Élégies et poésies nouvelles/Le Soir

LE SOIR.

Seule avec toi dans ce bocage sombre ?
Qu’y ferions-nous ? à peine on peut s’y voir :
Nous sommes bien ! Peux-tu désirer l’ombre ?
Pour se perdre des yeux c’est bien assez du soir !
Auprès de toi, j’adore la lumière :
Et quand tes doux regards ne brillent plus sur moi,
Dès que la nuit a voilé ta chaumière,
Je me retrouve en fermant ma paupière,
Seule avec toi.

Sûr d’être aimé, quel vœu te trouble encore ?
Si près du mien, que désire ton cœur ?
Sans me parler ta tristesse m’implore ;
Ce qu’on voit dans tes yeux n’est donc pas le bonheur ?
Quel vague objet tourmente ton envie ?
N’as-tu pas mon serment dans ton sein renfermé ?
Qui te rendra ta douce paix ravie ?
Dis, quel bonheur peut manquer à ta vie,
Sûr d’être aimé !

Ne parle pas ! je ne veux pas entendre.
Je crains tes yeux, ton silence et ta voix.
N’augmente pas une frayeur si tendre ;
Hélas ! je ne sais plus m’enfuir comme autrefois,
Je sens mon âme à la tienne attachée ;

J’entends battre ton cœur qui m’appelle tout bas :
Heureuse, triste, et sur ton sein penchée,
Ah ! si tu veux m’y retenir cachée,
Ne parle pas !