémique de Philinus, à en juger d’après les deux seuls exemples rapportés par Érotien, a été dirigée contre le livre des Dictions, et non contre les Commentaires de Bacchius sur les Aphorismes, et sur le 6e livre des Épidémies, ou contre son édition du troisième. L’ouvrage de ces deux médecins était-il alphabétique ? On serait tenté de croire que non, vu que Érotien ne signale cet arrangement pour la première fois que quand il nomme Glaucias, venu après eux.

Glaucias, de la secte empirique, travaillant aussi sur les mots obscurs, avait composé un seul volume, mais très considérable, où il suivait l’ordre alphabétique. Érotien le trouve trop long dans sa disposition[29], et il lui reproche d’avoir ajouté à chaque mot l’indication de tous les traités dans lesquels se trouve le mot. Si le livre de Glaucias était venu jusqu’à nous, nous lui saurions gré de ce soin, bien loin de l’en blâmer ; car il avait ainsi composé un lexique commode des termes difficiles de la Collection hippocratique. Il donna plus d’attention que n’avaient fait ses devanciers, à l’explication médicale, mais il paraît qu’il ne fut pas très heureux dans la partie philologique de son travail ; et, à cet égard, ses interprétations furent peu estimées dans l’antiquité. Galien nous apprend[30] que ce médecin considérait le Traité des humeurs comme appartenant à un Hippocrate autre que le grand Hippocrate, celui qui est l’auteur des Aphorismes ; remarque qui nous fournit en même temps la preuve que le commentateur attribuait les Aphorismes à Hippocrate.

Deux commentateurs seulement, dit Galien[31], avaient compris, dans leur travail, la totalité des œuvres hippocratiques : c’étaient Zeuxis et Héraclide de Tarente, tous deux de la secte empirique. Nous venons de voir, en effet, que Hérophile et Bacchius n’avaient commenté que certains traités ; que Xénocrite, Bacchius, Philinus et Glaucias n’avaient composé que des lexiques interprétatifs des mots difficiles ; or, des lexiques ne sont pas des commentaires ; mais compilés, comme ils l’avaient été, sur toute la Collection hippocratique, ils n’en prouvent pas moins l’existence de cette Collection pour le temps de Glaucias, de Philinus, de Bacchius et de Xénocrite.

Du temps de Galien les commentaires de Zeuxis étaient peu lus, et ils étaient devenus rares[32]. On trouve, dans les témoignages de deux interprètes, aussi anciens que Glaucias et Zeuxis, une preuve que le texte hippocratique est depuis long-temps dans l’état où nous le connaissons. Glaucias, ne pouvant donner une explication satisfaisante d’un passage du Sixième livre des épidémies, ajouta une négation. Zeuxis lui reproche de n’avoir pas saisi le sens de ce passage, et d’avoir inutilement introduit une correction violente et arbitraire ; mais, par sa correction même, Glaucias constatait la leçon que porte encore le texte, de sorte que cette phrase était écrite dès ce temps là comme elle l’est aujourd’hui[33], remarque importante pour l’authenticité des textes. Le Troisième livre des épidémies présente, à la fin de l’histoire de chaque malade, des Caractères qui ont été ajoutés à une époque inconnue. Ils ont occupé plusieurs commentateurs ; Zeuxis y avait pris une peine particulière, et avait relevé les erreurs des autres[34].

Le plus célèbre des commentateurs d’Hippocrate est Héraclide de Tarente, car il fut en même temps un grand médecin. Le temps où il a vécu n’est pas exactement connu, cependant il est postérieur à Bacchius. Ses travaux s’étaient étendus à presque toutes les branches de la médecine, mais il s’était surtout adonné à l’étude de la matière médicale et de la botanique, et il disait que les médecins qui font des traités sur cet objet sans être versés dans la connaissance des simples, ressemblent aux crieurs publics qui proclament le signalement d’un esclave fugitif sans l’avoir jamais vu. Il se livra à des travaux d’érudition sur Hippocrate, et il avait composé un commentaire en plusieurs livres, qui s’étendait à tous les écrits portant le nom du médecin de Cos. La perte de ce commentaire est très regrettable à cause de la vaste étendue des connaissances de ce médecin et de l’esprit judicieux qu’il montra dans ses écrits. Il faut remarquer que Héraclide rejette comme apocryphe le traité des humeurs[35].

Zénon, de la secte hérophilienne, passait pour un médecin habile, mais pour un mauvais écrivain[36]. Il composa un commentaire sur le 3e livre des Épidémies[37], il consacra aussi un livre tout entier à l'interprétation des Caractères de ce même 3e livre. Apollonius, empirique, y répondit par un livre plus gros encore. Zénon ne se tint pas pour battu, et répliqua par un nouvel ouvrage. Cette querelle continua même après la mort de Zénon ; et Apollonius Biblas composa, sur le même sujet, un nouveau traité, où il assurait que, ni l’exemplaire trouvé dans la bibliothèque royale d’Alexandrie, ni celui qui venait des vaisseaux[38], ni l’édition donnée par Bacchius ne portaient les Caractères tels que Zénon les avait indiqués. Ainsi, l’interprétation de caractères énigmatiques et d’une origine douteuse, occupa long-temps les médecins alexandrins qui se livraient à la critique littéraire.

C’est dans le même intervalle de temps que viennent une foule de commentateurs d’Hippocrate, sur lesquels on sait peu de choses, tels sont : Callimaque, de la secte hérophilienne, cité, par Érotien, parmi les commentateurs d’Hippocrate[39], et qui avait écrit un livre sur les couronnes qui causent des maux de tête[40] ; Épicéleustus de Crète, qui fit un abrégé des explications de Bacchius et qui les mit en ordre[41] ; Apollonius Ophis, qui en fit autant[42] ; Dioscoride Phacas, qui combattit ses prédécesseurs, dans un traité composé de sept livres[43] ; Lysimaque de Cos, qui, après avoir compris tout le commentaire d’Hippocrate en un seul livre, en adressa, sur le même sujet, trois à Cydias hérophilien, et trois à Démétrius[44] ; Euphorion, qui le suivit et qui commenta Hippocrate en six livres[45] ; Héraclide d’Érythrée, qui avait écrit au moins sur le 3e Livre des épidémies, sur les Caractères et sur le 6e[46] ; il avait été l’un des plus célèbres disciples de Chryserme[47] ; Épiclès, postérieur à Bacchius et qui, ayant disposé son commentaire par ordre alphabétique, affecta une vaine brièveté[48] ; il est cependant cité plusieurs fois par Érotien ; Euryclès, qu’Érotien nomme une fois[49], et qui avait expliqué le Traité des articulations ; Philonidès de Sicile, dont Érotien nous a conservé l’explication du mot ἐξέρυθρος, mot qui, suivant ce médecin, du reste inconnu, signifie rougeur qui se manifeste au dehors[50] ; Ischomaque, Cydias de Mylasa[51] et Cinésias[52], tous trois cités une fois chacun dans le Glossaire d’Érotien ; Démétrius, l’épicurien, dont Érotien nous a conservé l’interprétation de deux mots[53], et remarquons que ces mots se trouvent dans les Prénotions coaques, et que Démétrius avait commis une grossière erreur en réunissant κλαγγώδεα et ὄμματα, qui, dans la phrase hippocratique, ne se rapportent pas l’un à l’autre ; Diagoras de Chypre, cité aussi une fois par Érotien[54] ; le poète-médecin, Nicandre de Colophon en Ionie, prêtre du temple d’Apollon à Claros, et qui vivait dans le second siècle avant J.-C. ; il avait paraphrasé en vers le Pronostic d’Hippocrate, et sans doute gâté, dans ses hexamètres, la précision du langage hippocratique sans y avoir substitué aucun talent poétique. Rien ne nous est parvenu de ce poëme didactique : et nous y avons peu perdu. Nicandre avait aussi composé un Glossaire (Γλῶσσαι) de trois livres au moins[55], où il avait expliqué des mots hippocratiques. Érotien le cite quelquefois[56].

Enfin, nous arrivons à un commentateur dont il nous est resté quelque chose, c’est Apollonius de Cittium, qui a vécu dans le 1er siècle avant J.-C. Il était disciple d’un certain Zopyre, qui pratiquait la chirurgie à Alexandrie et qui suivait les préceptes d’Hippocrate pour les fractures et les luxations[57]. Cela prouve (ce qui résulte, au reste, de tant de commentateurs déjà cités) que l’autorité d’Hippocrate était grande à Alexandrie ; déjà, pour Apollonius, Hippocrate est le divin. Ce médecin avait composé un Traité en dix-huit livres qui combattait un ouvrage en trois livres d’Héraclide de Tarente, ouvrage qu’Héraclide avait lui-même adressé au livre de Bacchius. Il n’en faut nullement conclure qu’Apollonius de Cittium ait été contemporain d’Héraclide de Tarente, qui, dans le fait, lui était antérieur. Érotien cite une interprétation d’Apollonius sur un mot qui se trouve dans les Prénotions coaques, dans le premier livre des Prorrhétiques et dans le septième livre des Épidémies[58]. Il ne nous reste rien de ce grand travail, à moins que le petit commentaire sur le Traité des articulations n’en soit un fragment. C’est ce commentaire seul qui est arrivé jusqu’à nous ; il a été publié, pour la première fois, en grec par M. Dietz. Il est curieux, à ce titre, que de tous les monuments de ce genre c’est le plus ancien que nous possédions. Apollonius y avait joint des figures qui représentaient les manœuvres de la réduction ; il accuse Bacchius d’impéritie[59] ; il cite un certain Hégétor, chirurgien d’Alexandrie[60], à qui il reproche de n’avoir pas compris le texte d’Hippocrate sur la réduction de la cuisse. Hégétor soutenait que la rupture du ligament rond du fémur empêchait l’os réduit de rester dans la cavité cotyloïde. À ce propos, Apollonius déclame contre l’anatomie, tant vantée des hérophiliens, et dit qu’une telle opinion est réfutée par les faits[61]. Apollonius de Cittium appartenait à la secte empirique ; aussi combat-il fortement les hérophiliens. Son livre est adressé à un prince appelé Ptolémée. L’auteur se contente de passer en revue les différents moyens de réduction employés par Hippocrate ; il n’entre dans aucun autre détail de pathologie. Il termine son commentaire, fort court du reste, par une récapitulation de toutes les réductions des os luxés.

Le temps arrivait où la médecine allait subir l’influence d’un système qui prétendait mettre à néant toutes les anciennes doctrines. L’auteur de ce système, Asclépiade, s’occupa des écrits hippocratiques, non pas seulement pour les critiquer, mais aussi pour les interpréter en érudit. Ce médecin, dit de Bithynie, de Pruse, et quelquefois de Kios, parce que Pruse avait aussi porté ce nom, vécut à Rome du temps de Crassus l’ancien et de Pompée. Il avait composé un grand nombre d’écrits, aujourd’hui tous perdus, dont deux seulement étaient relatifs à un travail d’érudition sur Hippocrate. Ce sont : un commentaire sur le Traité de l’officine du médecin, cité par Galien[62], et par Érotien au mot Σκέπαρνος[63] : « Le sképarnos, dit Asclépiade, est un bandage qui, revenant sur lui-même en forme de ✖, fait une espèce de croisement et d’angle ; » et un commentaire ou explication (explanatorium) des Aphorismes, qui était probablement en sept livres, et dont Cælius Aurélianus[64] et Érotien[65] citent le second. Galien nous a conservé un assez long passage d’Asclépiade tiré peut-être de quelqu’un des commentaires indiqués plus haut, et qui mérite d’être rapporté ici. « Les os se luxent, dit Asclépiade, sans cause apparente, par l’action des maladies chroniques ; Hippocrate le témoigne dans son Traité des articulations. J’en ai moi-même observé deux cas : le premier fut à Parium[66] ; le malade, sans avoir reçu de coup, sans avoir fait de chute, commença par ressentir des douleurs dans la jambe ; au bout de trois mois qu’il passa au lit, la tête du fémur fut chassée hors de sa cavité. Le malade éprouva cet accident par l’excès, je pense, des douleurs auxquelles il fut en proie. Le second cas s’est présenté sur un jeune homme, acteur tragique. Chez lui aussi l’os de la cuisse se luxa sans cause apparente, les chairs attirant par l’inflammation la tête de l’os et le chassant de la cavité qu’il occupait. » Cette citation pourrait faire croire qu’Asclépiade n’était pas aussi injuste à l’égard d’Hippocrate que Galien le prétend en plusieurs passages. « Asclépiade, dit-il[67], méprise les dissections d’Hérophile, accuse Érasistrate, et fait peu de cas d’Hippocrate. » Il est probable que, dans toutes les circonstances où les théories hippocratiques ont été en contradiction avec les siennes, le médecin bithynien a peu ménagé le médecin de Cos ; mais on peut croire que, dans la chirurgie, il a rendu hommage à son expérience.

