Élisabeth Verdier/Conclusion

Michel Lévy frères, éditeurs (p. 360-361).


CONCLUSION

Quand Élisabeth apprit la mort d’Armand, elle demeura frappée de stupeur. Au fond, elle n’avait point cru à la menace de cet homme, jusque-là si calculateur et si froid… Mais y eût-elle cru, que pouvait-elle faire ?… courir à sa poursuite, lui arracher l’arme des mains, le conjurer de renoncer à son dessein criminel ? — Peut-être. — Le suivre à Rome, l’épouser, l’aimer ? — Non !

Mais elle s’empressa de faire profession, et toute sa conduite fut marquée au coin d’une austérité plus grande. Car il lui semblait que, désormais, elle était comptable d’une double expiation.

Quant à l’œuvre qu’elle a fondée, soutenue par son dévouement, son intelligence, son infatigable activité, elle prospère. Le comte Memmi, qui depuis 1839 fait de fréquents voyages à Paris, l’a protégée auprès des puissances.

On espère qu’elle obtiendra bientôt l’aide du gouvernement, nécessaire encore, en France, à tant d’entreprises, pour les faire fortes et fécondes. Aujourd’hui, Pauline et Charlotte, les deux jeunes filles recueillies et formées par Élisabeth, sont à la tête de la maison. Sœur Sainte-Barbe est morte et sœur Élisabeth n’a plus que la direction générale de l’œuvre.

Et Rosine de Varrodes ? — Elle trône dans son salon, elle brille dans le monde, toujours puissante et respectée, toujours jolie…

— Mais, dira-t-on, la morale ? — La morale ? Elle ne gagne rien à se commettre avec l’hypocrisie, pas plus qu’à transiger avec la vérité. Je pourrais dire que Rosine devint laide, fut démasquée et demeura en même temps repoussante et déshonorée. Mais je ne combine pas une fable pour l’édification de mes contemporains, je raconte une histoire. Or, dans la vie, combien d’Armand qui prospèrent et de Rosine de Varrodes qui lèvent haut, jusqu’au bout, l’impudeur de leur front ! J’aime mieux terminer par un tableau vrai, un récit pris dans le vif de la réalité : — laissant Élisabeth expiant sous sa robe de bure, et Rosine triomphante, conservant jusqu’au delà des années sa beauté replâtrée… — et conclure :

Si les fautes des âmes nobles et généreuses sont parfois si rudement châtiées, tandis que les vilenies et les crimes semblent servir d’échelons au triomphe des âmes basses et endurcies, ne serait-ce point qu’il suffit aux premières de l’expiation d’ici-bas, tandis que l’éternelle justice attend les autres au « par delà ? »


FIN



F. AUREAU. — Imprimerie de Lagny.