Épigrammes (Homère, Leconte de Lisle)

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Traduction par Leconte de Lisle.
A. Lemerre (p. 457-464).
ÉPIGRAMMES




I


Aux Néoteikhéiens.



Révérez celui qui manque d’abri et de présents hospitaliers, vous qui habitez la haute Ville, riante fille de Kymè, sur la dernière pente de Saidènè aux larges feuillages, et qui buvez l’eau ambroisienne du fleuve jaune, du Hermos tourbillonnant qu’engendra l’immortel Zeus.




II


En retournant à Kymé.


Que mes pieds me ramènent bientôt à une ville d’hommes vénérables dont l’âme est bienveillante et dont la pensée est excellente !





III


À Midès.


Je suis une vierge d’airain et je suis placée sur le tombeau de Midès. Tant que l’eau coulera, que les grands arbres verdiront, que Hèlios resplendira en se levant, ainsi que la brillante Sélènè, que les fleuves déborderont et que la mer bouillonnera, restant en ce lieu, sur ce tombeau mouillé de larmes, je raconterai à ceux qui passent que Midès est enseveli ici.




IV


Aux Kymaiens.


Pour quelle destinée le père Zeus m’a fait tomber, nouveau-né, sur les genoux d’une mère vénérable, et m’a nourri !

Par la volonté de Zeus tempêtueux, les peuples de Phrikôn, dompteurs de chevaux rapides, braves et se vouant à Arès comme le feu dévorant, entourèrent autrefois de murailles l’Aiolide Smyrnè, maritime et battue par la mer et que traversent les belles eaux du Mèlès sacré.

Les filles de Zeus, illustres enfants, étant parties de là, voulaient célébrer la terre divine et la ville des hommes. Mais ceux-ci, dans leur démence, repoussèrent la voix sacrée et la révélation du chant. Celui qui les a éprouvés comprendra ce qui a causé, à leur honte, ma destinée mauvaise.

Mais je supporterai la Kèr qu’un Dieu m’a faite à ma naissance, j’endurerai d’un cœur patient l’inaccomplissement des choses. Cependant, mes chers membres désirent ne plus rester dans les rues sacrées de Kymè, et mon grand cœur me pousse à me rendre chez un peuple étranger, bien que je sois sans forces.




V


Au Thestoride.


Thestoride, beaucoup de choses sont obscures pour les hommes, mais rien, pour les hommes, n’est plus obscur que leur propre esprit.




VI


À Poseidaôn.


Entends-moi, très-puissant Poseidaôn, qui ébranles la terre, qui commandes au loin et sur le divin Hélikôn !

Donne aux marins un vent propice et un heureux retour, eux qui mènent cette nef et la dirigent. Fais que je rencontre, en arrivant aux pieds du Mimas escarpé, des hommes vénérables et justes, et que je me venge de l’homme qui, trompant mon esprit, a offensé Zeus hospitalier et la table hospitalière !




VII


À la ville Erythraia.


Terre vénérable, magnifique, dispensatrice des douces richesses, pour les uns tu es prodigue, mais pour ceux contre lesquels tu es irritée, tu es âpre et stérile.





VIII


Aux Marins.


Marins qui, semblables à l’odieuse Atè, traversez la mer, et dont la vie est malheureuse comme celle des timides poules d’eau, révérez la puissance de Zeus hospitalier qui règne dans les hauteurs, car la vengeance de Zeus hospitalier est terrible à qui l’a offensé.




IX


Aux Mêmes


Voici, ô mes hôtes, que le vent contraire vous a saisis ; mais accueillez-moi maintenant, et vous naviguerez.




X


Au Pin.


Ô Pin, d’autres arbres portent de meilleurs fruits que toi, sur les cimes de l’Ida battue des vents, aux gorges nombreuses.

Là, le fer d’Arès sera éprouvé par les hommes terrestres, quand les Kébrèniens posséderont le pays.





XI


À Glaukos le Chevrier.


Glaukos, gardien des troupeaux, je déposerai cette parole dans ton esprit : d’abord souviens-toi de donner à manger aux chiens devant les portes de l’enclos, car ceci est pour le mieux. En effet un chien sait, le premier, si un homme approche, ou si une bête fauve est entrée dans l’enclos.




