Épaves (Prudhomme)/Science et Poésie

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ÉpavesAlphonse Lemerre. (p. 96-97).


SCIENCE ET POÉSIE


Une forêt, qu’est-elle en soi ?
Un cru d’azote et de carbone.
— Mais l’âme y sent on ne sait quoi
Dont la muette horreur l’étonne.

La mer n’est que des sels dissous
Dans un grand réservoir d’eau claire.
— Mais l’âme entend gronder dessous
Une monstrueuse colère.


Qu’est le zéphyr ou l’aquilon ?
Un flux d’azote et d’oxygène.
— Mais l’âme y sent quelque démon
Dont l’esprit flâne ou se déchaîne.

Un aveugle soulèvement
N’a-t-il pas courbé la colline ?
— Mais l’âme y rêve un lit charmant,
Un tapis que l’amour incline.

La source n’est que l’eau du mont
Qui filtre et dans le val affleure.
— Mais mon âme voit luire au fond
Une sœur qui l’appelle et pleure…