Œuvres choisies de Charles Perrault, édition 1826/Contes de ma mère l’Oye/Le Petit Chaperon Rouge/Remarques

Texte établi par Collin de PlancyPeytieux (p. 25-26).


REMARQUES.


Le conte du petit Chaperon rouge est, si on veut, une allégorie, où les séducteurs de filles sont peints sous les traits du loup. Beaucoup de contes populaires ont la même morale, sans offrir un dénouement aussi tragique. On conte, dans le Finistère, qu’une jolie villageoise rencontra au coin d’un bois un jeune homme, dont elle écouta les doux propos ; elle s’en laissa même embrasser. Mais lorsqu’elle rentra chez elle, on se récria avec effroi sur sa figure qui était noire et flétrie : l’amant qu’elle avait écouté était un démon, dont le souffle lui avait perdu le visage.

Dans presque toutes les campagnes, on fait aux petits enfans des contes où on les menace du loup, pour les empêcher de s’égarer au loin. Sans parler des loups naturels, qui sont dangereux en certains pays, il y avait autrefois, comme nous l’avons dit, des loups-garous qui sont le type de ces compères dont on effraie nos jeunes années.

On voit, dans ce conte, une bête qui parle ; mais du reste point de féerie. Dans les pièces qu’il a inspirées, on a employé ordinairement le merveilleux. On a fait du chaperon rouge une toque enchantée, à la conservation de laquelle tient la vertu et le bonheur de la jeune fille ; et le loup est simplement un séducteur. La meilleure pièce que ce conte nous ait donnée, et qu’on regarde avec raison comme un chef-d’œuvre, est l’opéra de M. Théaulon, représenté en 1818, sous le titre du Petit Chaperon rouge. Rodolphe le loup est un seigneur féodal, qui mérite son surnom en ravissant l’honneur des filles. Le chaperon est une espèce de talisman ; et la jeune fille est protégée par un ermite magicien, dont Rodolphe prend le capuchon et la robe pour recevoir le petit Chaperon rouge qu’il veut séduire. Cette pièce est pleine d’idées ingénieuses ; le songe du second acte est surtout du plus grand effet ; et il fallait une heureuse imagination pour produire cette scène qui transporte le spectateur dans les enchantemens de la plus brillante féerie.

Un autre Petit Chaperon rouge, aussi en trois actes, a été joué la même année à la Porte-Saint-Martin. Le chaperon est pareillement enchanté ; sa perte met la jeune fille sans défense contre Alidor le loup. Le séducteur prend le costume de la mère-grand pour attendre le petit Chaperon ; et les auteurs, MM. Frédéric et Brazier, ont conservé la scène du conte : Ah ! ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes ! Du reste, ils ont mis beaucoup de féerie dans leur drame.

On a fait plusieurs autres pièces sur le sujet du petit Chaperon rouge, que l’on joue même au théâtre des enfans de M. Comte. Le Magasin de Chaperons, ou l’Opéra-Comique vengé, joué au Vaudeville, en 1818, est une parodie-revue, qu’on doit à MM. Théaulon, Désaugiers et Dartois. La mère l’Oye est marchande de modes, et vend des chaperons enchantés, qu’elle a fait faire, dit-elle, sur le patron du conte. Elle ajoute :


Perrault jadis m’en donna le modèle ;
Je l’ai suivi très-scrupuleusement.
La forme n’en est pas nouvelle ;
Mais le vieux est toujours charmant.