Il y a eu deux Lycus parmi les commentateurs d’Hippocrate ; c’est une particularité de l’histoire médicale qu’il faut ici éclaircir. On les a toujours confondus l’un avec l’autre. Leclerc[68] ne parle que d’un Lycus ou Lupus de la secte empirique, qui est souvent cité par Galien, comme ayant écrit peu de temps avant lui. Ackermann[69] le nomme Lycus le Napolitain, ajoutant cependant que Galien lui attribue expressément la qualification de Macédonien. M. Hecker[70] ne connaît qu’un Lycus qu’il appelle aussi le Macédonien. Il faut admettre deux médecins du même nom, ayant tous deux travaillé à l’explication des écrits hippocratiques ; l’un était de Naples, l’autre était de Macédoine. Ils ont vécu à une époque différente, et c’est ce qui permet de les distinguer. Érotien cite Lycus de Naples ; or Érotien a vécu sous Néron : Lycus cité par lui ne peut donc pas être placé à une époque plus rapprochée. D’un autre côté, Lycus le Macédonien avait été disciple de Quintus. Galien suivit les leçons de plusieurs médecins élevés à l’école de Quintus ; par conséquent Lycus de Macédoine aurait pu être le maître de Galien ; il était donc vieux quand Galien était jeune. Il a donc fleuri vers l’an 120 après J.-C., et il est plus ancien, d’au moins soixante ans, que Lycus de Naples ; à supposer même, ce que rien ne prouve, que ce dernier ait été contemporain d’Érotien. Ainsi il faut admettre l’existence de deux Lycus.

On ne peut établir d’une manière précise l’époque où a vécu le premier. Érotien[71], qui le cite deux fois, le joint, la première à Épiclès, abréviateur de Bacchius ; et la seconde, il le nomme avec Dioscoride d’Anabarze, l’auteur de la Matière médicale. On ne connaît des travaux de ce médecin sur les écrits hippocratiques que ce que le Glossaire d’Érotien nous en apprend. Les deux explications qu’il lui emprunte sont relatives l’une et l’autre à deux mots[72] du Traité des lieux dans l’homme. Lycus de Naples avait composé, sur cet écrit, un commentaire de plusieurs livres ; car Érotien cite le second[73].

Thessalus de Tralles, méthodique, avait composé un livre pour réfuter les Aphorismes ; il ne nous en reste que le jugement de Galien, qui prétend que Thessalus n’avait rien compris à l’art d’Hippocrate, et qu’il lui aurait fallu apprendre avant de critiquer[74]. C’étaient des méthodiques qui retournaient le premier aphorisme, et qui disaient que la vie était longue et que l’art était court, voulant montrer par là que leur système simplifiait et abrégeait ce qui avait paru jadis si compliqué et si difficile. Telle a été, du reste, la prétention des systèmes universels en médecine.

De ce grand naufrage de la littérature médicale de l’antiquité, il n’est arrivé jusqu’à nous que quelques fragments. En citant un commentateur d’Hippocrate, on peut rarement ajouter que son ouvrage est conservé. Dans cette énumération, déjà longue, nous rencontrons un second écrit destiné à éclaircir les écrits hippocratiques, et échappé à la ruine commune. C’est le Glossaire d’Érotien. Cet écrivain, dont le nom est tantôt écrit Hérotien, Érotion, Érotinon, et même Hérodien, a vécu du temps de Néron, et il a dédié son ouvrage à l’archiatre Andromaque. On n’a aucun renseignement sur sa vie ni sur ses autres écrits. Nous possédons de lui un Glossaire qui contient des renseignements précieux, soit sur l’histoire littéraire des écrits hippocratiques, soit sur l’interprétation des expressions difficiles qu’ils renferment. Il avait sans doute composé d’autres commentaires sur Hippocrate ; car, parlant des deux livres des Prorrhétiques, il dit qu’il montrera ailleurs que ces livres ne sont pas d’Hippocrate[75]. Dans un autre endroit, il dit qu’il fera voir qu’Hippocrate et Dioclès se sont trompés sur les prétendus cotylédons de la matrice[76]. Il nous a donné une liste arrangée méthodiquement des écrits hippocratiques ; c’est la plus ancienne que nous ayons, et l’on voit par la remarque d’Érotien sur les Prorrhétiques, que cette liste ne contient pas seulement les écrits qu’il juge être de la main d’Hippocrate lui-même. La division qu’Érotien a adoptée est en livres sémiotiques ; livres relatifs à la recherche des causes et à l’étude de la nature ; livres de thérapeutique ; livres de diététique ; livres de mélanges, Aphorismes et Épidémies ; enfin livres relatifs à l’exercice de l’art. Foes a suivi, dans son édition, cette division. Je discuterai plus loin la liste donnée par Érotien. Remarquons cependant ici qu’elle contient des traités que nous ne possédons plus ; que certains traités auxquels l’antiquité a donné le titre d’hippocratiques n’y figurent pas ; et que plusieurs traités qui se trouvent dans la Collection telle que nous l’avons, n’y sont pas nommés.

Le Glossaire d’Érotien suit un ordre alphabétique en tant que tous les mots qui commencent par la même lettre sont mis ensemble ; mais l’ordre alphabétique n’est plus conservé sous le chef de chaque lettre, et l’examen comparé de la préface et du Glossaire lui-même, montre que le lexique d’Érotien a été interverti de la manière la plus complète par quelque copiste qui s’est cru fort habile, et qui n’a été que maladroit. Heringa[77], qui a discuté ce point de critique, a fait clairement voir que l’ordre d’Érotien avait été celui-ci : après avoir dressé sa liste des écrits hippocratiques, le commentateur a pris, dans le traité porté le premier sur cette liste, tous les mots qu’il voulait expliquer ; il en a fait autant pour le second, et ainsi de suite jusqu’au dernier. De cette façon, le lecteur voyait, d’un seul coup d’œil, à quel traité le mot expliqué appartenait, et Érotien échappait ainsi au reproche adressé par lui à Glaucias, lequel avait noté exactement à chaque mot les traités où ce mot se trouvait, mais avait ainsi grossi considérablement son ouvrage. Dans l’état où nous avons maintenant le lexique d’Érotien, il n’est pas possible, dans un grand nombre de cas, de rapporter le mot interprété à l’écrit hippocratique d’où il vient. Plusieurs expressions, dont Érotien donne l’explication, ne se retrouvent pas dans la Collection hippocratique telle que nous la possédons. Sans doute quelques-uns de ces mots appartiennent aux écrits perdus d’Hippocrate ; mais, certainement, l’absence de la plupart est du fait des copistes qui ont souvent substitué les gloses mises en marge au mot hippocratique ancien et plus obscur ; les manuscrits en fournissent plusieurs exemples.

D’Érotien à Galien, c’est-à-dire de l’an 50 à l’an 150 après J.-C., nous rentrons dans une période où les commentateurs d’Hippocrate ont complètement péri. Cependant cette époque n’a pas été improductive sur le sujet qui m’occupe en ce moment, et plusieurs médecins ont travaillé à l’explication du texte hippocratique. Remarquable influence de ces livres qui se trouvent placés à l’origine de l’histoire et de la science : tous les âges en reprennent l’interprétation, et tous y trouvent de quoi alimenter la méditation, de quoi fortifier l’intelligence.

Sabinus a été un des commentateurs d’Hippocrate les plus distingués de cette période. Galien le cite souvent, tout en en faisant la critique ; mais, dans son Traité sur ses propres ouvrages, il lui rend plus de justice, et il dit que Sabinus et Rufus d’Éphèse (ces deux noms sont presque toujours réunis par Galien) avaient mieux compris que la plupart des autres commentateurs la pensée d’Hippocrate[78]. Sabinus tendait généralement à trancher dans le vif et à changer du tout au tout les leçons qu’il ne pouvait pas comprendre. Galien en rapporte plusieurs exemples ; ainsi, on lit dans le Sixième livre des épidémies deux mots obscurs, Verdeur brillante (χλώρασμα λαμπρόν) ; Sabinus, ne les comprenant pas, lit : Couleur brillante (χρώμα λαμπρόν)[79]. Ce qu’il a fait de plus singulier dans ce genre est, peut-être, le changement qu’il a introduit dans un passage du Traité de la nature de l’homme. L’auteur hippocratique a dit : Je soutiens que l’homme n’est composé uniquement ni d’air, ni d’eau, ni de terre, ni de toute autre chose. Sabinus avait transformé ce passage de la manière suivante : Je soutiens que l’homme n’est composé ni d’air, comme Anaximène le prétend, ni d’eau, comme le dit Thalès, ni de terre, comme l’assure Xénophane dans un de ses écrits[80]. Il est difficile de juger, d’après le texte de Galien, si c’était la plus inexcusable des additions, ou une simple explication intercalée sous forme de parenthèse. En général, les explications de Sabinus paraissent avoir eu quelque chose de subtil et de bizarre ; ainsi, voulant interpréter les mots respiration élevée (πνεῦμα μετέωρον), il dit que la respiration est ainsi appelée parce qu’elle se fait du bout des narines, l’inflammation obstruant le calibre de la trachée-artère, et l’attraction de l’air ne pouvant plus se faire dans l’intérieur du poumon[81]. Ce que disait Sabinus sur les urines huileuses n’était pas plus heureux. « Les substances huileuses sont, dit-il, l’aliment de la nature animale, comme l’huile l’est du feu ; une urine huileuse indique que la nature ne prend pas ses aliments, et est ainsi un signe funeste.[82]. » Galien blâme beaucoup[83] Sabinus d’avoir dit métaphoriquement qu’une maladie dressait des embûches (λοχοῦντος τοῦ νοσήματος). Ce n’est cependant pas autre chose que notre locution maladie insidieuse. Sabinus avait dit, en expliquant un passage, que la pression des fragments d’os, ou de la main même du chirurgien sur le cerveau, produisait le délire. À quoi Galien réplique, que sans doute Sabinus n’avait jamais vu un trépané, car autrement il aurait su, qu’en appuyant sur les méninges avec le doigt on produit, non pas du délire, mais un coma profond[84].

Au sujet du malade couché dans le jardin de Déalcès, Sabinus assure que cette circonstance a concouru à la production de la maladie. « En parlant du jardin, dit-il, Hippocrate a voulu indiquer qu’il fallait y voir le point de départ de la fièvre ; l’homme n’est pas un animal herbivore ; une nourriture inusitée fit éprouver un changement fâcheux à ce malade. » Galien se moque de Sabinus, et il lui reproche de s’être arrêté à de pareilles futilités, tandis qu’il avait, s’il prétendait donner quelque réalité à des explications sans importance, tant à dire sur le mauvais air des jardins[85].