XII


À une Sacrificatrice de Samos.


Entends ma prière, Protecteur des jeunes hommes ! Fais qu’elle refuse l’amour et le lit des jeunes hommes, et qu’elle soit charmée des vieux à tête blanche dont la vigueur est éteinte, bien qu’ils désirent encore !




XIII


À une Demeure de Confrères.


Les enfants sont l’ornement de l’homme, les tours sont celui d’une ville, les chevaux celui de la plaine, et les nefs celui de la mer. Les richesses ornent une demeure ; les Rois vénérables, quand ils siègent dans l’Agora, sont l’ornement des citoyens qui les voient. Plus vénérable encore est la demeure où le feu brille, un jour d’hiver, quand le Kroniôn fait pleuvoir les neiges.




XIV


Le Fourneau ou le Vase de terre.


Si vous me donnez une récompense, ô Potiers, je chanterai : — Viens ici, allons ! ô Athènaiè, et de ta main protège ce fourneau. Que les coupes et tous les vases prennent de la couleur, cuisent bien et soient d’un grand prix ; qu’on en vende beaucoup dans l’agora et beaucoup dans les rues, et qu’ils rapportent beaucoup. — Voilà comme nous chanterons pour vous. Mais, si, enclins à l’impudence, vous dites des mensonges, alors j’évoquerai les destructeurs de fourneaux : Syntrips, Smaragos, Asbétos, Sabaktès et Omodamos, celui qui causera le plus de maux à votre art :

— Détruisez par le feu la demeure et le portique ! Que tout le fourneau soit broyé, que les vases éclatent en grinçant comme des mâchoires de cheval, et que le fourneau grince ainsi, brisant les vases les uns contre les autres ! Viens ici, fille de Hèlios, Kirkè riche en poisons ! Répands tes cruels poisons et détruis-les, eux et leurs travaux ! Viens aussi, Kheirôn ! amène les nombreux Centaures. Les uns ont échappé aux mains de Hèraklès, si les autres ont péri. Qu’ils broient ces vases, que le fourneau s’écroule, et qu’eux-mêmes gémissent à la vue du mal accompli ! Et moi, je me réjouirai en voyant leur œuvre funeste ! Et que ceux qui se pencheront sur le fourneau, pour y regarder, aient toute la face brûlée par le feu, afin que tous apprennent à bien agir.




XV


Chanson de Mendiants.


Nous sommes près de la demeure d’un homme qui a une grande puissance. Il peut beaucoup, et il murmure beaucoup, bien qu’il soit heureux.

Ouvrez-vous de vous-mêmes, ô portes ! Les richesses entreront en foule, et, avec les richesses, la joie florissante et la bonne paix.

Que la pâte gonflée soit toujours pétrie dans la huche ! Et, bientôt, ce sera un beau pain d’orge et de sésame.

Voici que la femme de votre fils arrive sur son char, et que les mulets aux pieds vigoureux la traîneront vers cette demeure.

Qu’elle-même tisse la toile, assise sur l’émail !

Je te reviendrai, je reviendrai tous les ans, comme l’hirondelle. Je suis debout sous le portique, les pieds nus. Apporte promptement quelque chose. . . . . . . .

Si tu me donnes, ou si tu ne me donnes pas, nous ne resterons point, car nous ne sommes pas venus pour habiter ici.




XVI


Aux Pêcheurs.


Homèros.

— Hommes, pêcheurs d’Arkadia, aurons-nous quelque chose ?

Les pêcheurs.

— Ce que nous prendrons nous le laisserons ; ce que

nous ne prendrons pas nous l’emporterons.
Homèros.

— Vous êtes bien du sang de vos pères qui ne possédaient ni champs, ni troupeaux paissants.




XVII


Au Tombeau de Homèros.


Ici la terre couvre une tête sacrée, le Chanteur des héros, le divin Homèros.




XVIII


Vers extraits du Margitès.


Il savait de nombreuses choses, mais il les savait toutes mal.

Les Dieux ne l’avaient fait ni jardinier, ni laboureur ; il n’était propre à rien, et il n’avait aucun art.

Serviteur des Muses et de l’Archer Apollôn.