Évangéline (trad. Poullin)/Prologue
PROLOGUE
’antique forêt, avec ses pins au feuillage
sonore et ses sapins aux longues barbes de
mousse, apparaît confuse et vague dans le
crépuscule du soir. La grande voix de l’Océan mugit
dans le fond des cavernes rocheuses qui bordent le
rivage, et mêle ses accents au gémissement plaintif
et inconsolé de la forêt.
C’est encore la forêt vierge et primitive.
Mais, où sont les cœurs qui bondissaient sous ses ombrages, comme le chevreuil quand il entend sous bois le cri du chasseur ? Qu’est devenu le village aux toits de chaume et le foyer des fermiers de l’Acadie, dont la vie coulait paisible, comme ces rivières qui arrosent les bois, dont les eaux, obscurcies par les ombres de la terre, semblent cependant réfléchir l’image du ciel ? Ces fermes, si riantes autrefois, sont aujourd’hui désertes, et leurs habitants sont partis pour toujours ! L’exil les a dispersés, comme les feuilles qui, saisies par les rafales d’octobre, tourbillonnent dans les airs et vont se perdre au loin sur l’Océan.
Vous qui croyez à l’affection qui vit d’espoir, de souffrance et de résignation ; vous qui croyez à la puissance et à la beauté du dévouement de la femme, écoutez la touchante histoire d’Évangéline, cette généreuse enfant d’Acadie, ce pays des hommes heureux.