Élysée Loustallot et les Révolutions de Paris/Pièces justificatives


NOTES
et
pièces justificatives




I.

Extrait des actes de l’état civil de la commune
de Saint-Jean-d’Angély.


BAPTÊME D’ÉLYSÉE LOUSTALLOT.


« L’an mil sept cent soixante-deux, et le douzième avril, je soussigné, vicaire de la paroisse de Saint-Jean-d’Angély, ai suppléé les cérémonies du baptême sur Élysée Loustallot, fils naturel et légitime de M. Élysée Loustallot, avocat en la cour et syndic des avocats suivant le barreau du siége royal de cette ville, et de dame Marie-Marguerite-Louise Caffîn, ses père et mère, mariés ensemble. Lequel enfant a été baptisé le vingt-cinq décembre mil sept soixante-un ; le parrain a été Pierre Allenet, sieur de La Grange, et la marraine dame Marie-Rénée Bouhault, épouse de sieur Étienne Daniel de la Givernière, bourgeois de la ville de Niort, lesquels ont signé avec les père et mère de l’enfant et autres assistants et témoins.

Signé au registre : Loustallot, M. Gaffîn, Allenet, M. Bouhault, Marguerite Larade, Caffin de la Coursolière, Louise Caffin, M. Roger, Marie-Françoise Caffin, Guillonnet de Merville, Meaume, et Fr. P. Doyneys, vicaire. »

Pour extrait certifié conforme, délivré sur papier libre à titre de renseignement.

Saint-Jean-d’Angély, le 10 janvier 1872.

Signé : Le maire, A. Jouslain.


M. G. Loustalot, député des Landes à l’Assemblée de Versailles, a bien voulu s’associer à nos recherches sur la famille de l’éminent publiciste dont il porte le nom. Malheureusement, malgré son inépuisable obligeance et celle de ses amis (M. Fourcand, entre autres, député de la Gironde et maire de Bordeaux), il n’a pu nous fournir des renseignements précis. Nous serions ingrat si nous ne lui offrions pas ici nos remerciments.

Les archives nationales, si riches en documents de toute sorte sur l’époque révolutionnaire, ne contiennent aucune pièce relative à Élysée Loustallot.

M. P.


II.


On a vu les insulteurs royalistes à l’œuvre dans le « Précis sur la vie du fameux Lotutallot. » Nous allons donner quelques extraits d’une brochure satirique, plus spirituelle et moins violente, qui parut à la fin de septembre 1790, sous ce titre : « La triste journée, ou petite pièce du Champ de Mars, suivie du grand convoi du fameux Loustaleau, de son oraison funèbre, et du petit mot d’un sans-souci au terrible Lameth, par l’auteur de la Joyeuse semaine[1]. »

Les passages de la « Triste journée » qui concernent Loustallot renferment quelques railleries, parfois assez amusantes, avec cette épigraphe : « Vixit et famosut erat. »

«…Voilà un billet pour Monsieur, afin qu’il veuille bien assister aux obsèques du premier flambeau de la Révolution, trépassé hier. — Ahi ! ah ! ahi ! quelle perte ! Les pères de la Constitution en sont inconsolables, et moi aussi, et M. Prudhomme donc !… Je commence par donner des regrets à cet homme fameux, que je ne connaissais pas, Dieu merci ! Il était jeune, il n’est plus ; à peine il avait rempli la moitié de sa carrière, cela est vraiment fâcheux, mais je n’y puis rien. » (Page 9.)

Et l’auteur annonce pompeusement une oraison funèbre de sa façon.

« Oui, mes frères, oui, citoyens soldats, oui, soldats citoyens, il vécut. De ça nous en sommes plus sûrs que de la stabilité des plus célèbres décrets de l’Assemblée. »

« Ce discours inspiré par le plus nerveux des hommes de génie révolutionnaires, sera sans doute un chef d’œuvre, n’en perdez rien, je vous prie… En ce moment, les sanglots m’étouffent, je me repose. Essuyez vos yeux, toussez, crachez, mouchez-vous, nous commencerons ensuite la première partie. » (Page 11.)

« Lorsqu’il naquit, il était encore enfant. C’était, d’après les soigneuses recherches que j’ai faites, c’était, oui, c’était le jour de sa naissance. Il promettait beaucoup, on le regardait, qu’il n’avait pas encore dix ans, comme une des étoiles lumineuses qui devaient le plus distinguer les bords de la Garonne. » (Page 13.)

