Éthique (Appuhn, 1913)/Avertissement relatif au texte et à la traduction

Traduction par Charles Appuhn.
Garnier Frères (p. 17-18).

AVERTISSEMENT

RELATIF AU TEXTE ET À LA TRADUCTION


En joignant à ma traduction le texte latin de l’Éthique, je pense en avoir rendu l’usage plus commode aux personnes qui s’en serviront pour étudier d’un peu près la philosophie de Spinoza. Cette adjonction m’a été conseillée, je dois le dire, par mon savant collègue, M. Léon Brunschvicg, et je tiens à le remercier d’avoir par là donné à mon travail une marque de bienveillant intérêt. Je remercie aussi mes éditeurs d’avoir consenti à faire paraître l’Éthique sous cette forme qui n’était pas prévue dans le plan primitif de la publication.

Le texte qu’on trouvera dans ce volume est, sauf en quelques passages, la reproduction de celui qu’ont établi van Vloten et Land pour leur édition des œuvres complètes (Benedicti de Spinoza Opera quotquot reperta sunt, 2 vol., La Haye, 1882–1883 ; 2e éd., 3 vol., 1895). On observera toutefois que, l’Éthique ayant été réimprimée à part en 1905, j’ai dû tout naturellement me servir de ce nouveau tirage, plus correct que les précédents (que celui de 1895 surtout). J’ai seulement fait subir au texte de 1905 un petit nombre de modifications légères que j’ai eu soin d’indiquer toujours par un astérisque (*), en donnant chaque fois au bas de la page la leçon de l’édition de La Haye. Pour faire ces corrections j’ai consulté, outre Léopold, Ad. Spinozae Opera Posthuma, La Haye, 1902, les traductions allemandes de Stern et de Baentsch (Leipzig, 1905) et la traduction hollandaise de W. Meijer (2e tirage, Amsterdam, 1905).

Autant qu’il m’a été possible j’ai cherché pour chaque mot latin significatif le terme français qui m’a paru correspondre le mieux ou le moins mal, et je me suis astreint à l’employer partout où Spinoza usait du même mot. Je ne me dissimule pas que cette manière de faire, la seule rigoureuse, a d’assez graves inconvénients : le lecteur trouvera çà et là des mots français pris dans un sens peu conforme à l’usage, surtout à l’usage actuel, et, s’il passe trop rapidement, il risque de mal comprendre. J’ai essayé de diminuer ce danger par les explications qu’on trouvera dans mes notes à la fin du volume. Il m’a fallu aussi tirer de l’oubli quelques mots de l’ancien langage, tels qu’appéter, assentir. Enfin, outre la lourdeur de mes phrases suivant d’aussi près que possible l’original latin, on peut me reprocher d’user parfois de tours vieillis ; j’avoue l’avoir fait sans scrupule quand ma traduction m’a paru y gagner en exactitude. Je m’excuse ici de n’avoir pas su mieux concilier le devoir d’être fidèle avec celui d’épargner au lecteur toute peine inutile ; on le reconnaîtra, toutefois, une façon d’écrire, qui serait maladroite et ridiculement affectée si j’exprimais ma pensée personnelle, a droit à quelque indulgence dans la traduction d’un auteur vieux de plus de deux siècles et qui use lui-même d’un style latin fort, précis, d’une réelle beauté parfois dans sa sévérité, mais s’astreignant volontairement à de constantes répétitions de mots, sans prétention aucune à la légèreté, ne reculant pas devant l’emploi du vocabulaire scolastique et détournant parfois de leur sens habituel les mots de la langue commune.