Traduction par Pierre de Nolhac.
Garnier-Flammarion (p. 53).

XLIV. — N’allons pas plus loin ; vous voyez, je pense, combien Philautie procure de satisfactions à tous et à chacun.

Elle a pour sœur Flatterie, qui lui ressemble fort, car Philautie se caresse soi-même et Flatterie caresse les autres. Cependant celle-ci est décriée de nos jours, du moins par les gens que troublent les mots et non les réalités. Ils estiment que la sincérité est incompatible avec la flatterie, alors que tant d’exemples, dont celui des animaux, leur démontreraient le contraire. Qu’y a-t-il de plus flatteur que le chien et aussi de plus fidèle ? de plus caressant que l’écureuil et en même temps de plus ami de l’homme ? Voudriez-vous admettre que les lions farouches, les tigres féroces ou les irritables léopards soient plus favorables à la vie humaine ? Il y a bien une flatterie, assurément pernicieuse, qu’utilisent parfois la méchanceté et la moquerie pour perdre les malheureux. Mais celle qui vient de moi naît de la bonté et de la candeur ; elle se trouve beaucoup plus voisine de la vertu que la rudesse, son contraire, et que cette humeur qu’Horace dit morose et sauvage. Elle relève les âmes abattues, adoucit les tristesses, stimule les nonchalants, anime les engourdis, soulage les malades, amollit les cœurs furieux, rapproche les amoureux et les tient unis. Elle encourage l’enfant à aimer l’étude, déride le vieillard, insinue aux princes, sans les blesser, des conseils et des leçons enveloppés dans une louange. En somme, elle rend chacun plus agréable et plus cher à soi-même, ce qui est l’essence du bonheur. Voit-on plus obligeant que deux mulets qui s’entre-grattent.

La flatterie fait partie de cette Éloquence tant célébrée, et davantage encore de la Médecine, et au plus haut point de la Poésie. Elle est le miel et le condiment de toutes les relations entre les hommes.