Il est probable que Sabinus avait commenté l’ensemble des œuvres hippocratiques ; cependant les citations que l’on trouve dans Galien ne sont relatives qu’aux Épidémies, au Traité de la nature de l’homme, au Traité des humeurs et aux Aphorismes. Pour ce dernier écrit, on le conclut de ce que un commentateur postérieur, Julien, qui avait interprété les Aphorismes, s’était beaucoup plus occupé des explications de Sabinus que du texte même de son auteur[86].

Aulu-Gelle nous apprend que Sabinus avait aussi commenté le Traité de l’aliment, et, à ce propos, il fait l’éloge de ce médecin[87]. Il le cite au sujet du passage obscur ; la naissance à huit mois est et n’est pas. Sabinus expliquait cela en disant : « Elle est, car le produit de l’avortement paraît comme animal ; elle n’est pas, car il meurt dans la suite. « C’est une naissance en apparence pour le moment ; mais ce n’est pas une naissance effective[88]. »

Son disciple Métrodore s’était aussi livré sur Hippocrate à des travaux de critique ; Galien ne le cite que rarement et à propos de son maître[89].

Rufus d’Éphèse, médecin célèbre, qui vécut sous Trajan, consacra une partie de son temps à l’étude des monuments hippocratiques. Galien, qui était peu disposé à flatter ses prédécesseurs dans ce genre de travail, lui accorde, ainsi qu’à Sabinus, le mérite d’avoir été très versé dans l’étude des écrits d’Hippocrate[90]. Nous ne savons pas au juste quels sont les écrits hippocratiques que Rufus avait commentés. Galien, qui seul nous donne quelques renseignements sur ce sujet, nous prouve, par les citations qu’il rapporte, que Rufus avait commenté les Aphorismes, les livres des Épidémies, le Premier livre des Prorrhétiques, le Traité des humeurs ; c’est là tout ce que nous savons de ses commentaires sur les écrits hippocratiques. Galien dit que Rufus s’efforçait toujours de conserver les vieilles leçons du texte[91]. On voit, par quelques lignes que Galien a conservées du commentaire de Rufus sur le Premier livre des Prorrhétiques, que le médecin d’Éphèse estimait peu les travaux de Zeuxis : « Zeuxis, dit-il, s’il faut aussi en faire mention, qui fuit ordinairement la raison, en donne ici une preuve, car rencontrant une erreur, il l’a conservée ; il veut qu’on interprète (il s’agit d’un passage du Premier livre des Prorrhétiques) urine cuite, οὖρα πέπονα, comme signifiant urine purulente et épaisse : chose fâcheuse ; ne sachant pas que la coction des urines est comptée parmi les phénomènes les plus utiles[92]. » Rufus voulait qu’on lût, urines rendues avec douleur, οὖρα ἐπίπονα. L’auteur du commentaire sur les Aphorismes, attribué à Oribase, nous apprend que Rufus avait divisé ce traité en quatre sections, et Soranus en trois[93]. On peut croire, d’après cette remarque, que Soranus (le commentaire ne dit pas lequel) avait aussi fait quelque travail sur les Aphorismes ; il ne reste aucune trace de ce travail, s’il a existé.

Malgré les divisions, les coupures différentes, les Aphorismes se sont toujours suivis dans le même ordre : Marinus en fournit une preuve. Dans la septième section, au lieu de : dans les brûlures considérables, les convulsions le tétanos est fâcheux, Marinus lisait : dans les blessures considérables, ajoutant que l’aphorisme suivant justifiait cette leçon[94]. En effet, l’aphorisme suivant est relatif aux blessures, et il a conservé la place qu’il avait du temps de Galien et de Marinus. Or, celui-ci est antérieur d’une cinquantaine d’années au médecin de Pergame, qui a laissé les Aphorismes dans l’ordre où ils étaient avant lui. Marinus a été célèbre par ses travaux anatomiques ; il paraît n’avoir commenté que les Aphorismes d’Hippocrate. Galien le cite un peu plus loin, au sujet d’un aphorisme difficile à interpréter[95].

Quintus fut disciple de Marinus[96], et très versé dans l’anatomie[97] ; il est cité comme ayant commenté les Épidémies et les Aphorismes. Galien fait peu de cas du commentaire de Quintus. Ce dernier, en effet, d’après la seule ligne qui nous ait été conservée de lui, attaquait une théorie fondamentale d’Hippocrate, théorie chère à Galien. C’est une opinion exprimée, en divers endroits et sous diverses formes, dans la Collection hippocratique, que la constitution atmosphérique étant connue, on peut en déduire quelles seront les maladies régnantes. Cette opinion est-elle, dans les écrits hippocratiques, un résultat d’une observation directe ou de la théorie, c’est une question que je n’examinerai pas ici pour le moment. Mais, pour les successeurs d’Hippocrate et pour Galien, le rapport, entre la constitution atmosphérique et les maladies, dérivait bien moins de l’observation que des doctrines sur les quatre humeurs et sur les qualités élémentaires du chaud, du froid, du sec et de l’humide. Or, Quintus prétendait que ces rapports étaient connus par la seule expérience et sans le raisonnement sur la cause[98]. On comprend, d’après cette remarque, que Galien ait blâmé d’une manière absolue les commentaires de Quintus, mais rien ne prouve que ce blâme soit mérité. Au reste, il faut remarquer que Quintus, rangé par Galien parmi les médecins illustres, n’a rien écrit par lui-même[99] ; c’était Lycus de Macédoine, qui avait été le rédacteur du commentaire de Quintus, son maître[100] ; Lycus composa en outre des commentaires qui lui appartiennent. C’est ce Quintus qui, sentant le vin, et prié par son malade de s’éloigner, à cause de cette odeur, répondit : « Vous pouvez bien la supporter, puisque moi je supporte celle de votre fièvre[101]. » Quintus fut expulsé de Rome par les intrigues des autres médecins ; on l’accusa de tuer les malades ; mais Galien assure qu’il avait excité une jalousie telle, par sa supériorité dans l’art du pronostic, que ses collègues se liguèrent contre lui et le forcèrent à déserter la capitale[102].

Il s’était formé plusieurs écoles différentes qui avaient leurs théories, et qui jugeaient Hippocrate d’après ces théories mêmes. C’est ce qui irrite souvent Galien contre les écrivains appartenant à la secte des empiriques, ou à celle des méthodiques, ou à celle des pneumatiques. Quintus avait, comme on vient de le voir, opposé sa doctrine à celle d’Hippocrate ; Lycus de Macédoine, son disciple[103], fit de même. Il avait commenté les Épidémies[104], les Aphorismes[105], et le Traité des humeurs[106]. On voit, par les citations de Galien, que Lycus avait critiqué l’histoire d’un malade du Troisième livre des épidémies, en y opposant certains passages des Prorrhétiques et un aphorisme ; c’est un des commentateurs que Galien traite le plus mal. « Qui supporterait, dit-il, l’impudence de Lycus le Macédonien, l’ignorance d’Artémidore, la prolixité et les discours incohérents des autres[107] ? » Il lui reproche, ce qui est sans doute plus fondé, de n’avoir pas été fidèle à sa propre doctrine, et d’avoir mêlé aux raisonnements des empiriques des raisonnements empruntés aux dogmatiques[108] ; et il ajoute, avec raison, qu’il faut interpréter un auteur en se mettant à son point de vue, Asclépiade en admettant les pores et les atômes, Hippocrate en admettant les humeurs[109]. Cependant Lycus ne fut point un médecin aussi méprisable que Galien le prétend ; il s’était livré avec distinction à l’étude de l’anatomie, et dans un long morceau que Galien cite[110], et où Lycus combat l’aphorisme que les corps qui croissent ont le plus de chaleur innée, on le voit certainement plus fidèle que Galien à l’observation pure et simple.

Artémidore, surnommé Capiton, donna une édition complète des livres d’Hippocrate, qui fut très favorablement accueillie par l’empereur Adrien. Galien ajoute que, de son temps, elle était encore très recherchée[111]. Ce qu’il reproche le plus à Artémidore, c’est la licence avec laquelle cet éditeur avait altéré le texte en dépit de la consécration que ce texte avait reçue par les commentateurs les plus anciens ; il en rapporte bon nombre de preuves. Ainsi Artémidore, quand le sens le gêne, ne se fait pas faute d’ajouter une négation[112]. On lit dans un passage du Sixième livre des épidémies une phrase dont le sens ne paraît pas clair à Galien, et qui est en effet fort obscure. Elle est ainsi conçue : clavicule saillante, veines transparentes (κλεῖς περιφανέες, φλέβες διαφανέες) : Artémidore changea cela en : la pléthore excessive est saillante, les veines sont transparentes (ἡ ἄγαν πλήρωσις, φλέβες διαφανεῖς). Galien dit qu’il a trouvé, dans tous les manuscrits consultés par lui, l'ancienne leçon ; que les commentateurs, s’ils avaient rencontré quelque part la phrase d’Artémidore, ne se seraient donné aucune peine pour interpréter un texte aussi clair, et que rien n’autorisait l’éditeur à faire un changement aussi considérable[113]. Artémidore avait supprimé l’ionisme dans plusieurs cas, sinon dans tous[114]. Son édition a été certainement une cause influente de l’altération si fréquente de l'ionisme des écrits hippocratiques.

Son parent, Dioscoride[115], qu’il ne faut pas confondre avec l’auteur du Traité de matière médicale, plus ancien que lui, publia aussi une édition complète des œuvres d’Hippocrate, qui paraît avoir eu une grande conformité avec celle d’Artémidore, et à laquelle Galien distribue à peu près le même blâme et le même éloge. Elle donne lieu à quelques détails curieux sur l’ancien état de la Collection hippocratique. Les manuscrits du Troisième livre des épidémies, que renferme la Bibliothèque Royale, présentent, après la série des seize malades dont l’histoire termine ce livre, un passage d’une vingtaine de lignes qui, dans presque tous les imprimés, est placé avant l’histoire de ces seize malades. Galien[116] nous donne l’explication de l’une et l’autre dispositions. Le passage en question était mis, dans les anciennes éditions des œuvres hippocratiques, après l’histoire des seize malades. Dioscoride reconnut qu’il y avait eu transposition, et, dans son édition, il le remit à la place qu’il occupe aujourd’hui dans nos imprimés. Galien le loue de cet arrangement ; cependant lui, dans son commentaire, suit l’ancien texte ; l’on voit que nos manuscrits de Paris représentent l’arrangement antérieur à Dioscoride ; mais les imprimés prouvent ou qu’il nous est arrivé une copie de l’édition de ce médecin, ou que nos éditeurs ont suivi son conseil. Il avait eu soin de mettre des titres aux différentes sections des écrits hippocratiques. Ainsi dans l’endroit du Troisième livre des épidémies qui commence par ces mots : année chaude, pluvieuse, Dioscoride avait mis en titre : Constitution chaude et humide. Les autres exemplaires n’avaient rien de semblable, cependant quelques-uns avaient : Constitution, κατάστασις[117]. Dioscoride se prétendait plus grammairien que les autres éditeurs[118], et il avait marqué d’un signe (ὀβελός) certains passages, comme Aristarque faisait pour les vers d’Homère qu’il suspectait[119]. C’est sans doute à cause de cette prétention qu’il avait changé plusieurs mots usités en d’autres anciens et inusités, sans rien changer au sens, et seulement pour substituer des archaïsmes aux locutions vulgaires[120]. Il paraît cependant, d’après un passage de Galien, que Dioscoride respectait assez son texte pour mettre à côté de la nouvelle leçon qu’il adoptait, l’ancienne qu’il rejetait[121]. Ce soin faisait ressembler son édition aux nôtres, dans lesquelles nous notons les variantes des manuscrits. Dioscoride faisant une correction, et ajoutant qu’il n’avait trouvé que dans deux exemplaires la leçon regardée comme l’ancienne, Galien dit que, pour lui, ayant parcouru les bibliothèques publiques et privées, il n’avait trouvé que la vieille leçon[122]. Dioscoride, que Galien, pour le distinguer des autres Dioscoride, appelle le jeune, celui qui a vécu du temps de nos pères[123], avait composé un glossaire des mots hippocratiques. Mais quoique cet ouvrage fût formé de plusieurs livres, il ne contenait pas l’explication du tiers ou même du quart de ces mots. Dioscoride n’avait pas, à ce qu’il semble, fait une distinction exacte des termes qu’il fallait interpréter, et il avait donné place dans son glossaire aux mots les plus usités, aux expressions les plus claires. « Si quelqu’un ignore, dit Galien, ce que signifient « ἄμφω, ἀμφιέσμα, et autres semblables, nous le renvoyons à Dioscoride et à ceux qui se sont complus à donner de pareilles explications[124]. » En outre, il avait copié de longs passages de Niger, de Pamphile, de Dioscoride d’Anazarbe, et avant eux de Cratevas, de Théophraste, d’Héraclide de Tarente, et d’une foule d’autres, sur les arbres, les herbes, les substances minérales, les poissons et les animaux dont il est fait mention dans les œuvres hippocratiques[125]. Ces détails, qui ont paru superflus à Galien, nous auraient été fort utiles, et il est certainement très-regrettable que l’ouvrage de Dioscoride ne soit pas parvenu jusqu’à nous. Il avait en outre exposé les noms des villes les plus connues, des astres les plus remarquables que, dit Galien, un enfant même n’ignore pas[126]. Au reste, malgré toutes ses critiques, Galien, ainsi qu’on le voit par son Glossaire, a souvent consulté Dioscoride.

