Œuvres complètes (Crémazie)/Lettres 05

À MM. Jacques et Joseph Crémazie


Paris, 13, décembre 1864.
Mes chers frères,

J’ai reçu, vendredi, vos lettres du 25 novembre. Que ne donnerais-je pas pour pouvoir être près de vous pendant une heure ! Ce bonheur me sera-t-il jamais accordé ? Je le désire de toutes les forces de mon âme, mais je n’ose l’espérer.

Tous les soirs, je vais marcher pendant à peu près une heure. En rentrant, j’achète le Petit Journal. Monté dans ma chambre, au quatrième étage, j’allume mon feu (je suis devenu un allumeur de feu de première force) et je me mets dans mon fauteuil, au coin de la cheminée. Puis, quand j’ai lu mon journal, j’éteins ma bougie et je reste à rêver en tisonnant mon feu.

Pour l’homme isolé, il n’est pas de plus agréable compagnon que le feu de cheminée. Il y a tout un monde de formes étranges et capricieuses dans les mouvements de la flamme, et ces formes réveillent en moi une foule de souvenirs qui me transportent vers des temps heureux. Mon feu est le seul ami que je possède en France, et les heures passées près de lui sont les plus heureuses de la journée…