Émile Zola : l’homme & l’œuvre/Dédicace à mon compatriote J. S***

à mon compatriote J. S***, bibliophile

Cher Monsieur,

Depuis vingt ans, environ, que je bibliographie, parfois découragé mais jamais vaincu, sacrifiant mon temps et mon argent à ces travaux littéraires, les plus utiles mais les moins appréciés de tous, vous êtes le premier qui m’ayez soutenu de vos conseils éclairés et de vos bienveillants services. Votre constante amitié m’a fait oublier l’injustice des uns, dédaigner les calomnies des autres et espérer la justice de quelques-uns.

Bien que simple et détaché de tout ; sauvage, disent les indifférents, philosophe, insinuent ironiquement les frondeurs, j’ai pourtant la fierté et l’orgueil de mes amis qui sont ma force et ma joie ; je les ai faits miens, par le dévouement et l’affection ; ils sont devenus la chair de mon cœur, l’âme de ma pensée et le calme foyer de ma vie ; ils seront le seul regret de ma mort.

Je ne peux, cher Monsieur, vous dire ma reconnaissance et mon amitié, comme je le voudrais et comme vous le méritez, mais je peux, vous voulez bien me le permettre, placer cette étude, l’aînée de plusieurs autres, je l’espère, sous la protection affectueuse de votre nom. Cela portera bonheur aux biographiés et au biographiste ; j’en ai si bien la conviction que je vous en remercie d’avance pour eux.

Agréez, cher Monsieur, l’assurance de l’affection reconnaissante de votre tout dévoué compatriote.

A. LAPORTE.

Je prie M. Catel, contrôleur des hospices et M. F***, dont la modestie m’impose de taire le nom, de recevoir, en acompte sur ma dette de reconnaissance, tous mes remerciments pour les intéressantes notes bibliographiques qu’ils m’ont communiquées. Je n’en puis dire autant à M. É. Zola qui m’a fait le plaisir de laisser sans réponse la lettre dans laquelle je lui demandais son portrait et un « fac-similé » de son écriture. Mais au fait, il a raison ; tout cela court assez les rues et s’affiche suffisamment aux étalages pour n’avoir pas besoin de servir d’enseigne à mon livre.

A. L.

Paris, 5 décembre 1893.