Artémidore Capiton et Dioscoride ont certainement contribué à entretenir l’étude des œuvres hippocratiques ; et ces deux éditeurs, quoiqu’il ne reste que des traces à demi-effacées de leur œuvre, méritent un souvenir de celui qui, plus de seize siècles après eux, entreprend la même tâche.

Galien cite un petit nombre de fois[127] un commentateur des Aphorismes, Numésianus ; il donne très peu de détails sur ce médecin ; seulement il paraît en faire cas ; car, après avoir rapporté une interprétation mauvaise, suivant lui, d’Artémidore et de Numésianus, il ajoute : « Cela ne m’étonne pas dans Artémidore, puisqu’on trouve dans ses commentaires une foule d’erreurs mais cela m’étonne de Numésianus qui est un homme de sens et qui n’a pas l’habitude de se perdre en paroles vides[128]. »

Galien cite, en même temps que Numésianus, un auteur encore plus inconnu, nommé Dionysius, qui avait aussi commenté les Aphorismes.

Pélops, disciple de Numésianus[129], avait composé un écrit intitulé : Introductions hippocratiques, qui était au moins en deux livres, et où il avait soutenu très vivement que le cerveau est l’origine non seulement des nerfs, mais encore des veines et des artères. C’était défendre l’opinion qui se trouve exprimée dans l’appendice du Traité de la nature de l’homme. Galien regarde cette assertion de Pélops comme la plus surprenante et la plus incroyable ; d’autant plus que Pélops, dans son Troisième livre de l’anatomie des veines, les faisait venir du foie[130]. Pélops avait traduit les Aphorismes en latin, rendant avec beaucoup de soin le mot pour le mot[131]. Le maître de Galien disait que la vie humaine se divise en cinq parties, l’oisive, la laborieuse, la virile, la sénile, et la décrépite. L’oisive est celle de la première enfance où l’intelligence n’est pas développée ; la laborieuse, celle où commencent les exercices et les travaux de la jeunesse ; la virile, celle qui se distingue par la force de l’âge ; la sénile, celle où l’on voit le déclin de la vigueur ; la décrépite, qui est dite bonne ou mauvaise, comme la fin de toute chose[132].

Satyrus et Phécianus ou Éphicianus (car c’est le même personnage, et il ne faut pas en faire deux individus différents, comme Ackermann, dans la Bibliothèque grecque) avaient aussi commenté tout ou partie des œuvres d’Hippocrate. Ils avaient été tous deux disciples de Quintus[133], et tous deux maîtres de Galien[134]. Pélops aussi avait été précepteur du médecin de Pergame, qui l’avait écouté après Satyrus. Celui-ci suivit très exactement les leçons de son maître Quintus, n’y ajoutant, ni n’en retranchant rien ; Phécianus employa, dans l’explication des doctrines hippocratiques, les dogmes du stoïcisme, qu’il embrassa. Galien[135] le dit à propos d’une opinion sur la sensation, qu’un philosophe stoïcien soutenait, et que Phécianus adopta. On trouve l’indication, que Phécianus expliqua, entr’autres, le livre de l’Officine du médecin, et lui et Satyrus le traité des Humeurs[136].

Le dernier commentateur, avant Galien, qui me reste à nommer est un médecin d’Alexandrie nommé Julien, qui avait composé quarante-huit livres contre les Aphorismes d’Hippocrate. Nous avons de Galien un petit écrit polémique contre le deuxième livre de Julien, lequel livre était tout entier consacré à la réfutation du second aphorisme de la première section. Galien traite très mal Julien. « Je demande, dit-il, la permission de punir son ignorance en termes rudes, dont je n’ai pas l’habitude de me servir[137]. » D’abord, il n’est pas vrai que Galien ménage tant ses termes dans sa polémique ; puis, à en juger par les courts fragments que Galien nous a conservés, Julien ne paraît pas un médecin si méprisable. Il fait des objections très fondées à la théorie qui place la cause des maladies dans les humeurs : il dit que, si cette théorie était vraie, on n’aurait besoin contre toute affection que de moyens évacuants : la saignée, les phlegmagogues et les cholagogues quand le mal serait dans le sang, la pituite ou la bile[138]. « Ils ne me persuaderont jamais, ni à moi, ni à eux, disait-il en parlant des médecins ses adversaires, qu’ils savent ce qu’est la nature, grand mot qu’ils vont répétant de tous côtés, et dont ils font, tantôt une substance simple, tantôt un mélange de substances, tantôt une combinaison du froid et de l’air[139]. »

Il faut placer à une époque incertaine, mais avant Galien, qui le cite, un médecin anonyme qui avait composé un Traité sur le régime suivant Hippocrate, et qui l’avait dédié à Victor, consul romain[140].

On peut juger, après une si longue énumération, s’il est vrai que l’étude d’Hippocrate était négligée du temps de Galien, et que ce médecin ait eu le mérite de tirer de l’oubli, où ils étaient tombés, les écrits de l’asclépiade de Cos.

Avant de quitter tous ces commentateurs et de passer à Galien, il ne sera pas inutile de rapporter le jugement que le médecin de Pergame a prononcé sur eux en masse. En l’absence de leurs écrits, ce sera un renseignement sur ce qu’ils ont pu être. Il est très probable aussi que la liste de commentateurs, que j’ai dressée, ne contient pas tous ceux qui avaient travaillé à la critique des écrits hippocratiques. Nous n’avons là que les noms qui se trouvent cités dans les écrivains qui sont parvenus jusqu’à nous ; mais le nombre en était sans doute plus grand, et Galien parle souvent des commentateurs en général, sans en nommer un en particulier. Je donne ici l’avis de Galien sur eux, j’ai indiqué plus haut, en certains cas, les restrictions qu’il faut y apporter.

Les commentateurs avaient fait beaucoup de recherches sur les noms des malades et sur leurs habitations. Ainsi, dans le Troisième livre des épidémies, Hippocrate ayant dit qu’Hermocrate demeurait auprès de la nouvelle muraille, certains commentateurs prétendaient que cette circonstance avait été notée à dessein, parce que une nouvelle construction est malsaine ; d’autres, les contredisant, voulaient prouver que ce n’était pas à cause de la chaux qu’Hippocrate avait fait mention de la nouvelle muraille, mais parce que cette bâtisse avait gêné l’accès de l’air et du soleil à la maison qu’Hermocrate habitait[141].

Les commentateurs s’attachaient à prouver qu’Hippocrate avait bien fait de noter la patrie du malade ; car, ajoutaient-ils, Asclépiade a dit que les habitants de Parium étaient particulièrement soulagés par la saignée[142], Galien les blâme beaucoup de ces inutilités. Plusieurs des commentateurs, négligeant le point de vue médical et ne s’occupant que de l’interprétation grammaticale, vont au plus facile. Ainsi, dans un endroit du Sixième livre des épidémies, où les squames du pityriasis de la tête sont mentionnées, en même temps que le développement d’air dans l’intérieur du corps, ils ne s’inquiètent nullement de ce qui se présente chez les malades ; mais, prenant les mots tels qu’ils sont donnés, ils s’efforcent d’expliquer le texte, en disant que les squames sont engendrées par des humeurs portées vers la tête, que ces humeurs sont entraînées vers les parties élevées par un air chaud, et que, pour cette raison, il s’agit, dans le passage susdit, d’air et de flatuosités. Galien combat une telle interprétation, en remarquant qu’il a vu beaucoup de personnes atteintes de pityriasis du cuir chevelu sans aucun développement de flatuosités ; et il ajoute, que le passage en question ne peut être expliqué que médicalement, et que l’interpréter ainsi, mot à mot, c’est se borner à lire les livres des anciens médecins comme ceux des historiens, Hérodote et Ctésias, et renoncer à y chercher des enseignements utiles à l’art[143].

Ailleurs il dit : « J’admire les commentateurs, ils prétendent seuls comprendre des passages énigmatiques que personne ne comprend ; quant aux propositions qui sont claires pour tout le monde, ce sont les seules qu’ils ne comprennent pas[144]. »

Galien, continuant ses reproches aux commentateurs, dit : « Qu’un d’eux ait à lire une telle observation : le premier jour on tira à la malade une livre et demie de sang, le troisième guère plus d’une demi-livre, car il y avait huit onces. Le professeur[145] commentateur expliquera ce que les Grecs appelaient livre et once ; le médecin voudra savoir quels signes indiquaient la saignée. Cela vaut mieux que de rechercher duquel des Prodicus Hippocrate a entendu parler[146]. » Galien a raison à certains égards. Cependant si les anciens commentateurs que le médecin de Pergame critique ainsi étaient arrivés jusqu’à nous, nous y trouverions des renseignements historiques plus intéressants et plus utiles que certaines longues dissertations médicales où il ne fait que développer ses hypothèses favorites. Il les blâme de rapporter, à propos d’une proposition, toutes les propositions semblables qui se trouvent dans la Collection hippocratique, prétendant qu’il faudrait une année pour lire de tels ouvrages qui, ainsi, restent sans utilité[147]. Le blâme de Galien a pu être juste ; néanmoins il ne serait pas indifférent pour nous de posséder les anciens commentaires faits sur ce modèle.

Certains commentateurs, quand même ils le voudraient, ne pourraient trouver les bonnes explications, parce qu’ils n’ont aucune expérience des choses elles-mêmes ; ils se sont occupés de l’interprétation des mots, et ils sont devenus ce qu’on appelle médecins en paroles[148]. Ce qu’Hippocrate a très clairement dit, les commentateurs l’expliquent mal à cause de leur ignorance en médecine ; mais ils voient clair dans les propositions obscures, et prennent sur eux d’en changer arbitrairement le texte, bien qu’ils ne s’entendent pas sur l’explication[149]. Ils n’arrangent pas les interprétations d’après les textes, mais ils arrangent les textes d’après les interprétations qu’ils ont imaginées[150].

