Librairie de L. Hachette et Cie (p. 232-237).

LXXXVII

L’AVEUGLE-NÉ



Jésus vit, en s’en allant, un homme qui était aveugle de naissance, et ses disciples lui demandèrent :

« Maître, est-ce à cause de ses péchés, ou à cause des péchés de son père et de sa mère, que cet homme est né aveugle ? »

Jésus leur répondit :

« Ce n’est ni pour ses péchés ni pour ceux de ses parents, mais c’est afin que la puissance de Dieu soit manifestée en lui. Tandis que je suis dans ce monde, je suis la lumière du monde. »

Ayant dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive, la mit sur les yeux de l’aveugle, et dit :

« Va te laver dans la piscine de Siloé. »

Il y alla donc, il s’y lava, et en revint, voyant clair.

Alors les gens du voisinage et ceux qui l’avaient vu auparavant, aveugle et demandant l’aumône, disaient :

« N’est-ce pas lui qui était assis là, et qui mendiait ? »

Les uns disaient :

« C’est lui. »

Les autres disaient :

« Non, c’en est un qui lui ressemble. »

Mais lui, disait :

« C’est moi-même. »

Ils lui disaient donc :

« Comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »

Il répondit :

« Cet homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, en a enduit mes yeux, et m’a dit : « Va à la piscine de Siloé, et lave-toi. » J’y suis allé, je me suis lavé, et je vois. »

Ils lui dirent :

« Où est-il ? »

Il répondit :

« Je ne sais. »

Et ils amenèrent aux Pharisiens cet homme qui avait été aveugle. Or, quand Jésus fit de la boue avec sa salive et guérit les yeux de l’aveugle, c’était le jour du sabbat.

Les Pharisiens lui demandèrent donc aussi comment il avait vu.

Il leur dit :

« Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. »

Quelques-uns d’entre les Pharisiens disaient :

« Cet homme n’est pas de Dieu, puisqu’il ne garde pas le jour du sabbat. »

Mais d’autres disaient :

« Comment un pécheur pourrait-il faire ces miracles ? »

Et ils se disputaient entre eux.

Ils dirent encore à l’aveugle :

« Et toi, que dis-tu de celui qui t’a ouvert les yeux ? »

Il dit :

« C’est un Prophète. »

Les Juifs ne voulurent encore pas croire qu’il eût été aveugle et qu’il eût recouvré la vue, jusqu’à ce qu’ils eussent appelé les parents de celui qui voyait. Et ils les interrogèrent, disant :

« Est-ce là votre fils que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? »

Ses parents répondirent :

« Nous savons qu’il est notre fils et qu’il est né aveugle. Comment il voit maintenant, nous ne le savons, ni qui lui a ouvert les yeux. Interrogez-le, il est en âge de répondre ; qu’il parle lui-même. »

Ses parents disaient cela, parce qu’ils craignaient les Juifs ; car déjà les Pharisiens avaient décidé ensemble que quiconque reconnaîtrait Jésus pour le Christ, serait chassé de la Synagogue.

Henri. Et qu’est-ce que ça faisait d’être chassé de la Synagogue.

Grand’mère. C’était une honte, une malédiction, comme l’est pour nous une excommunication, c’est-à-dire un jugement qui nous chasse de l’Église.

Les Pharisiens appelèrent donc de nouveau l’homme qui avait été aveugle, et lui dirent :

« Rends gloire à Dieu. Nous savons que ce Jésus est un pécheur. »

Il leur répondit :

« S’il est pécheur, je ne sais ; je sais seulement que j’étais aveugle, et qu’à présent je vois. »

Ils lui dirent encore :

« Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ? »

Il leur répondit :

« Je vous l’ai déjà dit, et vous l’avez entendu. Que voulez-vous entendre encore ? Vous aussi, voulez-vous devenir ses disciples ? »

Alors ils le maudirent, et dirent :

« Sois son disciple, toi ; nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-ci, nous ne savons d’où il est. »

L’aveugle leur répondit :

« Cela est surprenant que vous ne sachiez d’où il est, et pourtant il a ouvert mes yeux. Nous savons que Dieu n’écoute pas les pécheurs ; mais il exauce celui qui honore Dieu et qui fait sa volonté. Jamais on n’a ouï dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. Si celui-ci, n’était pas de Dieu, il ne pourrait pas faire ces miracles. »

Ils lui dirent :

« Tu es né tout entier dans le péché et tu nous enseignes ! »

Et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors, et, l’ayant rencontré, il lui dit :

« Crois-tu au Fils de Dieu ? »

Il répondit :

« Où est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? »

Jésus lui dit :

« Tu l’as vu, et celui qui te parle, c’est lui. »

Il répondit :

« Je crois, Seigneur ! »

Et se prosternant, il l’adora.

Jacques. À la bonne heure ! J’aime beaucoup ce pauvre aveugle ! Il est reconnaissant et courageux.

Louis. Et comme il répond bien et simplement à ces méchants Pharisiens !

Louis. Et comme ces Pharisiens sont menteurs et mauvais, de faire semblant de ne pas croire en la puissance de Notre-Seigneur !

Élisabeth. Et comme ce pauvre aveugle, simple et ignorant, raisonne mieux que les savants Docteurs de la loi, et comme il s’empresse de reconnaître et d’adorer Notre-Seigneur !

Grand’mère. Et Jésus dit, s’adressant à lui particulièrement, comme pour le distinguer :

« Je suis venu dans ce monde pour un jugement ; pour que ceux qui ne voient pas, voient ; et que ceux qui voient deviennent aveugles. »

Louis. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. C’est-à-dire, que Notre-Seigneur est venu pour éclairer ceux qui ne voyaient pas la vérité par ignorance, et non par orgueil et par de mauvais sentiments ; et pour punir par l’aveuglement du cœur ceux qui, par orgueil, par méchanceté, croient pouvoir se passer du secours de Dieu pour voir la vérité. Ceux-là il les rend aveugles d’esprit, c’est-à-dire qu’il les prive des lumières de la foi.

Quelques Pharisiens qui se trouvaient là et qui avaient entendu ces paroles dirent, en se moquant : « Est-ce que nous sommes aveugles, nous ? » Jésus leur répondit :

« Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : « Nous voyons. » Votre péché demeure. »

Louis. Qu’est-ce que veut dire Notre-Seigneur ?

Grand’mère. Il veut dire que si les Pharisiens avaient eu un peu d’humilité, et si, se méfiant de leur science, ils s’étaient vus aveugles, ils lui auraient demandé de les guérir, de leur ouvrir les yeux ; mais leur orgueil les empêchant de sentir leur ignorance, ils restaient dans le péché et privés de la lumière de Jésus-Christ.