Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin/09
IX.
Autant le xvie siècle fut désastreux pour l’Église, autant le xvii- siècle lui deviendra glorieux. Des réformes dirigées avec humilité et science prospéreront ; de jeunes et robustes branches viendront se greffer sur le vieux tronc monastique, et si en Espagne les fondations de sainte Thérèse et de saint Ignace, en Italie les tentatives de saint Charles Borromée ont déjà donné le signal du grand effort qui devient nécessaire contre les ennemis du catholicisme, en France saint Vincent de Paul, saint François de Salles, madame de Chantai, le cardinal de Bérulle, le père Eudes et bien d’autres apparaissent comme les continuateurs de l’oeuvre de résistance.
Non-seulement des institutions nouvelles sont fondées, mais les anciennes constitutions cénobitiques elles-mêmes plus ou moins profondément atteintes par les troubles des siècles précédents, les antiques règles, telles que celles de Cluny et de Cîteaux, se ressentent du mouvement réformateur de l’époque.
La grande réforme bénédictine de Saint-Maur, introduite en France en 1618, favorisa puissamment l’élan religieux qui se manifestait de toutes parts dans le royaume. Les mesures hardies et radicales n’arrêtèrent point certains novateurs, et l’on vit l’abbé de Rancé, ce moine sublime, digne de la laure des Pacôme ou de la grotte des Antoine, on vit l’abbé de Rancé inculquer aux Cisterciens de la Trappe les plus purs principes monastiques et leur communiquer la ferveur du premier Clairvaux.
Cependant, il faut le dire, tous les monastères de Cîteaux ne reçurent pas la réforme d’une manière aussi complète que la maison de la Trappe. Par un bref du 8 avril 1022, le pape Grégoire XV avait chargé le cardinal de la Rochefoucault de procéder à la révision des statuts de l’ordre, mais, dans l’exécution de son mandat, le cardinal trouva une vive résistance de la part de L’abbé de Cîteaux et du Chapitre général[1]. Il y eut dès lors entre les abbayes cisterciennes dites de la commune observance et celles qu’on appelait de l’étroite observance, une longue et pénible lutte qui se poursuivant avec des alternatives de victoires et de défaites des deux côtés, fut enfin, terminée en 1666 par le pape Alexandre VII qui promulgua de nouvelles constitutions révisées[2].
Presqu’entièrement conformes à la règle de Saint-Benoît, ces constitutions portaient spécialement sur l’organisation jntérieure, sur la vie intime des cloîtres ; elles ramenaient l’unité, la régularité d’existence, mais elles ne pouvaient donner un nouvel essor à l’ordre auquel elles étaient destinées : le Concordat de 1516, en privant les communautés religieuses du droit d’élire leurs supérieurs pour les forcer a recevoir un chef nommé par le roi, avait enlevé à Cîteaux, comme à tous les autres ordres monastiques, les principes essentiels de vitalité : l’autonomie et l’indépendance[3].
Les Bernardines de La Vassin, dans la lutte qui précéda le bref du 19 avril 1666, s’étaient rangées du côté de l’étroite observance, et tandis que beaucoup d’autres abbayes de femmes avaient laissé pénétrer dans la vie claustrale les mollesses et les langueurs du monde, tandis que les Cisterciennes de Tart, en Bourgogne, presque sécularisées, portaient des corsages ouverts, des robes et des scapulaires de soie[4], les hôtes de notre monastère observèrent toujours d’une façon rigoureuse les pratiques et les abstinences prescrites.
Sans doute, elles usèrent de la permission accordée dès Pannée 1485 par le Chapitre général de manger de la viande, les dimanche, mardi et jeudi, permission accordée par une bulle du pape Sixte IV, en 1415[5], mais elles conservèrent une existence humble et solitaire et toujours vêtues, selon le statuts, d’une robe blanche avec scapulaire et ceinture de couleur noire ; elles durent bannir le luxe de leur personne et garder les austérités monacales.
Dans le monastère résidait un confesseur on chapelain appartenant le plus souvent à l’ordre et nommé par l’abbé de Cîteaux. En cas d’urgente nécessité, ce chapelain exerçait le ministère dans les villages voisins de l’abbaye ; il avait également, en pareil cas, le droit de recevoir et de rédiger les testaments.
Nous puisons ces renseignements dans l’intitulé d’un testament, en date du 28 mai 1622, qui commence ainsi : Aujourd’huy, vingt-huitième jour du mois de mai mil-six-cent-vingt-deux, nous Me Anay Pezdior, rostre de la paroisse de Champs, diocèse de Clermont, demeurant à présent et servant de chappelain en l’abbaye de la Vissy déclairons et certiffions avoir été appeilé et employé de la part de Simon Couvail, habitant du villaige de la Grangette, en la paroisse de Sainct-Donat, ce villaige proche ladicte abbaye et église de la Vissy, pour entendre ledict Couvail en confession et luy administrer le sainct sacremen de lvEucharystie en cas de nécessité et croyant n’avoir point tems suffizant pour avoir recours aux Srs vicaires de ladicte paroisse de Sainct-Donat, ce qu’ayant faict par l’advis de la dame abbesse des dames religieuses de ladicte abbaye, craignantz que ledict Couvait fust presvenu de la mort sans estre adsisté des saincts sacremens de l’Églize, et après les luy avoir administrés estant dans son lict, il nous a déclaré ester et disposer de ses biens devant nous, en deffaut des notaires, suivant les ordonnances royalles et suivant la permission à nous donnée par lesdics sieurs vicaires, en cas de nécessité de villaiges proches de ladicte abbaye de la Vissy et éloignés dudict lieu et église de Sainct-Donat[6].
- ↑ Hélyot, Hist, des ordres religieux, t. V.
- ↑ Bref du pape Alexandre VII pour la réformation générale de l’ordre de Cisteaux. À Paris, chez Sébastien Mabre-Cramoisy, imprimeur dudit ordre de Cisteaux. 1679.
- ↑ C’est à partir du Concordat de 1516 que les abbayes dont le roi s’était réservé la nomination prirent le nom d’'abbayes royales. La Vassin fut de ce nombre.
- ↑ Hélyot, t. V, p. 471. — Tart était l’un des plus anciens monastères de femmes de l’ordre de Cîteaux. Son abbesse avait droit de visite dans tous les autres couvents. C’était dans cette maison que se tenaient primitivement les chapitres généraux des religieuses. L’abbaye fut réformée en 1623 par Jeanne de Courcelle de Pourlan.
- ↑ Hélyot, t. V, p. 360. L I
- ↑ Document trouvé dans une maison du hameau de Pallut, près La Vassin.