Épîtres (Voltaire)/Épître 117

Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 10 (p. 450-451).


ÉPÎTRE CXVII.


À MONSIEUR GUYS[1].


(1776)


Le bon vieillard très-inutile
Que vous nommez Anacréon,

Mais qui n’eut jamais de Bathyle,
Et qui ne fit point de chanson,
Loin de Marseille et d’Hélicon
Achève sa pénible vie
Auprès d’un poêle et d’un glaçon,
Sur les montagnes d’Helvétie.
Il ne connaissait que le nom
De cette Grèce si polie.
La bigote Inquisition
S’opposait à sa passion
De Taire un tour en Italie.
Il disait aux Treize-Cantons :
« Hélas ! il faut donc que je meure
Sans avoir connu la demeure
Des Virgiles et des Platons ! »
Enfin il se croit au rivage
Consacré par ces demi-dieux :
Il les reconnaît beaucoup mieux
Que s’il avait fait le voyage,
Car il les a vus par vos yeux.



  1. Pierre-Augustin Guys, né à Marseille en 1721, mort à Zante en 1799, avait envoyé à Voltaire la seconde édition de son Voyage littéraire de la Grèce, 1776, deux volumes in-8o.