Énigmes des nègres
Il existe au Sénégal, une espèce de jeu d’esprit assez remarquable, à laquelle se livrent souvent les Ghiolofs, et qui tient un peu de nos énigmes. Les lettrés chinois ont, dit-on, des récréations du même genre, et même chez nous, certains jeux de société s’en rapprochent beaucoup.
Ce jeu consiste en ce que les interlocuteurs s’adressent mutuellement des questions qui contiennent une définition à l’aide de laquelle on doit deviner un mot. En voici quelques exemples :
D. Qui le premier aperçoit l’étranger et ne lui donne pas à souper ?
R. Le sommet de la case. — En effet, le sommet du toit de la maison découvre le voyageur avant aucun habitant, mais il ne lui prépare pas à souper. Cette pensée, qui est presque un sentiment, est tout-à-fait dans le caractère hospitalier des Ghiolofs.
D. Qu’est-ce que l’argent des champs.
R. La gomme. — On sait que la gomme (semblable à celle d’Arabie) est brillante comme de l’argent, et que c’est le produit le plus considérable du Sénégal.
D. Qui est-ce qui respire et ne vit pas.
R. Un soufflet.
D. Qui est-ce qui fait un creux comme un nid, et qui ne pond pas ?
R. C’est le pilon dans le mortier. – Les nègres sont dans l’usage de réduire en farine le mil qui leur sert d’aliment ordinaire, en le pilant dans des mortiers.
D. Qui a une queue et ne la remue pas ?
R. C’est une cuiller.
D. Qui est-ce qui est très-long au soleil, et qui n’a pas d’ombre ?.
R. C’est le chemin.
D. Qu’y a-t-il de plus pénétrant au monde ?
R. C’est l’esprit.
D. Quels sont les camarades qui passent toute la journée à se battre et qui ne se font pas de mal ?
R. La langue et les dents.
D. Qui est-ce qui a les cheveux ébouriffés et qui prie Dieu de le coiffer.
R. C’est le rônier. – On appelle rônier dans le pays, et rondier dans les livres, un très-grand palmier du genre lontarus. Au sommet d’une tige haute de 60 à 80 pieds, il porte une touffe de larges feuilles en éventails, qui lui forment comme une tête hérissée de cheveux en désordre. Cette idée des nègres offre une image originale et vraie, à laquelle sourit naturellement quiconque a vu les nombreux et beaux rôniers qui croissent au Sénégal.