Élégies et poésies nouvelles/Un Moment

UN MOMENT.

Un moment suffira pour payer une année ;
Le regret plus long-temps ne peut nourrir mon sort.
Quoi ! l’amour n’a-t-il pas une heure fortunée,
Pour celle dont, peut-être, il avance la mort !
Une heure, une heure, amour ! une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ; après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c’est trop d’une heure… un moment ! un moment !

Vois-tu ces fleurs, amour ? c’est lui qui les envoie,
Brûlantes de son souffle, humides de ses pleurs :

Sèche-les sur mon sein par un rayon de joie ;
Et que je vive assez pour lui rendre ses fleurs.
Une heure, une heure, amour ! une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ; après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c’est trop d’une heure… un moment ! un moment.

Rends-moi le son chéri de cette voix fidèle :
Il m’aime, il souffre, il meurt, et tu peux le guérir !
Que je sente sa main, que je dise : c’est elle.
Qu’il me dise : je meurs. Alors, fais-moi mourir.
Une heure, une heure, amour ! une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ; après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c’est trop d’une heure… un moment ! un moment !