Veut-on avoir un exemple de la manière dont certains commentateurs expliquaient les écrits hippocratiques ? Il est dit dans le Sixième livre des épidémies : toux sèche, non férine, βὴξ ξηρὴ, μὴ θηριώδης. Qu’est-ce qu’une toux férine, se sont-ils demandé ? Les uns ont prétendu que c’était une toux produite par des vers placés à l’orifice de l’estomac (les Grecs appellent les vers θηρία) ; les autres ont soutenu qu’il s’agissait de la toux des phthisiques, dont les ongles se recourbent comme ceux des animaux[151]. Il est certain que ce ne sont pas ces explications alambiquées et absurdes qui rendent regrettable la perte des anciens commentaires.

Le mot coma dont Hippocrate se sert pour exprimer la propension morbide au sommeil, avait fourni matière à des explications si longues qu’elles formaient, dans les ouvrages de certains commentateurs, un volume tout entier[152].

Les grands travaux de Galien sur Hippocrate ont été conservés pour la plupart ; aussi je ne m’y arrêterai pas longtemps. Nous possédons de lui des commentaires sur le Traité de la nature de l’homme ; sur le Régime des gens en santé (ces deux n’en faisaient qu’un dans l’antiquité) ; sur le Régime dans les maladies aiguës ; sur le Pronostic ; sur le Premier livre des prorrhétiques ; sur les Aphorismes ; sur le premier, le deuxième, le troisième et le sixième livre des Épidémies ; sur le Traité des fractures ; sur le Traité des articulations ; sur le livre de l’Officine du médecin ; sur le Traité des humeurs ; des fragments de son commentaire sur le Traité des airs, des eaux et des lieux, et sur le Traité de l’aliment, et un Glossaire sur les mots difficiles de la Collection hippocratique. Nous avons complètement perdu les commentaires sur le livre des Ulcères ; sur le livre des Plaies de la tête ; sur le livre des Maladies, et sur celui des Affections[153] ; un Traité sur l’anatomie d’Hippocrate, en six livres[154] ; un Traité pour expliquer les caractères qui se trouvent dans le troisième livre des Épidémies, promis, sinon exécuté[155] ; un Traité sur le dialecte d’Hippocrate[156] ; enfin un livre sur les véritables écrits du médecin de Cos[157]. L’indication de tous ces commentaires se trouve dans la notice que Galien a composée sur ses livres propres[158], à part ceux pour lesquels j’ai noté des citations particulières. Galien, en différents endroits de ses commentaires, annonce qu’il écrira un livre sur les recherches historiques auxquelles donnent lieu les ouvrages hippocratiques, ajoutant que de pareilles recherches sont placées hors de son objet actuel, et que ses commentaires sont tout entiers réservés aux explications médicales. Il est certain qu’une division ainsi établie marque beaucoup de jugement, et un égal discernement de ce qui est pratique de l’art et érudition ; il est fâcheux que ce traité ne soit pas arrivé jusqu’à nous.

Il ne nous reste donc de ses commentaires que la partie médicale. Quoique son but ait été presque uniquement d’en faire un enseignement de la médecine, cependant il a été forcé, par la nature même de son sujet, d’entrer dans des détails philologiques à propos des différentes leçons que présentaient, de son temps, les manuscrits, et des différentes interprétations qu’avaient données ses prédécesseurs. En cela, il s’est montré généralement critique habile et sensé. « La règle, dit-il, qui m’a paru préférable à suivre, a été de conserver la leçon ancienne, et de m’efforcer de l’expliquer ; je n’ai essayé d’y introduire une correction plausible, que lorsqu’il m’a été impossible d’en tirer un sens[159]. « Je préfère les leçons anciennes, même lorsqu’elles paraissent obscures et d’une explication difficile, car c’est une raison de croire qu’elles sont véritables : les anciens commentateurs les admettent ; et, s’ils avaient osé les changer, ils n’auraient pas manqué de leur donner un sens plus clair[160]. »

« Autre est l’enseignement, dit-il ailleurs[161], que l’on donne directement sur un sujet ; autre est celui qui a pour objet l’explication d’un texte : dans le premier cas, il suffit d’exposer les choses telles qu’elles sont ; dans le second, il faut d’abord connaître l’opinion de l’auteur ancien. Ce n’est donc qu’après une étude préliminaire qu’on peut écrire le commentaire. Le sens du texte étant une fois déterminé, reste à examiner s’il est conforme ou non à la vérité. »

On voit par ces citations que Galien avait parfaitement compris les devoirs d’un médecin critique, et qu’il avait fait une part aux recherches historiques que réclamaient la personne et les écrits d’Hippocrate ; une part à la correction du texte ; une part enfin, et la plus grande, à l’explication médicale. Aussi ses commentaires offrent une source précieuse de renseignements qui aident beaucoup à comprendre les écrits hippocratiques. On ne peut trop faire usage des conseils, des corrections et des explications d’un homme qui se donnait le soin de consulter les manuscrits, qui avait à sa disposition d’antiques bibliothèques, maintenant anéanties, qui possédait de très grandes connaissances dans la philosophie et les sciences, et qui est resté un maître dans la médecine. Le défaut de ses commentaires est non pas tant la prolixité, comme on l’a souvent dit, que le désir de soutenir ses propres théories à l’aide des écrits hippocratiques. Aussi néglige-t-il, dans ces écrits, les théories qui ne concordent pas avec les siennes, et il exalte outre mesure celles qui, comme la doctrine des quatre humeurs, forment la base de son propre système. Un autre défaut, c’est qu’il est extraordinairement avare d’observations, de faits particuliers et de descriptions de maladies. Nous goûterions davantage les développements sur ses théories, s’il y avait joint, comme Hippocrate dans les Épidémies, l’histoire d’un certain nombre de ses malades.

Galien répète à diverses reprises[162], qu’Hippocrate ne s’est pas occupé des maladies en historien, comme Thucydide de la peste d’Athènes. Il assure que l’auteur athénien n’a écrit que pour le vulgaire, et n’a dit que des choses sans portée scientifique. Je ne puis nullement partager l’opinion de Galien. La description de Thucydide est tellement bonne qu’elle suffit pleinement pour nous faire comprendre ce que cette ancienne maladie a été ; et il est fort à regretter que des médecins tels qu’Hippocrate et Galien n’aient rien écrit sur les grandes épidémies, dont ils ont été les spectateurs. Hippocrate a été témoin de cette peste racontée par Thucydide, et il ne nous en pas laissé de description. Galien vit également la fièvre éruptive qui désola le monde sous Marc-Aurèle, et qu’il appelle lui-même la longue peste. Cependant excepté quelques mots épars dans ses volumineux ouvrages, excepté quelques indications fugitives, il ne nous a rien transmis sur un événement médical aussi important, à tel point que, si nous n’avions pas le récit de Thucydide, il nous serait fort difficile de nous faire une idée de celle qu’a vue Galien, et qui est la même (comme M. Hecker s’est attaché à le démontrer[163]) que la maladie connue sous le nom de Peste d’Athènes. C’était une fièvre éruptive, différente de la variole, et éteinte aujourd’hui. On a cru en voir des traces dans les charbons (ἄνθρακες) des livres hippocratiques.

Galien est le dernier des grands médecins de l’antiquité ; il s’en trouve après lui d’estimables, mais ils ne sont plus créateurs, et les meilleurs d’entr’eux luttent en vain contre la décadence de la science. Les commentateurs qui viennent après lui, nous intéressent beaucoup moins que ceux qui l’avaient précédé. D’une part, ils s’éloignent de plus en plus de l’ancienne médecine ; les livres disparaissent par les incendies, par les guerres ; on néglige de les recopier tous ; les sources deviennent moins abondantes, les documents moins authentiques ; de sorte que nous trouvons dans les commentateurs récents peu de renseignements qui ne soient pas déjà dans les commentateurs anciens, et surtout dans Galien. D’une autre part, l’originalité leur manque généralement ; leur admiration pour l’auteur qu’ils commentent, croît avec leur impuissance ; et les explications médicales qu’ils donnent, sont, comme les renseignements historiques qu’ils contiennent, inférieurs à ce qui provient d’une plus haute antiquité. Je m’étendrai donc peu sur ces commentateurs, qui d’ailleurs ne sont pas très nombreux.

Nous ne savons rien sur Domnus et Attalion cités comme commentateurs des Aphorismes dans le commentaire attribué à Oribase[164]. Ce dernier ouvrage, comme on l’a démontré, porte à tort le nom du célèbre médecin de l’empereur Julien ; il présente des traces évidentes d’une époque postérieure, et n’a jamais été écrit en grec. L’auteur réel en est ignoré. Au reste ce commentaire, à part la préface qui contient quelques renseignements curieux, est tout entier consacré à des explications médicales dont la valeur n’est pas très grande.

D’après le témoignage de Suidas, Philagrius avait aussi écrit sur Hippocrate. Ce médecin fut connu par un grand nombre d’écrits dont quelques fragments nous ont été conservés. Théophile cite deux passages, relatifs aux Aphorismes, du commentaire de ce médecin, auquel il donne le nom d’ambulant ou de périodeute[165]. Dans le premier il s’agit de l’aphorisme relatif à l’emploi du froid : « J’ai rencontré, dit à ce sujet Philagrius, un malade ayant une intempérie chaude, ardente de la tête. Ayant employé plusieurs remèdes froids, je n’obtins aucun amendement ; plus tard je lui rasai complètement les cheveux, et je lui appliquai de la neige sur la tête. De cette façon, l'intempérie fut éteinte, et je le guéris de son mal. La neige est un moyen que l’on peut employer dans ces cas.[166] »

Ailleurs Philagrius, arrivé à l’aphorisme où il est question de la guérison de l’ophthalmie par le vin pris à l’intérieur, s’étend longuement sur les qualités que doit avoir le vin employé contre les inflammations de l’œil, indique qu’on se servira de vin blanc doux, jeune, et ajoute que, si le malade a la tête susceptible, on coupera le vin avec de l’eau[167].

Gésius est un autre commentateur des Aphorismes d’Hippocrate, ou du moins il les expliquait à ses élèves. Dans le dernier aphorisme de la deuxième section il est dit : qu’une grande taille va bien à la jeunesse, mais se déforme dans un âge avancé. Gésius, quand il en venait là dans ses leçons, disait à ses disciples : « Si vous voulez vous convaincre de la vérité des paroles d’Hippocrate, vous n’avez qu’à me considérer. En effet, dans sa jeunesse il avait été d’une taille élevée et d’un bel extérieur ; mais en avançant en âge il était devenu tout courbé[168].

