Librairie de L. Hachette et Cie (p. 146-148).

LI

LES AVEUGLES GUÉRIS.



Jésus étant parti de là, deux aveugles le suivirent en criant : « Fils de David, ayez pitié de nous ! » Quand il fut arrivé à la maison, ces aveugles s’approchèrent de lui et Jésus leur dit :

« Croyez-vous que je puisse faire pour vous ce que vous me demandez ? »

Ils lui répondirent : « Oui, Seigneur. »

Alors il leur toucha les yeux, en disant :

« Qu’il vous soit fait selon votre foi. »

Et aussitôt leurs yeux furent ouverts.

« Prenez bien garde, leur dit-il, que personne ne le sache ! »

Mais eux, s’étant retirés, firent connaître Jésus et ses miracles dans tout le pays.

Jacques. Et Jésus ne les a pas punis ?

Grand’mère. Non, l’Évangile ne le dit pas ; et il est plus que probable que Notre-Seigneur ne les a pas punis.

Jacques. Alors, ce n’est donc pas pour tout de bon que Jésus défendait de faire connaître ses miracles ? Il avait

Les aveugles guéris.
Les aveugles guéris.


défendu à ces pauvres gens d’en parler. Ils l’ont dit à tout le pays ; donc ils lui ont désobéi comme Moïse a désobéi au bon Dieu quand il a frappé le rocher deux fois au lieu d’une fois pour en faire sortir de l’eau. Et le bon Dieu a bien sévèrement puni le pauvre Moïse, puisqu’il lui a dit qu’il n’entrerait pas dans la terre promise.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est la terre promise ?

Jacques. C’est le pays de Chanaan.

Petit-Louis. Et qu’est-ce que c’est le pays de Chanaan ?

Jacques. Eh bien ! c’est la terre promise !

Petit-Louis. Tu expliques mal. On ne comprend pas ce que tu dis.

Grand’mère, souriant. Je t’expliquerai cela plus tard, mon petit Loulou, quand nous serons seuls. À présent, je veux faire voir à Jacques la différence qui existe entre la désobéissance de Moïse et celle des aveugles.

Moïse a désobéi au Seigneur par méfiance du Seigneur, un seul coup de baguette ne lui paraissant pas suffisant pour faire sortir de l’eau du rocher, comme le lui avait dit la voix de Dieu.

Les aveugles ont désobéi au Seigneur par excès de reconnaissance et d’amour, ne pouvant pas supporter qu’on ignorât dans leur pays la puissance et la bonté de Notre-Seigneur. Ce n’est pas la première fois que nous voyons dans l’Évangile de semblables désobéissances pieuses, et nulle part nous ne voyons que le Seigneur en soit fâché.

Jacques. Mais pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce que l’indulgence et la bonté de Notre-Seigneur lui font excuser une action qui provient d’un si bon sentiment. L’amour de dieu étant la plus grande, la plus belle des vertus, Notre-Seigneur pardonne les manquements légers que peut faire commettre cet amour mal dirigé ou mal compris.