Œuvres complètes (M. de Fontanes)/Réponse à l’exposé, 1808


RÉPONSE


DU PRÉSIDENT DU CORPS LÉGISLATIF


À L’EXPOSÉ DE LA SITUATION DE L’EMPIRE


PAR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR.


Le 2 novembre 1808.




Monsieur le Ministre de l’Intérieur, Messieurs les Conseillers d’État,


Vous avez peint la véritable grandeur du Prince en retraçant tous ses bienfaits. Les tableaux annuels de son administration intérieure seront un jour les plus beaux monuments de son règne. Malheur au souverain qui n’est grand qu’à la tête de ses armées ! Heureux celui qui sait gouverner comme il sait vaincre, qui s’occupe sans cesse de travaux utiles pour se délasser des fatigues de la guerre, et dont la main prévoyante sème au milieu de tant de ravages les germes féconds de la félicité publique.

Un seul homme a rempli ces deux grandes destinées. Il a soumis de puissants États ; il a traversé l’Europe en vainqueur, sous des arcs de triomphe élevés à sa gloire, des bornes de l’Italie jusqu’aux dernières extrémités de la Pologne. C’était assez pour le premier des héros ; ce n’était pas assez pour le premier des rois.

Dans les champs de Marengo et d’Iéna, ce génie infatigable méditait le bonheur des peuples. Toutes les idées d’ordre public. tous ces sages conseils qui protègent les sociétés et les empires, l’ont suivi constamment sous la tente militaire. C’est lui qui rouvrit les temples de la religion désolée, et qui sauva la morale et les lois d’une ruine presque inévitable. En un mot, il a plus fondé qu’on n’avait détruit. Voilà ce qui recommande éternellement sa mémoire.

Au milieu de la plus magnifique de nos places, une colonne, digne du siècle des Antonin et des Trajan, s’est élevée naguère à la voix d’un héros qui les surpasse. On gravera nos exploits sur le bronze qui doit la couvrir. La Victoire, debout sur cette colonne triomphale, montrera l’Italie deux fois soumise. Vienne, Berlin et Varsovie ouvrant leurs portes, nos drapeaux flottant sur les Pyramides ; le Pô, le Danube, le Rhin, la Sprée et la Vistule fléchissant sous nos lois. Les Français s’arrêteront avec orgueil au pied de ce monument.

Le jour n’est pas loin peut-être où nous pourrons ériger au pacificateur de l’Europe un monument plus digne encore de lui. Que tous les arts le décorent des emblèmes de l’agriculture et de l’industrie ! qu’au dessus dominent les images de la paix et de l’abondance qu’on y représente avec elles, non des villes abattues, mais des villes reconstruites ; non des fleuves captifs, mais des fleuves confondant leurs eaux pour les besoins du commerce ; non des champs de carnage, mais des campagnes fertilisées ; non la guerre qui brise les trônes, mais la sagesse qui les relève ! qu’on y grave enfin, pour toute inscription, ces paroles mémorables : J’ai senti que, pour être heureux, il me fallait d’abord l’assurance que la France fût heureuse. On ne verra jamais cet arc de triomphe, d’un genre nouveau, sans être ému d’un sentiment de respect et d’amour. C’est là que de tous les cœurs sortira sans effort le plus bel éloge du grand homme, auteur de tant de biens.

Nous ne pouvons mieux lui rendre hommage qu’en faisant des vœux pour que bientôt ses talents guerriers deviennent inutiles. Il est si sûr de trouver en lui-même tant d’autres moyens de grandeur ! N’en doutons point, grâces à tout ce qu’il entreprendra pour la félicité nationale, sa renommée de conquérant ne sera dans l’avenir que la plus faible partie de sa gloire.