Asclépius, médecin du reste ignoré, n’est connu que par le scholiaste que M. Dietz vient de publier, et qui le cite comme ayant commenté les Aphorismes. Asclépius, qui paraît avoir travaillé sur toutes les œuvres hippocratiques[169], s’était imposé une bonne méthode, c’était d’expliquer Hippocrate par lui-même[170]. Mais, à en juger d’après le petit nombre d’exemples que Théophile en rapporte, Asclépius avait suivi cette méthode avec peu de jugement et avec un esprit étroit ; ainsi, plusieurs commentateurs ayant condamné l’aphorisme qui attribue de l’utilité aux affusions froides dans les douleurs de la goutte et des contractions musculaires, Asclépius le défend : « Le froid, dit-il, est utile dans ces cas, non par sa nature propre, mais accidentellement et parce que, concentrant la chaleur innée, il la multiplie et dissipe la cause morbifique[171]. » Cette explication, si elle se tient près des termes d’Hippocrate, est éloignée de son esprit. Ce même médecin rapporte une observation de superfétation dont je lui laisse la garantie : « J’ai vu, dit-il[172], une femme, qui, étant en ceinte, eut des rapports avec son mari au sixième mois de sa grossesse ; au neuvième mois elle accoucha d’un premier enfant, et, six mois après cet accouchement, elle en mit un autre au monde. »

Étienne d’Athènes cite, dans ses propres commentaires, un auteur qu’il désigne par le nom de nouveau commentateur (ὁ νέος ἐξηγητής), et qui, ainsi que le conjecture M. Dietz, est sans doute Asclépius[173]. Ce nouveau commentateur essaie de prouver que le siége de l’intelligence est dans le cœur. Hippocrate, dans le Pronostic, dit que l’inflammation de l’oreille détermine parfois le délire ; de là, les interprètes ont tiré la conclusion qu’il plaçait le siége de l’intelligence dans la tête. Le nouveau commentateur combat ce point de doctrine : « Ce n’est pas à cause du cerveau, c’est à cause de la fièvre que le délire est survenu ; Hippocrate dit lui-même qu’une fièvre aiguë s’était établie. La fièvre prend son origine dans le cœur, le délire est produit par la fièvre, donc l’intelligence est dans le cœur[174]. »

Tous ces commentaires ont péri ; il n’en est pas de même de ceux de Palladius. Ce dernier, qui porte le nom d’Iatrosophiste alexandrin, et qui a vécu probablement dans le septième ou le huitième siècle de l’ère chrétienne, a composé des explications sur le Traité des fractures et sur le Sixième livre des épidémies. Les premières ont été publiées en grec par Foës dans son édition d’Hippocrate ; les secondes par M. Dietz dans sa collection des scholiastes grecs. Ces commentaires contiennent beaucoup d’emprunts à Galien, et Palladius dit comme lui : « Nous autres médecins nous nous occupons des choses et non des mots. » Malheureusement il a moins de titres pour tenir ce langage que l’illustre médecin de Pergame ; et, après avoir lu les commentaires de ce dernier, on ne retirera qu’un médiocre fruit de ceux du professeur d’Alexandrie.

On peut placer, suivant M. Dietz[175], à peu près au même temps que Palladius, Jean d’Alexandrie, dont il nous reste un fragment d’un commentaire sur le Traité de la nature de l’enfant. Cet écrit, qui n’est pas inutile à l’interprétation de l’ouvrage hippocratique, nous apprend que le Traité de la nature de l’enfant avait été commenté plusieurs fois. Aucun de ces commentaires n’est venu jusqu’à nous ; celui de Jean est le seul qui ait été conservé, encore est-il incomplet. J’y remarque une citation de Démocrite, qui disait : « C’est l’intelligence qui voit, c’est l’intelligence qui entend, tout le reste dans le corps est aveugle et sourd[176]. » Jean commet l’erreur chronologique de placer Hippocrate après Platon[177].

On manque de renseignements sur Étienne d’Athènes. On le confond ordinairement avec un autre Étienne d’Alexandrie ; mais, suivant M. Dietz[178], ce sont deux personnages différents ; et celui d’Alexandrie était un alchimiste. On ignore l’époque où Étienne d’Athènes a vécu. M. Dietz ne serait pas éloigné de le faire contemporain de l’empereur Héraclius ; cependant il observe qu’il se trouve, dans le commentaire d’Étienne sur le Livre thérapeutique de Galien adressé à Glaucon, des mots qui paraissent d’une grécité beaucoup plus récente que cette époque[179]. Quoi qu’il en soit, Étienne est certainement le plus important de tous ces commentateurs modernes d’Hippocrate. Nous possédons de lui un commentaire sur les Aphorismes, et un autre sur le Pronostic. Ces deux ouvrages, qui ont été publiés pour la première fois en grec par M. Dietz, forment un utile complément aux commentaires de Galien lui-même. On y trouve des explications, des rapprochements et des citations que l’on chercherait vainement ailleurs. M. Dietz a rendu un véritable service à l’érudition médicale en donnant une édition de cet auteur.

Au reste, ce qui ajoute encore à l’incertitude sur Étienne, c’est que des commentaires qui sont identiques dans une grande étendue avec les siens portent le nom de Mélétius. Est-ce Mélétius ou Étienne qui en est l’auteur ?

Théophile ou Philothée (car c’est probablement le même nom et le même personnage) est appelé dans les anciens manuscrits médecin, protospathaire, ou chef des gardes, moine et philosophe. Il fut certainement chrétien, et Fabricius croit qu’il vécut du temps de l’empereur Héraclius. On prétend généralement qu’il fut le précepteur d’Étienne, mais M. Dietz[180] est contraire à cette opinion, et il montre que Théophile n’est qu’un abréviateur des explications d’Étienne. Le commentaire qui nous reste de Théophile est sur les Aphorismes. Ce Théophile ne fait pas preuve d’indépendance d’esprit à propos de l’aphorisme : « L’afflux du sang dans les mamelles chez les femmes annonce la folie. » Théophile remarque que Galien regarde cette proposition comme fausse, puis il ajoute : « Comme nous savons qu’Hippocrate ne s’est jamais trompé, nous ajouterons, pour corriger Galien, que ce phénomène a été observé, mais rarement, par Hippocrate. Quant à nous, nous n’en avons jamais vu d’exemple[181]. »

Il faut mettre, à côté des abréviateurs comme Théophile, Damascius, dont M. Dietz a aussi publié pour la première fois en grec le commentaire sur les Aphorismes. Après ces écrivains, les travaux des Grecs vont en se ralentissant de plus en plus, mais les Arabes leur succèdent dans la culture de la médecine ; ils traduisent et commentent à leur tour Hippocrate jusqu’au moment où l’Occident reprend le sceptre des sciences.

La traduction latine que Pélops avait donnée des Aphorismes n’est pas la seule que l’antiquité ait possédée. Cassiodore, qui avait été ministre de Théodoric, roi des Ostrogoths, cite une traduction latine d’Hippocrate, qu’il recommande, avec Galien et Cælius Aurelianus, comme la source de l’instruction médicale[182].

Je me suis attaché, dans la liste de commentateurs que le lecteur vient de parcourir, à donner autant de détails que je l’ai pu sur ceux dont les écrits ont complètement péri ; passant beaucoup plus légèrement sur ceux qui subsistent encore, et qui, étant entre les mains des médecins, peuvent être facilement consultés.

Cette liste, outre les renseignements qu’elle fournit sur l’étude des livres hippocratiques, sur les hommes qui s’y sont livrés, sur la transmission des doctrines, cette liste, dis-je, donne une solution positive de deux questions capitales dans toute la critique des écrits qui portent le nom d’Hippocrate. Ces deux questions sont : la détermination de la date la plus ancienne à laquelle on peut reporter la Collection hippocratique telle que nous la possédons encore, et l’authenticité générale de ces textes dans leur transmission depuis cette date jusqu’à nos jours.

Xénocrite de Cos avait expliqué les mots les plus difficiles de cette Collection ; Bacchius, après lui, en avait fait autant ; Philinus avait combattu Bacchius, et Philinus avait été auditeur d’Hérophile. Ce que nous savons de ces explications (on le verra dans le chapitre suivant) montre qu’elles avaient porté sur l’ensemble des livres hippocratiques. Ainsi, Xénocrite étant antérieur à Bacchius, non seulement les successeurs d’Hérophile, mais encore ses contemporains, ont travaillé sur l’ensemble des livres dits d’Hippocrate. Ce résultat, obtenu par des recherches directes, concorde d’une autre part avec une phrase jetée en passant par Galien, où ce médecin dit que, dès l’époque d’Érasistrate, la dernière partie du traité du Régime dans les maladies aiguës était jointe à la première[183]. L’époque de la publication de la Collection hippocratique est donc forcément reportée au temps même ou ont vécu Hérophile et Érasistrate, c’est-à-dire à ce qu’il y a de plus antique dans la fondation des études de médecine et d’érudition à Alexandrie.

Une aussi longue série de commentateurs, qui commence à Hérophile, trois cents ans avant J.-C., et qui se termine plusieurs siècles après, montre que l’art de la critique a embrassé, dans l’antiquité, toutes les parties qui sont de son ressort : corrections du texte hippocratique ; discussions sur l’authenticité des écrits ; et explications sur les théories médicales. À nous, qui venons si long-temps après eux, l'intelligence des doctrines est plus facile que la connaissance des caractères qui font l’authenticité de tel ou tel écrit. Cette lacune dans nos moyens d’exploration donne une importance d’autant plus grande à tout ce qui a été sauvé de la critique ancienne, livres, jugements, conjectures, indices fugitifs, mentions rapides, allusions et citations que l’on voudrait plus développées, mais que l’on chercherait vainement ailleurs. Malheureusement ces écrivains ne nous ont mis que dans un petit nombre de cas en état d’apprécier les motifs qui déterminaient leur opinion sur la légitimité ou l’illégitimité des différents écrits de la Collection hippocratique. Si, dans ce qui nous reste d’eux, nous trouvions leurs jugements plus souvent motivés, cela seul nous communiquerait une partie des notions qui leur étaient encore accessibles, et qui ont cessé de l’être pour nous. Malgré cette insuffisance, leur succession si bien suivie, leurs travaux si multipliés, leurs esprits si divers, leur polémique si vive, sont autant de gages et d’assurances pour la critique moderne pendant toute la période de temps qu’ils embrassent. On ne peut nier, après cet exposé, que, toutes les fois qu’ils s’accordent sur un point, leur opinion devient d’un grand poids ; car ils ont beaucoup examiné et beaucoup débattu. Il résulte encore de la suite non interrompue des commentateurs dont je viens de faire passer la revue au lecteur, que les textes des livres hippocratiques sont étudiés, interprétés et fixés dans leur ensemble depuis une antiquité qui ne remonte pas à moins de trois cents ans avant J.-C. ; que chacun de ces commentateurs a donné, pour l’époque où il a vécu, une sorte de copie légalisée des livres hippocratiques ; que par conséquent ces textes, sauf les erreurs des copistes, ont une incontestable authenticité, même dans ce qu’ils ont de plus obscur et de plus incomplet. Ce n’est pas la moins importante des conclusions que j’ai voulu tirer de l’énumération exacte de tant de livres qui ont presque tous péri, de tant d’écrivains dont il ne nous reste que des mentions fugitives.

