Études sur l’Italie, suite
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VIII.
À M. Brizeux.




Nous étions réunis près du café Greco,
Quand nous fûmes frappés par un lugubre écho ;
Les capucins, pieds nus, sur une double file
S’avançaient en chantant du centre de la ville,
Et gagnaient lentement la Via Condotti.
C’était l’enterrement de Rosa Minotti
Que des pénitens noirs la longue confrérie
Accompagnait, suivant l’usage d’Italie.
Quatre hommes la portaient, visage découvert,
Entre ses bras croisés tenant un rameau vert ;
Et sur son pâle front, une blanche couronne
Semblait par sa pâleur tenir à sa personne.
Or, près de moi, celui qui fit les Moissonneurs,
Quand le cercueil passa, répandit quelques fleurs
Sur cette pauvre enfant à la terre ravie,
Belle aux bras de la mort, comme au sein de la vie.
De sa chaleur de peintre exaltant sa beauté,
Il la suivit long-temps d’un regard attristé.
Et nous devions, je crois, à la Philharmonique
Entendre ce jour-là quelque folle musique.
Nous changeâmes d’avis ; émus par tout cela,
Nous allâmes ensemble à l’Aqua Paola.
Après avoir parlé de cette jeune femme
Dont l’aspect ne pouvait s’effacer de notre âme,
Rêvant de l’autre vie et de l’éternité,
Nous revînmes muets, le soir, dans la cité,
Suivis du tintement d’une cloche lointaine
Et de la grande voix de l’antique fontaine.