Élégies (Marceline Desbordes-Valmore, 1860)/L’Imprudence

ÉlégiesCharpentier (p. 51-52).
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L’IMPRUDENCE


Comme une fleur à plaisir effeuillée,
Pâlit, tombe et s’efface une brillante erreur.
Ivre de toi, je rêvais le bonheur ;
Je rêvais : tu m’as éveillée.
Que ce réveil va me coûter de pleurs !
Dans le sein de l’Amour pourrai-je les répandre ?
Il m’enchaînait à toi par des liens de fleurs ;
Tu me forces à les lui rendre !

Un seul mot à nos yeux découvre l’avenir ;
Un reproche souvent attriste l’espérance.
Hélas ! s’il faut rougir d’une tendre imprudence,
Toi qui la partageas, devais-tu m’en punir ?
Loin de moi va chercher un plus doux esclavage ;
Va ! de tout mon bonheur j’ai payé ton bonheur :
Eh bien, pour t’en venger tu m’as rendu mon cœur,

Et tu me l’as rendu brûlant de ton image.
Je le reprends, ce cœur blessé par toi ;
Pardonne à mon imprévoyance :
Je lui dois ton indifférence ;
Que te faut-il encor pour te venger de moi ?