  1. Ce sujet a déjà été traité par Preu, sous ce titre, De interpretibus grœcis Hippocratis ; je n’ai pu me procurer cette dissertation.
  2. Ἄμεινον δὲ ἦν Περὶ τῶν κατ’ ἠτρεῖον ἐπιγεγράφθαι, καθάπερ ἐνιοι τὸ Διοκλέους ἐπιγράφουσι, καὶ Φιλοτίμου καὶ Μαντίου· γεγραφότων γὰρ καὶ τούτων τῶν ἀνδρῶν εἰς τὴν αὐτὴν ὐπόθεσιν ἐν ἑκάστῳ βιβλίῳ. t. v, p. 661, Éd. Bas., et plus loin : ἡ ἐπιγραφὴ τοῦ συγγράμματος ἐντεῦθεν ἐγένετο, ᾗ παραπλησίως εἰς ὕστερον ἐποιήσατο Διοκλῆς καὶ Φιλότιμος καὶ Μαντίας. pag. 667.
  3. Διοκλῆς δ’ ἐν τῷ Κατ’ ἰητρεῖον, ὑπόκοιλόν τινα χώραν. p. 86, Éd. Franz.
  4. Γλώττας ἐξηγήσαιτο μόνας ὥσπερ ὁ Ἡρόφιλος. Gal. Gloss. p. 404, Éd. Franz.
  5. Comment., sur le Pronostic d’Hippocrate, pag. 61, Éd. Dictz.
  6. Chr. Liv. IV, c. VIII.
  7. Tom. V, p. 120, Éd. Basil.
  8. Tom. V, p. 120, Éd. Basil.
  9. T. V, pag. 328, Éd. Basil. Οἱ πρῶτοι ἐξηγησαμένων τοὺς Ἀφορισμοὺς, ὧν ἐστιν Ἡρόφιλος ὁ Βακχεῖος, Ἡρακλείδης τε καὶ Ζεῦξις οἱ ἐμπειρικοί.
  10. Hist. med., p. 382.
  11. P. 32, Éd. Franz : Ἡροφίλος συνώνυμον θεὶς τὸ ἀλύειν τῷ πλανᾶσθαι.
  12. On pourrait croire d’après un passage de Galien (t. v, p. 410, Éd. Bas.) qu’Hérophile avait aussi commenté le 3e livre des Épidémies : Ζήνων καὶ Ἡροφίλειος, οὐχ ὁ τυχὼν ἀνὴρ, ἐξηγούμενος… ἐν τῷ τρίτῳ τῶν Ἐπιδημιῶν. Il est évident par le contexte de la phrase qu’au lieu de Zénon et Hérophile, il faut lire Zénon de la secte hérophilienne (Ζήνων ὁ Ἡροφίλειος). Fabricius (Bibl. Gr. T. 15, p. 454) et Schulze (Hist. med. p. 382) ont indiqué cette correction, qui, au reste, tend à faire suspecter davantage le texte, cité plus haut, relatif à Hérophile et à Bacchius.
  13. Gloss. p. 490, Éd. Franz. Voici le texte grec : Ὅθεν καὶ Ἐρωτιανὸς οὐ μόνον αὐτὸ τὸ ζῶον κάμμορον, ἀλλὰ καὶ τὸ περικείμενον αὐτῷ βρύον, οὕτως ὀνομάζεσθαι φησι. Ζήνων δὲ ὁ ᾙροφίλειος τὸ κώνειον, Ζεῦξις δὲ φάρμακον ψυκτικόν.
  14. Érotien, p. 6, Éd. Franz.
  15. Μεθ’ ὃν φασὶ τὸν Ταναγραῖον Βακχεῖον ἐπιβαλεῖν τῇ πραγματιείᾳ. p. 8, Éd. Franz.
  16. Page 38, άλλοφάσσειν.
  17. Page 12.
  18. Dans quelques manuscrits d’Érotien, on lit Aristéas et même Aristobule.
  19. Érotien, p. 216.
  20. Galien, t. v, p. 413, Éd. Basil.
  21. Galien, t. v, p. 442, Éd. Bas.
  22. Galien, t. v, p. 528.
  23. Galien, t. v, p. 662.
  24. Ἐν τῷ πρώτῳ τῶν Λέξεων. Érot. p. 32. Éd. Franz.
  25. Galien, Glossar. p. 404, Éd. Franz.
  26. Érotien, p. 8, Éd. Franz.
  27. Τὰς ἀφορμὰς λαβὼν παρὰ Ἡροφίλου οὖ καὶ ἀκουστὴς ἐγένετο.
  28. Ἀτρεκέως … Φίλινος μόνον ἀκριβῶς. Érot. p. 52. Ed. Franz. ἄμβην. p. 86.
  29. Érotien, p. 16, Éd. Franz.
  30. Comm. sur le Traité des humeurs, p. 2, Éd. Kühn.
  31. Galien, t. v, p. 662, Éd. Basil.
  32. Galien, t. v, p. 411, Éd. Basil.
  33. Galien, t. v, p. 471, Éd. Basil.
  34. Galien, t. v, p. 436, Éd. Basil.
  35. Galien, Comment. sur le Traité des humeurs, t. XVI, pag. 1, Éd. Kühn.
  36. Νοῆσαι μὲν ἱκανὸς, γράψαι δὲ ἄτονος. Diog. Laert. p. 251, Éd. H. Steph.
  37. Galien, t. v, p. 410, Éd. Basil.
  38. J’expliquerai plus loin ce qu'étaient ces exemplaires des vaisseaux.
  39. Érotien, p. 8, Éd. Franz.
  40. Pline, XXI, 3.
  41. Érotien, p. 8, Éd. Franz.
  42. Ibid.
  43. Ibid.
  44. Ibidem. Lysimaque est cité dans les Gloses de Nicandre au sujet de la plante appelée δορύκνιον, et il y est appelé Λυσίμαχος ὁ Ἱπποκράτειος, p. 55.
  45. Érotien, p. 12.
  46. Galien, t. V, p. 412, p. 442 et p. 515, Éd. Basil.
  47. Galien, t. III, p. 48.
  48. Érotien, p. 16.
  49. Érotien, p. 308.
  50. Τὸ ἔξω γινόμενον ἐρύθημα. Érot. p. 144. Éd. Franz.
  51. Érotien, p. 192. Cet Ischomaque serait-il le même que Histomaque dont Soranus parle et qui avait écrit un traité intitulé de la Secte d’Hippocrate ?
  52. Érotien, p. 318.
  53. Page 196. Κλαγγώδη όμματα.
  54. Page 306.
  55. Νίκανδρος ὁ ἐποποιὸς ἐν τρίτῳ Γλωσσῶν. Athén. VII, p. 288.
  56. Ἀθέλγηται Ἐπικλῆς, ἐκθλίβηται, ὡς καὶ Νίκανδρος ἐξηγεῖται p. 72.
  57. Scholia in Hipp. Édit. Dietz, t. I, p. 2.
  58. Κλαγγώδη, p. 198.
  59. Scholia in Hipp. Éd. Dietz, t. 1, p. 4.
  60. Ibid. p. 35. Cet Hégétor est celui dont parle Galien dans son Traité sur la distinction du pouls. Il réunit dans une même phrase plusieurs médecins d’Alexandrie : Ἀλλὰ τί μὴν Ἡρόφιλος εἶπεν, τί δ’ Ἡρακλείδης τε καὶ Χρύσερμος καὶ Ἡγήτωρ οὖκ ὀρθῶς ἐξηγήσαντο, τί δ’ ἄν εἶπεν Ἀπολλώνιος καὶ Βακχεῖός τε καὶ Ἀριστόξενος, εἰδέναι βουλόμεθα. T. III, p. 83, Éd. Basil.
  61. Scholia in Hipp. Éd. Dietz, t. 1, p. 35.
  62. Tome V, p. 662, Éd. Basil.
  63. P. 334, Éd. Franz : Μαρτυρεῖ δὲ Ἀσκληπιάδης ἐν τῷ Ἐξηγητικῷ τοῦ Κατ’ Ἰητρεῖον λέγων· ἔστι γὰρ ὁ σκέπαρνος, ὅταν ὁ ἐπίδεσμος ἐπιβάλλων αὐτὸς ἑαυτοῦ καὶ σχιζούμενος, κλάσιν τινὰ γωνίαν· οἷον ὅταν ὀρθόλοξον ἐπιδεθῆ.
  64. Acut. 3, 1,
  65. P. 300, Éd. Franz.
  66. Ville célèbre sur l’Hellespont.
  67. Tome I, p. 436. Éd. Basil.
  68. Histoire de la médecine, t. III, p. 106.
  69. Fabricii Bibl. Gr., t. III, p. 600, Éd. Harles.
  70. Geschichte der Heilkunde, B. 1, p. 437.
  71. Gloss. p. 66 et p. 214, Éd. Franz.
  72. Ἀορτέων. Καμμάρῳ.
  73. Ἐν τῷ β’τοῦδε τοῦ συγγράμματος ἐξηγητικῷ. p. 216, Éd. Franz.
  74. Galien, Tom. v, p. 337, Éd. Basil.
  75. Προῤῥητικὸν, αʹ καὶ βʹ, ὡς οὐκ ἔστιν Ἱπποκράτους, ἐν ἄλλοις δείξομεν, p. 23, Éd. Franz.
  76. Ὅτι δὲ ψεῦδος παραδεδώκασιν, ἀλλαχόσε δείξομεν. p. 208, Éd. Franz.
  77. Obs. p. 3, seq.
  78. Tome iv, p. 410, Éd. Basil.
  79. Galien, t. v, p. 462, Éd. Basil.
  80. Galien, t. v, p. 4, Éd. Basil.
  81. Μετέωρος δ’ ἦν ἡ ἀναπνοὴ, τουτέστιν ἄκρᾳ τῇ ῥινὶ ἀνέπνει, διὰ φλεγμονὴν τῆς ἀρτηρίας καλεομένης τῆς εὐρυχωρίας, καὶ μηκέτι δυναμένης τῆς ὁλκῆς τοῦ πνεύματος εἰς τὸν πνεύμονα γενέσθαι. Gal., t. v, p. 410, Éd. Basil.
  82. Galien, t. v, p. 433, Éd. Basil.
  83. Tome v, p. 402, Éd. Basil.
  84. Tome v, p. 39, Éd. Basil.
  85. Galien, t. v, p. 402, Éd. Basil.
  86. Galien, t. v, p. 338, Éd. Basil.
  87. Noctes Atticœ, lib. 5, cap. 16 : Sabinus medicus qui Hippocratem commodissime commentatus est.
  88. Noctes Atticœ, lib. 5, cap. 16 : Ἔστι μὲν φαινόμενα ὡς ζῶα μετὰ τὴν ἔκτρωσιν· οὐκ ἔστιν ὡς θνήσκοντα μετὰ ταῦτα καὶ ἔστιν οὖν φαντασίᾳ μὲν παραυτίκα ὄντα, δυνάμει δὲ οὐκ ἔστιν.
  89. Galien, t. v, p. 454, Éd. Basil.
  90. Ἀνδρας τοῖς Ἱπποκράτους γράμμασιν ὡμιληκότας οὐ παρέργως. De lib. prop. t. i, p. 55, Éd. Chart.
  91. Ἀνὴρ φυλάσσειν μέν ἀεὶ πειρώμενος τὰς παλαιὰς γραφάς. t. v, p. 188, Éd. Basil.
  92. Ζεῦξις δὲ, εἰ ἄρα δεῖ καὶ τούτου μνημονεῦσαι, κατὰ μολὺ διαφεύγων τὸ ἀσύνετον (συνετὸν ?), ἐνταῦθα διαπέφηνεν. Ἐπιπεσὼν γὰρ ἁμαρτήματι, ἐφύλαξεν αὐτό. Βούλεται γὰρ γεγράφθαι τὸ οὖρα πέπονα, ὡσεὶ καὶ οὖρα πυώδη καὶ πάχος ἔχοντα μοχθηρὸν, οὐκ εἰδὼς τοῦτ’ ὅτι ταῦτ’ ἐν τοῖς μεγίστοις βοηθήμασι καταριθμεῖται. Gal., t. v, p. 188, Éd. Basil.