« Mon héros fait son portemanteau dans un mouchoir tout neuf, met ses souliers à sa main, et prend la route du pays des grands hommes. Il arrive en peu de temps à Paris. Mais, ô bizarrerie du destin, il y vivait ignoré, son mérite ne perçait pas. Voilà la bienheureuse Révolution qui arrive couverte d’un nuage. Longtemps elle se tient invisible, peu de personnes ont le secret, encore moins le soupçonnent. Mais il est des êtres privilégiés dont l’esprit subtil perce la durée des temps. Mon héros était de ce nombre. Au premier éclat il juge le reste. Un libraire mal dans ses affaires cherchait quelques jeunes talents qui, comme lui, n’eussent rien à risquer. Loustaleau se présente, son mérite le fait bientôt distinguer au milieu de ses concurrents… Mais on frappe, que les gens de génie sont malheureux, ils ne peuvent finir aucun ouvrage. Loustaleau n’a pu finir ses Révolutions, et moi je ne puis terminer son éloge ! » (Page 14.)

Voir plus loin un récit burlesque de l’ensevelissement.

« Je me rendis rue Saint-Benoit, où je vis d’une croisée passer le magnifique convoi du fameux et très-heureux, ou fort malheureux Loustaleau. Je dis heureux parce qu’il est débarrassé des peines de la vie, malheureux parce que peut-être si Mme  la Mort l’eût consulté il serait encore en vie. »

« Bientôt je vis défiler le funèbre appareil, ce qui me frappa ce fut le deuil. Les quatre coins du drap étaient portés par Honoré Mirabeau, Le Camus, Barnave et Alexandre Lameth. Prudhomme, en pleureuse, marchait immédiatement après le corps. À une petite distance venait le procureur général de la Lanterne ; il était furieux, se cognait le front, pleurait d’un œil et riait de l’autre. Il aurait voulu parler, mais la difficulté de sa prononciation empêchait de l’entendre. On distingua cependant qu’il promettait l’oraison funèbre du défunt, et que modestement il s’attribuait en ce moment la supériorité sur tous les révolutionnaires qui, comme lui, se croient gens de lettres. Le républicain Dusaulchoy suivait ; son œil sombre, ses cheveux noirs et plats lui donnaient un air de tristesse, qui, joint à la décence de son maintien, intéressait en sa faveur. Prudhomme se retournait de temps en temps, et le regardait en soupirant, mais sa fierté républicaine le rendait sourd à ces invitations. Mon Républicain, disait-il, vaut un autre journal. Les prêtres chantaient, Prudhomme, le désolé Prudhomme, beuglait. Le procureur général de la Lanterne délirait, selon son usage. » (Pages 22 et 23.)

L’auteur anonyme a voulu parodier l’oraison funèbre de Camille Desmoulins ; et la fin de son récit est probablement une raillerie à l’adresse des patriotes qui n’ont pas suivi jusqu’à sa dernière demeure le corps de Loustallot.


III.


L’épigraphe célèbre des Révolutions de Paris est empruntée presque textuellement à un pamphlet intitulé le Point de l’ovale, publié contre Mazarin par le libelliste Dubosc Montandré, un des plus connus entre les auteurs des Mazarinades. Dubosc écrivait vers 1640 :

« Les grands ne nous paraissent grande que parce que nous les portons sur nos épaules. Nous n’avons qu’à les secouer pour en joncher la terre. »


IV.


On lit dans le journal royaliste le Petit Gautier (journal général de la cour et de la ville) la pièce suivante à l’adresse de Fabre d’Églantine ou de Sylvain Maréchal, les successeurs de Loustallot aux Révolutions de Paris :

Mons Loustallot, auteur très-frénétique,
Dans l’un des plus fongueux accès
De sa fièvre patriotique
S’en est allé l’autre jour ad Patres.
Il fut des droits de l’homme un ardent défenseur,
Mais si le ciel rend nos vœux efficaces,
Consolons-nous, son digne successeur
Incessamment marchera sur ses traces.
(No du mardi 19 octobre 1790.)
  1. À Paris, de l’imprimerie des Révolutions infernales, 1790. Brochure de 28 pages in-8o.