Œuvres complètes (M. de Fontanes)/Discours du Grand-Maître au comte d’Artois, 1814


DISCOURS


ADRESSÉ


PAR LE GRAND-MAITRE AU NOM DU CONSEIL DE L’UNIVERSITÉ


À S. A. R. Mgr LE COMTE D’ARTOIS,


Le 22 avril 1814.




Monseigneur,


Le bonheur que la présence de votre A. R. apporte à tous les corps de l’État, doit être surtout ressenti par l’Université de France.

Son existence, ses écoles, ses annales, tout lui parle des bienfaits et de la gloire de vos ancêtres. Saint Louis aimait l’entretien de ses docteurs les plus célèbres. François Ier fut le restaurateur des bonnes lettres, objet de nos études. Chargé du maintien des mœurs et du goût, nous en puisons les maximes et les modèles dans ces écrivains immortels qui brillaient d’un éclat si pur aux pieds du trône de Louis le Grand.

L’Université ne gouverne que d’après les sages traditions des siècles. Elle ne peut être respectée qu’en respectant elle-même la majesté des temps et des souvenirs.

Elle ne forme aujourd’hui qu’un corps unique. C’est pour cela qu’elle serait peut-être plus favorable au système d’une monarchie bien ordonnée, si, en confondant les opinions diverses dans une seule, elle pouvait donner à tous les esprits, sur les points essentiels, une doctrine uniforme et constante.

Henri IV, dans des circonstances à peu près semblables, conçut le même dessein. Quelques-uns de ses successeurs ont voulu le reprendre. Ainsi l’Université, toujours digue d’être la fille ainée des rois, n’est en quelque sorte dans sa forme actuelle qu’un développement de leurs plus secrètes pensées.

C’est au Roi, votre auguste frère, dont l’Europe vante les lumières comme la bonté, qu’apparient la gloire de perfectionner cette institution pour le bonheur des peuples et le soutien du trône.

Les bienfaits de l’instruction ne peuvent se développer dans toute leur étendue que sous un gouvernement paternel et régulier. Nous avons traversé des jours difficiles. Mais déjà des jours plus heureux se préparent. Les cœurs s’ouvrent à tous les sentiments français que votre auguste présence a ramenés. La génération naissante apprendra dans nos écoles l’histoire de vos aïeux. Elle reconnaîtra, dans ceux qui furent le plus aimés, l’image du Roi et la vôtre. Les pères féliciteront leurs enfants de retrouver enfin le repos sous la domination de cette race illustre et chérie, où l’on compta plus d’un grand monarque, et qui, par un privilège plus rare, a produit, pendant neuf siècles, une si longue suite de bons rois.

Je ne crains point de déplaire à V. A. R., en lui disant que la France a besoin d’aimer encore plus que d’admirer, et que les vertus et la bonté sur le trône sont pour les sujets des biens plus précieux que la grandeur et la gloire.