Où ſont enſeignés les principaux myſteres de l’amour, & le devoir d’un véritable amant.
CHAPITRE PREMIER.
Demande. ETes-vous amant ?
R. Oui, par la grâce du Dieu d’amour.
D. Qu’eſt-ce qu’un amant ?
R. C’eſt une perſonne qui, ayant fait une ſincere & véritable déclaration, cherche les moyens d’être aimée de l’objet qu’elle aime.
CHAPITRE II.
D. Quels ſont les ſignes d’un amant ?
R. C’eſt l’aſſiduité, la complaiſance, la ſincérité, l’exactitude, & le billet tendre.
D. Qu’eſt-ce que l’aſſiduité ?
R. C’eſt une recherche exacte des moyens de voir & d’entretenir ſa maîtreſſe.
D. Qu’eſt-ce que la complaiſance ?
R. C’eſt un accommodement de notre volonté à celle que nous aimons.
D. Qu’eſt-ce que la ſincérité ?
R. C’eſt une très-grande conformité entre ce que nous voulons exécuter.
D. Qu’entendez-vous par ce mot exécuter ?
R. J’entends parler d’une diligence perpétuelle à faire ce que nous avons promis à l’objet que nous aimons & à rechercher l’occaſion de lui témoigner notre inclination & zele.
D. Qu’entendez-vous par le billet tendre ?
R. Un petit compliment par écrit que nous envoyons à nos maîtreſſes, quand nous ne pouvons pas trouver l’occaſion de les entretenir.
D. Quand le faut-il faire ?
R. Le matin quand on ſe leve, le ſoir quand on ſe couche, quand on entre dans ſon cabinet, & quand on ſe trouve preſſé de quelque jalouſie.
D. Les amans n’ont-ils pas d’autre ſigne de fidélité ?
R. Oui, Ils en ont encore une infinité d’autres, comme le chagrin, l’inquiétude, le déſeſpoir, le changement de couleur, la dépenſe exceſſive, & les regards ardens.
D. Toutes ces marques ſont-elles néceſſaires pour paroître véritable amant ?
R. Non, il n’y a que les cinq premieres dont nous avons demandé l’explication qui ſont de la derniere importance, la plupart de ces autres ſont plutôt marques de folie que d’inclination.
CHAPITRE III.
D. A quelle fin eſt fait l’amant ?
R. C’eſt pour connoître un objet, l’aimer & le ſervir.
D. Combien de choſes ſont néceſſaires à un amant pour parvenir à la fin d’être aimé ?
R. Une ſeulement.
D. Quelle eſt-elle ?
R. C’eſt l’amour.
D. Qu’eſt-ce que l’amour ?
R. C’eſt un objet dont la violence forme une tendreſſe ſenſible ſur la partie la plus tendre & la plus ſympatiſante.
D. Combien y a-t-il de commandemens d’amour ?
R. Il y en a huit.
D. Dites-les donc.
R. 1. Un ſeul objet honoreras, & aimeras parfaitement. 2. Pour cet objet tu périras, & mouras généreuſement. 3. Jamais ne lui refuſeras ce qu’il voudra violemment. 4. A lui faire, tu ſongeras, mille plaiſirs inceſſamment. 5. Infidélité tu ne feras, ni de corps ni de conſentement. 6. Œuvre de chair ne deſireras qu’avec cet objet ſeulement. 7. Indiſcret tu ne ſeras après le divertiſſement. 8. L’inconſtance tu fuiras, afin d’être aimé longuement.
CHAPITRE IV.
D. Quelle priere devons-nous faire au Dieu d’amour, & comment le devons-nous prier ?
R. Nous devons être en poſture de ſuppliant plutôt de cœur que de bouche, & le prier ainſi.
PRIERE A L’AMOUR.
AMour qui êtes dans le cœur raiſonnable,
ton nom ſoit reſpecté, ta volonté ſoit parfaite,
tes faveurs nous aviennent, aux champs comme
à la ville. Donnez-nous aujourd’hui les cœurs
que nous demandons, pardonnez-nous nos impuiſſances,
comme nous pardonnons les peines
à celles qui nous les cauſent ; & ne ſouffrez pas
qu’on nous induiſe en jalouſie ; mais délivrez-nous
de tous rivaux. Ainſi ſoit-il.
D. Sont-ce là toutes les prières d’un véritable amant ?
R. Non, car il y a encore le ſymbole d’un véritable amant, qui eſt conçu en ces termes.
Je crois au dieu d’amour le maître tout-puiſſant,
qui fait tous les délices de la terre, & la perſonne
que j’aime le plus, parce qu’elle eſt la plus aimable, à
laquelle je penſe inceſſamment, &
pour laquelle je ſacrifierois volontiers mon honneur &
ma vie ; je crois auſſi qu’elle ſouffre quand
elle ne me voit pas, & qu’elle mourra plutôt
que de changer. Ainſi ſoit-il.
CHAPITRE V.
D. A quel âge peut-on commencer à faire l’amour ?
R. Les garçons à 14, & les filles à 12 ans, ſelon que l’on eſt avancé pour ſon âge.
D. Comment faut-il qu’un amant ſe comporte quand il commence à faire l’amour ?
R. Il faut premierement qu’il ſache ce que doit faire un véritable amant, qui n’ignore pas la différence qu’il y a entre les cérémonies des grands & des petits.
