Librairie de L. Hachette et Cie (p. 55-58).

XIX

LA SAMARITAINE.



Pour aller en Galilée, il fallait que Jésus passât par un pays qu’on appelait la Samarie. Il arriva un jour à une ville de la Samarie, nommée Sichar, près des champs que Jacob avait donnés à son fils Joseph. C’est là, près de Sichar, qu’était le puits de Jacob.

Valentine. Pourquoi était-ce le puits de Jacob ?

Grand’mère. Parce que c’est près de ce puits ou de cette source que Jacob habitait ; c’est là que fut élevé son fils Joseph, lequel fut vendu par ses frères à des marchands égyptiens. Tu verras cela dans l’Histoire sainte.

Armand. Oh ! Grand’mère, je voudrais savoir l’Histoire sainte. Racontez-nous-la.

Grand’mère. Plus tard, nous verrons ; quand nous aurons fini la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Jésus était donc près du puits de Jacob ; il était fatigué, et il s’assit sur le bord du puits, pendant que ses disciples étaient allés à la ville acheter quelque chose à manger. Une femme de Samarie vint puiser de l’eau. Jésus lui dit :

« Donne-moi à boire. »

Cette femme lui répondit :

« Comment, vous, qui êtes Juif, me demandez-vous à boire à moi, qui suis Samaritaine ? »

Elle disait cela, parce qu’il y avait une grande haine entre les Juifs et les Samaritains ; ils étaient jaloux de leurs temples ; les Samaritains ne voulaient pas souffrir qu’on allât prier et offrir des sacrifices au temple de Jérusalem ; ils voulaient que tout le monde allât à leur temple, qu’ils avaient bâti sur le mont Garizaïm. Et les Juifs, par l’ordre de Dieu même, ne voulaient pas qu’on allât dans un autre temple que celui de Jérusalem.

Jésus répondit à la Samaritaine :

« Ô femme ! si tu savais le don de Dieu (c’est-à-dire la grâce que te fait le bon Dieu), et si tu connaissais celui qui te dit : Donnez-moi à boire, peut-être lui en aurais-tu demandé toi-même. Et il t’aurait donné de l’eau vive. »

Cette femme, étonnée, lui dit :

« Seigneur, vous n’avez rien pour en puiser, et le puits est profond. Comment auriez-vous de l’eau vive ? Êtes-vous plus grand que Jacob, notre père, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux ? »

Jésus lui répondit :

« Celui qui boit de cette eau aura soif encore ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif. »

La Samaritaine, qui commençait à se troubler et à comprendre que Jésus n’était pas un homme ordinaire et que ses paroles étaient vraies, dit à Jésus :

« Seigneur, donnez-moi de cette eau, afin que je n’aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour en puiser. »

Jésus lui dit :

« Va appeler ton mari, et viens ici.

— Je n’ai point de mari, » répondit la femme.

Jésus lui répondit :

« Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari ; car tu en as eu cinq, et, Maintenant, l’homme chez qui tu demeures n’est pas ton mari. Ce que tu as dit est vrai. »

La Samaritaine lui dit :

« Seigneur, je vois que vous êtes un prophète. Mais nos pères ont prié sur la montagne de Garizaïm, et vous, vous dites qu’il faut prier dans le temple de Jérusalem.

— Femme, crois-moi, le temps est venu où vous n’adorerez plus le Père ni sur cette montagne, ni dans Jérusalem, mais partout.

— Seigneur, je sais que le Messie, qui est appelé le Christ, doit venir. Lors donc qu’il sera venu, il nous apprendra toutes choses. »

Jésus lui dit :

« C’est moi qui le suis, moi qui te parle. »

Au même instant, les disciples revinrent, et ils s’étonnaient de le voir causer avec une femme. Et cette femme laissa là sa cruche, courut à la ville, et dit aux habitants :

« Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-ce point le Christ? »

Ils sortirent de la ville et allèrent le trouver.

Cependant, les disciples lui disaient avec insistance :

« Maître, mangez ; » mais il leur dit :

« J’ai une nourriture à prendre que vous ne connaissez pas. »

Les disciples se dirent l’un à l’autre :

« Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? »

Jésus, qui savait ce qu’ils pensaient, leur dit :

« Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. »

Les Samaritains crurent en lui sur la parole de cette femme, qui assurait que Jésus lui avait dit tout ce qu’elle avait fait ; ils vinrent à Jésus, et le prièrent de demeurer chez eux. Il y consentit, et il resta avec eux deux jours. Et un grand nombre d’entre eux crurent en lui après l’avoir entendu parler, et ils disaient à la Samaritaine :

« Ce n’est plus sur ce que vous nous avez dit que nous croyons ; nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu’il est véritablement le Christ, le Sauveur du monde. »