Œuvres complètes (M. de Fontanes)/Réponse à l’exposé, 1807


RÉPONSE


DU PRÉSIDENT DU CORPS LÉGISLATIF


À L’EXPOSÉ DE LA SITUATION DE L’EMPIRE.


Que vinrent faire dans cette Assemblée (séance du 24 août 1807) M. le ministre de l’intérieur Cretet, et MM. les conseillers d’État Jaubert et Gautheaume.


Monsieur le Ministre de l’intérieur, Messieurs les Conseillers d’État,


Le tableau que vous avez mis sous nos yeux semble offrir l’image d’un de ces rois pacifiques uniquement occupés de l’administration intérieure au milieu de leurs États ; et cependant tous ces travaux utiles, tous ces sages projets qui doivent les perfectionner encore, furent ordonnés et conçus dans le bruit des armes, aux derniers confins de la Prusse conquise, et sur les frontières de la Russie menacée. S’il est vrai qu’à cinq cents lieues de la capitale, parmi les soins et les fatigues de la guerre, un héros prépara tant de bienfaits, combien va-t-il les accroître en revenant au milieu de nous ! Le bonheur public l’occupera tout entier, et sa gloire en sera plus touchante.

Nous sommes loin de refuser à l’héroïsme les hommages qu’il obtint de tous les temps : la philosophie outragea plus d’une fois l’enthousiasma militaire ; osons ici le venger.

La guerre, cette maladie ancienne, et malheureusement nécessaire, qui travailla toutes les sociétés ; ce fléau, dont il est si facile de déplorer les effets et si difficile d’extirper la cause ; la guerre elle-même n’est pas sans utilité pour les nations. Elle rend une nouvelle énergie aux vieilles sociétés ; elle rapproche de grands peuples longtemps ennemis, qui apprennent à s’estimer sur le champ de bataille ; elle remue et féconde les esprits par des spectacles extraordinaires ; elle instruit surtout le siècle et l’avenir, quand elle produit un de ces génies rares faits pour tout changer.

Mais, pour que la guerre ait de tels avantages, il ne faut pas qu’elle soit trop prolongée, ou des maux irréparables en sont la suite : les champs et les ateliers se dépeuplent ; les écoles où se forment l’esprit et les mœurs sont abandonnées ; la barbarie s’approche, et les générations, ravagées dans leur fleur, font périr avec elles les espérances du genre humain.

Le Corps législatif et le peuple français bénissent le grand Prince qui finit la guerre avant qu’elle ait pu nous faire éprouver d’aussi désastreuses influences, et lorsqu’elle nous porte, au contraire, tant de nouveaux moyens de force, de richesses et de population. La guerre, qui épuise tout, a renouvelé nos finances et nos armées ; les peuples vaincus nous donnent des subsides, et la France trouve des soldats dignes d’elle chez les peuples alliés.

Nos yeux ont vu les plus grandes choses ; quelques années ont suffi pour renouveler la face du monde. Un homme a parcouru l’Europe en ôtant et en donnant les diadèmes : il déplace, il resserre, il étend comme il lui plait les frontières des empires ; tout est entrainé par son ascendant. Eh bien ! cet homme couvert de tant de gloire nous promet plus encore ; paisible et désarmé, il prouvera que cette force invincible, qui renverse en courant les trônes et les empires, est au-dessous de cette sagesse vraiment royale qui les conserve par la paix, les enrichit par l’agriculture et l’industrie, les décore par les chefs-d’œuvre des arts, et les fonde éternellement sur le double appui de la morale et des lois.