D. En quelle diſpoſition doit-il être pour faire l’amour ?
R. Il faut qu’il ſoit propre ſuivant la condition reſpective, & ſur toutes choſes preſpicatif, tant par ſes yeux, que par ſes diſcours.
CHAPITRE VI.
D. Combien y a-t-il de béatitudes de l’amour ?
R. Il y en a ſept.
D. Dis-les-moi.
R. 1. Bien heureux ſont les amans qui aiment véritablement, car les plaiſirs de l’amour ne ſont pas ſenſibles à ceux qui n’en ſont que médiocrement touchés. 2. Bien heureux ſont les amans ſains & vigoureux ; car ils ſont aimés long-tems & ſont les plus conſidérés. 3. Bien heureux ſont les amans qui aiment véritablement à rire ; car il y a du ſujet de s’affliger en l’amour ſans y joindre le
tempérament. 4. Bien heureux ſont les amans qui ont de l’eſprit ; car ils goûtent des plaiſirs que les niais ne reſſentent pas. 5. Bien heureux ſont
les amans qui ont de la patience, car il eſt très-difficile de trouver une maîtreſſe qui accorde au premier moment ce qu’un amant deſire. 6. Bien heureux ſont les amans riches ; car l’amour aime la dépenſe. 7. Bien heureux ſont les amans ſans rivaux ; car ils poſſedent ſeuls les bonnes grâces de leurs maîtreſſes.
CHAPITRE VII.
D. Combien y a-t-il de péchés contre l’amour ?
R. Il y en a ſept, ſavoir. 1. L’avarice. 2. La froidure. 3. La diſſimulation. 4. L’impuiſſance. 5. La coquetterie. 6. L’infidélité. 7. L’indiſcrétion.
D. Quelles ſont les vertus contraires à ces 7 péchés ?
R. 1. La libéralité. 2. La tendreſſe. 3. Le ſecret. 4. La puiſſance. 5. La vigueur. 6. La ſincérité. 7. La confiance.
ORAISON
Utile & néceſſaire à une fille qui deſire d’être pourvue comme il faut du ſaint ſacrement de mariage.
MOn Dieu qui avez créé le genre humain
pour bénir votre nom adorable, & qui lui avez
donné par la ſource féconde du ſacrement de
mariage une voie légitime pour éteindre le feu
de la concupiſcence, & en même tems multiplier,
je vous adreſſe mes vœux du plus profond
de mon cœur, afin qu’il vous plaiſe me remplir
d’une vertu vivifiante qui me rende capable
de produire un fruit de l’union conjugale,
& me donner un époux qui ait toutes les qualités
néceſſaires pour s’acquitter dignement des vœux
du mariage ; vous promettant que je ne lui refuſerai
jamais le devoir quand il voudra procéder à
la principale action du ſacrement, afin
que nous puiſſions mettre au monde de petites
créatures qui vous louent inceſſamment ici-bas,
& enſuite dans le ciel bienheureux : c’eſt, ô
mon Dieu ! ce que je vous demande de toute
mon ame avec les dernieres inſtances, regardez
donc en pitié votre très-humble ſervante.
Ne permettez pas qu’elle demeure plus long-tems
ſur la terre comme un arbre ſec & ſtérile ; &
faites, s’il vous plaît, pleuvoir dans ces champs
une roſée douce & agréable qui faſſe naître de
bonnes plantes pour l’éternité. Ainſi ſoit-il.
AUTRE ORAISON.
Seigneur, puiſque le mariage a été fait au
ciel avant que d’être accompli ſur la terre, faites
que le mien ſoit déjà célébré dès le jour des
bienheureux ; vous en ſavez la conſéquence,
ſeigneur, & le pur danger auquel je ſuis expoſée
m’oblige à vous demander un bon mari qui
ait bien tous ſes outils avec qui je puiſſe vous
ſervir en paix & en joie toute ma vie, pour
recevoir une récompenſe après ma mort. Ainſi
ſoit-il.
Les litanies que doivent dire les jeunes filles tous les matins à jeun, & bien dévotement, pour avoir un bon mari bien promptement.
SAinte marie, je veux qu’on me marie,
Saint Joseph, que vous ai-je fait ?
Sainte Anne, perſonne ne me demande.
Saint Eloi, ayez pitié de moi.
Saint Nicolas, ne m’oubliez pas.
Saint Emeri, que j’aie un bon mari.
Saint Jacques, qu’il ſoit de bonne pâte.
Sainte Apolline, qu’il ſoit de bonne mine.
Saint Bruno, qu’il ſoit joli & beau.
Saint Honoré, qu’il ſoit à mon gré.
Saint Hilaire, qu’il ſoit débonnaire.
Saint Marcou, qu’il ne ſoit pas jaloux.
Saint Grégoire, qu’il n’aime point à boire.
Sainte Théreſe, qu’il me mette à mon aiſe.
Sainte Hélene, que je n’aie point de peine.
Sainte Jeanne, que je puiſſe bien ouvrir les jambes.
Saint Laurent, quand il en ſera tems.
Saint Vincent, que ce ſoit promptement.
Saint Séverin, que j’en ai grand beſoin.
Saint Médard, qu’il ne vienne pas trop tard.
Saint Auguſtin, que ce ſoit demain matin.
Saint Blaiſe, que je le faſſe à mon aiſe.
Saint Goguelu, qu’il vous faſſe le nez comme j’ai le cu.