Librairie de L. Hachette et Cie (p. 160-163).

LVII

NOTRE-SEIGNEUR MARCHE SUR LA MER.



Notre-Seigneur renvoya donc cette multitude sans se laisser nommer Roi, et alla tout seul sur une montagne pour prier.

Madeleine. Grand’mère, une chose qui m’étonne, c’est que Notre-Seigneur allait toujours prier. Pourquoi priait-il et qui priait-il, puisqu’il était Dieu lui-même, égal à Dieu son Père.

Grand’mère. Comme il était vrai homme aussi bien que vrai Dieu, Jésus-Christ pouvait prier ; il priait d’abord pour nous donner l’exemple de la prière, ensuite pour adorer Dieu son Père, le remercier, le supplier, et lui demander pardon et miséricorde au nom de tous les hommes.

Notre-Seigneur alla donc prier pendant que les disciples voguaient vers le rivage de Capharnaüm. Et un grand vent s’étant élevé, la mer commença à s’enfler ; et Jésus les voyant lutter contre les vagues sans pouvoir avancer…

Valentine. Comment Jésus pouvait-il les voir, puisqu’il était resté sur la montagne à prier ?

Grand’mère. Il les voyait avec son esprit Divin, qui pénétrait partout, qui était partout. Les voyant donc en danger, il alla à eux, marchant sur l’eau. Les disciples, le voyant s’avancer sur les eaux, crurent que c’était un fantôme, et jetèrent de grands cris, car tous le virent et furent épouvantés.

Mais aussitôt il leur parla, et leur dit :

« Rassurez-vous, c’est moi ; ne craignez point. »

Pierre lui répondit :

« Seigneur, si c’est vous, ordonnez que j’aille à vous en marchant sur l’eau.

— Viens, » lui dit Jésus.

Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l’eau pour aller à son Divin Maître. Mais le vent soufflant tout à coup avec plus de force, Pierre eut peur ; aussitôt il commença à enfoncer, et il s’écria :

« Seigneur, sauvez-moi ! »

Notre-Seigneur, étendant la main, le soutint et lui dit :

« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

Henri. Je comprends très-bien qu’il ait eu peur, puisqu’il enfonçait dans l’eau, et à la place de saint Pierre, j’aurais eu peur comme lui.

Grand’mère. Tu aurais eu tort comme lui. Il n’a commencé à enfoncer que lorsqu’il a eu peur, c’est-à-dire lorsqu’il a commencé à douter du pouvoir qu’avait Notre-Seigneur de le maintenir sur l’eau ; car, s’il avait eu de la foi, il n’aurait pas craint de périr. Et pourtant, il avait été témoin de tant de miracles ! Quelques heures auparavant, il avait vu cinq pains et deux poissons se multiplier, au point que cinq mille personnes s’en étaient rassasiées ; c’est pourquoi Jésus voulut punir son peu de foi, et en même temps l’augmenter, la rendre plus vive, en permettant qu’il enfonçât. Il eut heureusement la pensée d’appeler de suite Notre-Seigneur à son secours. Et c’est ce que nous devons toujours faire quand nous nous sentons entraînés vers le mal, que nous avons de la peine à résister, que nous enfonçons comme saint Pierre. Il faut appeler le Seigneur à notre secours, et il nous vient toujours en aide comme il a fait pour saint Pierre. Il lui a tendu la main, il l’a ainsi soutenu au-dessus de l’eau, il l’a fait remonter dans la barque ; et la tempête cessa tout à coup.

Ceux qui étaient dans la barque furent encore plus étonnés, car ils étaient si aveuglés, ils comprenaient si peu ce qu’était Notre-Seigneur, que le miracle de la multiplication des pains ne leur avait même pas ouvert les yeux ; ils ne comprirent pas que Dieu seul pouvait faire un pareil prodige, et que par

Jésus soutient Pierre enfonçant dans la mer.
Jésus soutient Pierre enfonçant dans la mer.


conséquent Jésus était Dieu. Mais après l’avoir vu marcher sur les eaux et faire cesser la tempête subitement, ils s’approchèrent de lui et l’adorèrent avec crainte, en disant : « Vous êtes véritablement le Fils de Dieu. »

La barque continua à traverser le lac, et aborda au pays de Génézareth. Dès qu’ils furent descendus sur le rivage, les habitants reconnurent Jésus, et, le suivant dans tout le pays, ils lui faisaient apporter les malades partout où il s’arrêtait. En quelque lieu qu’il entrât, bourg, ville, village, on mettait les malades sur les places publiques, et on le priait de leur laisser seulement toucher le bord de son vêtement ; et tous ceux qui le touchaient étaient guéris.