  93. Oribasii comm. in aphorismos Hippocratis, p. 10, Éd. Basil. 1535.
  94. Galien, t. v, p. 317, Éd. Basil.
  95. Tome v, p. 324, Éd. Basil.
  96. Galien, t. v, p. 22, Éd. Basil.
  97. Ἀνδρὸς ἀνατομικωτάτου. Galien, t. iv, p. 362, Éd. Basil.
  98. Τῇ πεῖρᾳ γὰρ μόνῃ τοῦτ’ἐγνωσθαί φησιν ὁ Κόϊντος ἄνευ τοῦ κατὰ τὴν αἰτίαν λογισμοῦ. Gal. t. V, p. 345, Éd. Basil.
  99. Καὶ μάλισθ’ὅτι μηδ’ἔγραψαν ἔνιοι σύγγραμμα μηδὲν, ὥσπερ Σωκράτης, καὶ ὁ Πυθαγόρας, καὶ τῶν καθ’ ἡμᾶς ἐνδόξων ἰατρῶν Κόϊντος. Gal. t. V, p. 11, Éd. Basil.
  100. Τοῦ Λύκου, γράφοντος μὲν, ὥς φησιν, ἐξηγήσεις Κοΐντου τοῦ διδασκάλου. Gal. t. V, p. 252, Éd. Basil.
  101. Galien, t. v, p. 495, Éd. Basil.
  102. Tome iii, p. 451, Éd. Basil.
  103. Et non son maître, comme le dit à tort Ackermann dans son excellente notice littéraire sur Hippocrate.
  104. Galien, t. v, p. 396, Éd. Basil.
  105. Ibidem, p. 252.
  106. Galien, Commentaires sur le Traité des humeurs, t. 16, p. 17, Éd. Kuhn.
  107. Ibidem.
  108. Galien, t. v, p. 252, Éd. Basil.
  109. Galien, t. v, p. 396, Éd. Basil.
  110. Tome v, p. 334, Éd. Basil.
  111. Tome v, p. 4, Éd. Basil.
  112. Galien, t. v, p. 489 et p. 572, Éd. Basil.
  113. Tome v, p. 488, Éd. Basil.
  114. Galien, t. v, p. 442, Éd. Basil.
  115. Galien, t. v, p. 4, Éd. Basil.
  116. Galien, t. v, p. 431, Éd. Basil.
  117. Galien, t. v, p. 418, Éd. Basil.
  118. Galien, t. v, p. 463, Éd. Basil.
  119. Galien, t. v, p. 17, Éd. Basil.
  120. Galien, Glossaire, p. 438, Éd. Franz.
  121. Ἀλλ’ ὁ μὲν Διοσκορίδης δευτέραν γραφὴν, ὡς εἴωθε, προσέθηκεν. Gal. t. v, p. 489, Éd. Basil.
  122. Galien, tome t.  v, p. 502, Éd. Basil.
  123. Galien, Glossaire, p. 402, Éd. Franz.
  124. Galien, Glossaire, p. 408, Éd. Franz.
  125. Galien, Glossaire, p. 402, Éd. Franz.
  126. Galien, Glossaire, p. 402, Éd. Franz.
  127. Tome v, p. 282 et 293, Éd. Basil.
  128. Ἐγὼ μὲν τὸν Καπίτωνα οὐ θαυμάζω, ἐπειδὴ πάμπολλά ἐστιν εὑρίσκειν αὐτοῦ ἁμαρτήματα· τὸν δὲ Νουμεσιανὸν πάνυ θαυμάζω ὡς, καὶ συνετὸν καὶ φρόνιμον καὶ μὴ εἰωθότα παραληρεῖν. Gal., t. xvi, p. 197, Éd. Kühn.
  129. Gal., t. v, p. 22, Éd. Basil.
  130. Καὶ τόγε θαυμασιώτατόν τε καὶ ἀπιστότατον ὁ Πέλοψ ἔπαθεν· ἐν μιᾷ πραγματείᾳ τῶν τε φλεβῶν ἀρχὴν κατεσκεύασε τὸν ἐγκέφαλον· ἀνατομήν τε γράφων αὐτῶν, ἀφ’ ἥπατος ἤρξατο· κατὰ μὲν τὸ δεύτερον σὺγγραμμα τῶν Ἱπποκρατείων Εἰσαγωγῶν εὖ μάλα γενναίως ἀγωνισάμενος ὑπὲρ τοῦ δεῖξαι τὸν ἐγκέφαλον οὐ νεύρων μόνον, ἀλλὰ καὶ φλεβῶν καὶ ἀρτηριῶν ἀρχήν· ἐν δὲ τῷ τρίτῳ τῆς Ἀνατομῆς τῶν φλεβῶν ἀφ’ ἥπατος ἀρξάμενος. Gal., t. i, p. 502, Éd. Basil.
  131. Oribasii Comm. in Aphorismos Hippocratis, p. 8, Basileæ, 1535.
  132. Oribasii Comm. in Aphorismos Hippocratis, p. 10, Basileæ, 1535.
  133. Galien, t. iv, p. 370, Éd. Basil.
  134. Galien, t. xvi, p. 484, Éd. Kühn.
  135. Tome v, p. 665, Éd. Basil.
  136. Gal., Comm. in lib. de Hum. t. v, p. 484, Éd. Kühn.
  137. Δέομαι οὖν συγχωρῆσαί μοι κολάσαι τὴν ἀπαιδευσίαν αὐτοῦ λόγοις τραχυτέροις ὧν οὐκ εἴθισμαι χρῆσθαι. T. v, p. 338, Éd. Basil.
  138. Αἴματος μὲν ὄντος μόνῃ ἀρκεῖσθαι φλεβοτομίᾳ φλέγματος δὲ, φλεγμαγωγῷ, χολῆς δὲ χολαγωγῷ. Gal., t. v, p. 342, Éd. Basil.
  139. Οὐδ’ ἂν πείσειαν ἡμᾶς τε καὶ αὐτοὺς ἐπ’ ἀληθείᾳ, ὅτι ἴσασι τί ἡ φύσις ἐστιν, ἣν ἄνω τε καὶ κάτω θρυλλοῦσι τραγῳδοῦντες ἤτοι θερμὸν ἁπλοῦν ἢ κρᾶμα κἀξ μίξεως, ἢ ψυχροῦ οὐσίαν καὶ πνεύματος. Gal., t. v, p. 339, Éd. Basil.
  140. Τὸ περὶ τῆς καθ’ Ἱπποκράτην διαίτης. — Βίκτωρι, τῷ Ρώμης ὑπάρχῳ, t. v, p. 86, Éd. Basil.
  141. Galien, t. v, p. 399, Éd. Basil.
  142. Καὶ γὰρ ὑπ’ Ἀσκληπιάδου λελέχθαι τοὺς ἐν Παρίῳ μάλισθ’ ὑπὸ φλεβοτομίας ὀνίνασθαι. Gal., t. v, p. 452. J’ai l’édition de Bâle sous les yeux, et je corrige οὐκ en ὑπ’.
  143. Galien, t. v, p. 479, Éd. Basil.
  144. Tome v, p. 485, Éd. Basil.
  145. Σοφιστής. Ce titre ou celui de ἰατροσοφιστής fut souvent donné particulièrement aux professeurs de l’école d’Alexandrie.
  146. Tome v, p. 486, Éd. Basil
  147. Tome v, p. 693, Éd. Basil.
  148. Tome v, p. 695, Éd. Basil.
  149. Galien, t. v, p. 487, Éd. Basil.
  150. Galien, t. v, p. 511, Éd. Basil.
  151. Galien, t. v, p. 462, Éd. Basil.
  152. Galien, t. v, p. 401, Éd. Basil.
  153. Ὃσα τε ἐν τοῖς Περὶ νόσων ἢ περὶ Παθῶν γέγραπται, κατὰ τὴν ἐξήγησιν αὐτῶν ἐπισκεψόμεθα. Gal., t. v, p. 77, Éd. Basil.
  154. Tome v, p. 616, Éd. Basil.
  155. Tome v, p. 436, Éd. Basil.
  156. Tome v, p. 525, Éd. Basil
  157. Éd. Chartier, t. viii, p. 509.
  158. Tome iv, p. 366, Éd. Basil.
  159. Tome v, p. 442, Éd. Basil.
  160. Tome v, p. 473, Éd. Basil.
  161. Tome v, p. 397, Éd. Basil.
  162. Tome V, p. 652, Éd. Basil.
  163. De Peste Antonianâ.
  164. Oribasii comm. in Aphorismos Hippocratis, p. 8, Basileæ 1535.
  165. Ὁ δὲ Πιλάργιος ὁ περιοδεύτης. Schol. in Hipp. t. ii, p. 457, Éd. Dietz.
  166. Περιέτυχόν τινι ἔχοντι κεκαυμένην καὶ φλογώδη καὶ ζέουσαν δυσκρασίαν ἐν τῇ κεφαλῇ, καὶ πολλοῖς ψυχροῖς βοηθήμασι χρησάμενος, οὐδὲν ὠφέλησα. Εἶτα μετὰ ταῦτα ἐξύρησα αὐτὸν καὶ ἀφειλάμην αὐτοῦ τὰς τρίχας, καὶ κατέπασα αὐτοῦ τὴν κεφαλὴν χιόνι, καὶ οὕτως ἔσβεσα τὴν δυσκρασίαν· καὶ ἰασάμην αὐτὸν τοῦ νοσήματος. Καὶ ἐστι καὶ θεράπεια ἐκ χιόνος ἐν τούτῳ. Schol. in Hipp. t. ii, p. 457, Éd. Dietz.
  167. Schol, in Hipp., t. ii, p. 501, Éd. Dietz.
  168. Schol. in Hipp., t. ii, p. 343, Éd. Dietz.
  169. Ὁ ὑπομνηματιστὴς τοῦ Ἱπποκράτους. Schol. in Hipp. t. ii, p. 458, Éd. Dietz.
  170. Ἐκ τῶν Ἱπποκράτους τὰ Ἱπποκράτους ἐξηγούμενος. Schol. in Hipp. t. ii, p. 458, Éd. Dietz.
  171. Schol. in Hipp., t. ii, p. 458, Éd. Dietz.
  172. Ἐγὼ ἐθεασάμην μετὰ τὴν συλληψιν καὶ κυοφορίαν ὅτι πάλιν συνουσίασε τῷ ἀνδρὶ τυχὸν ἐν τῷ ἕκτῳ μηνὶ τῆς κυοφορίας, καὶ δὴ τὸ μὲν πρῶτον ἔμβρυον ἐν τῷ ἐννάτῳ μηνὶ ἀπέτεξεν, εἶτα μετὰ ἓξ μῆνας τοῦ τεκεῖν αὐτὴν, ἔτεκε καὶ τὸ ἄλλο ἔμβρυον. Schol. in Hipp. t. ii, p. 470, Éd. Dietz.
  173. Schol. in Hipp., t. ii, p. X.
  174. Schol. in Hipp., t. i, p. 209, Éd. Dietz.
  175. Schol. in Hipp., t. ii, p. viii, Éd. Dietz.
  176. Νοῦς γὰρ δρῇ καὶ νοῦς ἀκούεί, τὰ δ’ ἄλλα τοῦ σώματος τυφλὰ καὶ μάταια. Schol. in Hipp. t. ii, p. 215, Éd. Dietz. Cela est attribué à Épicharme par Theodoret, De Græc. affect. cr. lib. 1.
  177. Ταῦτα Ἱπποκράτης λαβὼν παρὰ Πλάτωνος. Schol. in Hipp. t. ii, p. 216, Éd. Dietz.
  178. Schol. in Hipp., t. i, p. XIX.
  179. Schol. in Hipp., t. ii, p. xix.
  180. Schol. in Hipp., t. ii, p. x.
  181. Ἀλλ’ ἐπειδὴ ἴσμεν μηδέποτε ψευσάμενον τὸν Ἱπποκράτην, παραμυθίας ἕνεκεν τοῦ λόγου ἐξηγησώμεθα αὐτὸν τὸν τρόπον τοῦτον· τὸ νῦν λεχθὲν σπανιάκις ποτὲ ὤφθη τῷ Ἱπποκράτει· ἡμῖν δὲ καὶ τοῖς ἔργοις τοῖς τέχνης οὐδέποτε ὤφθη γινόμενον. Schol. in Hipp. t. ii, p. 465, Éd. Dietz.
  182. Post hæc legite Hippocratem atque Galenum latinâ linguâ conversos. De Div. Lect., cap. 31, p. 341, in fo., Parisiis, 1579.
  183. T. v, p. 89, Éd. Basil.