Œuvres (Rimbaud)/Illuminations/Nocturne vulgaire

Pour les autres éditions de ce texte, voir Nocturne vulgaire.

Œuvres, Texte établi par Paul Hartmann, Mercure de France (p. 247).
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Nocturne vulgaire


Un souffle ouvre des brèches operadiques dans les cloisons, — brouille le pivotement des toits rongés, — disperse les limites des foyers, — éclipse les croisées. —

Le long de la vigne, m’étant appuyé du pied à une gargouille, — je suis descendu dans ce carrosse dont l’époque est assez indiquée par les glaces convexes, les panneaux bombés et les sophas contournés. Corbillard de mon sommeil, isolé, maison de berger de ma niaiserie, le véhicule vire sur le gazon de la grande route effacée : et dans un défaut en haut de la glace de droite tournoient les blêmes figures lunaires, feuilles, seins ; — Un vert et un bleu très foncés envahissent l’image. Dételage aux environs d’une tache de gravier.

— Ici va-t-on siffler pour l’orage, et les Sodomes — et les Solymes, — et les bêtes féroces et les armées,

— (Postillons et bêtes de songe reprendront-ils sous les plus suffocantes futaies, pour m’enfoncer jusqu’aux yeux dans la source de soie)

— Et nous envoyer, fouettés à travers les eaux clapotantes et les boissons répandues, rouler sur l’aboi des dogues…

— Un souffle disperse les limites du foyer.