Librairie de L. Hachette et Cie (p. 50-53).

XVII

NOCES DE CANA.



Trois jours après, Jésus arriva, avec sa Mère et ses disciples, à Cana, petite ville de la Galilée, pour assister à la noce d’un de leurs parents, à laquelle ils avaient été invités.

Henri. Comment ? Jésus allait à une noce ? Ce n’est donc pas mal d’aller aux noces ?

Grand’mère. Certainement, non, ce n’est pas mal, quand on y va pour obliger ceux qui vous invitent, quand on n’y fait pas de mal, qu’on ne mange et qu’on ne boit pas trop, quand on ne se laisse pas aller à s’y amuser de manière à manquer à ses devoirs et à offenser le bon Dieu.

À la fin du repas, l’intendant s’aperçut qu’il n’y avait plus de vin ; il le dit à Marie. Elle s’approcha de Jésus, et lui dit : « Ils n’ont plus de vin. » Jésus lui répondit : « Femme, que


Gravure de Schnorr - Les Noces de Cana
Gravure de Schnorr - Les Noces de Cana




nous importe à vous et à moi ? mon heure n’est pas encore venue. »

Henriette. Femme ! Pourquoi Notre-Seigneur parle-t-il ainsi à la Sainte Vierge ?

Grand’mère. Ce n’était pas pour la réprimander ; mais n’oublie pas, chère petite, qu’il y avait en Jésus deux natures différentes, que Jésus était Fils de Dieu avant d’être le Fils de la Sainte Vierge, qu’il était homme et qu’il était Dieu. S’il était fils respectueux et soumis de Marie, comme homme, il était, comme Dieu, au-dessus d’elle, et ne recevait de direction que de Dieu son Père. Il n’avait pas fait de miracles publics jusque-là, parce que le temps de sa mission n’était pas encore arrivé ; et il voulait la commencer au jour prédit par les Prophètes et marqué par le bon Dieu. Pourtant, en faveur de sa Mère et parce qu’elle le désirait, il voulut bien faire le miracle qu’elle demandait. Et la Sainte Vierge était si sûre de la tendresse de son Divin Fils, que, sans se troubler de la réponse qu’il venait de lui faire, elle se retourna vers l’intendant et vers ceux qui servaient et leur dit :

« Faites tout ce qu’il vous dira. »

Il y avait là six grands vases de pierre qui servaient à conserver l’eau pour les purifications des Juifs.

Valentine. Qu’est-ce que c’était, les purifications ?

Grand’mère. C’était se laver la bouche et les mains après les repas, se laver les pieds chaque fois qu’on rentrait, faire laver les pieds à tous les étrangers qui venaient visiter les personnes de la maison, etc. Il y avait donc pour cet usage six grands vases qu’on avait préparés. Jésus dit aux serviteurs :

« Remplissez d’eau ces vases. »

Et ils les remplirent jusqu’au haut, Jésus leur dit :

« Puisez maintenant dans ces vases, et portez-en à l’intendant. »

Et ils portèrent ce qu’ils avaient puisé. Aussitôt que l’intendant eut goûté cette eau changée en vin, ne sachant pas d’où venait ce vin si excellent, il alla trouver le maître de la maison, et lui dit :

« Qu’avez-vous fait, Maître ? Quand on a beaucoup de convives et un grand repas, on commence toujours par donner le meilleur vin, et on sert le moins bon à la fin quand les convives ont beaucoup bu et qu’ils ne distinguent plus autant le bon vin du mauvais. Mais vous, vous avez réservé, pour la fin, le meilleur, le plus excellent de tous les vins. »

Le maître ne comprit pas ce que lui disait son intendant, parce qu’il ne savait pas que le vin eût manqué et que Jésus eût fait le miracle de changer l’eau en vin ; mais les serviteurs qui avaient puisé l’eau savaient bien ce qu’il en était, et ils le dirent au maître et à l’intendant, qui furent remplis d’admiration et de joie. Ce fut le premier miracle public de Jésus ; il donna plus de force à la foi de ses disciples.

Henri. Pourquoi dites-vous public, Grand’mère ? Est-ce que Jésus avait déjà fait des miracles cachés ?

Grand’mère. L’Évangile n’en parle pas, mon enfant ; mais les auteurs sacrés et les saints inspirés de Dieu, qui ont écrit ce qui leur a été révélé, laissent croire que Jésus a fait beaucoup de miracles dès sa naissance, sans qu’on sût qu’ils venaient de sa toute-puissance et de sa bonté.

Henri. Vous dites, Grand’mère, que les saints ont eu des choses révélées ; qu’est-ce que c’est, révélé ?

Grand’mère. Ce sont des choses cachées et qui pourtant ont été vues par des moyens extraordinaires ; ainsi à Bethléem les Mages ont su, par un moyen extraordinaire, par révélation, qu’Hérode voulait tuer l’Enfant Jésus ; Joseph a su, par la révélation d’un Ange, qu’il devait emmener l’Enfant en Égypte, etc.