École des arts et métiers mise à la portée de la jeunesse/Le Fondeur en fer


Anonyme
Traduction par T. P. Bertin.
L. Duprat-Duverger, libraire (2p. Gravure-39).

Le Fondeur en fer.


LE FONDEUR EN FER.





Quoique le fer ne soit pas regardé comme le métal le plus précieux, on l’emploie dans trois états différens, qui tous ont des propriétés particulières, d’après lesquelles il peut s’appliquer à des usages variés.

Le premier de ces états est le fer fondu, le second le fer malléable ou travaillé, le troisième l’acier.

Nous allons ici parler de la forge ou fonderie, c’est à dire d’une manufacture de fer fondu dont nous avons la description dans la vignette : l’ouvrier fondeur vient de retirer du fourneau une cuillerée de métal liquide, avec lequel il est peut-être prêt à couler le devant d’un four ou tout autre article qui est moulé dans le sable ; il est aisé de concevoir que cette profession exige beaucoup de force et une constitution capable d’endurer une grande chaleur.

Le fer se tire des entrailles de la terre sous la forme de pierre ; on l’appelle dans cet état minerai. Les mines les plus riches sont celles qui contiennent le métal le plus pur ; le minerai alors est pesant et d’une couleur rouge tirant sur le brun.

Avant qu’on en puisse retirer du fer il faut le faire griller ou calciner ; cette opération se fait par différens procédés. Dans les forges de Staffordshire, aussitôt que le minerai est tiré de la terre on le calcine en plein air avec du charbon de terre en poudre ou du charbon de bois pour le réduire en petites parties ; ce procédé emploie trois jours. Mais à Forest-Dean, dans le comté de Gloucester, le minerai est calciné dans des fourneaux semblables à des fours à chaux ; on les remplit jusqu’au faîte de charbon et de minerai, en ayant soin de mettre alternativement un lit de charbon et un lit de minerai ; le feu se met au lit de charbon d’en bas, et il continue de brûler jusqu’à ce que le charbon soit entièrement consumé. Par ce moyen le minerai se brocarde facilement ; mais le métal n’est point fondu.

On le porte ensuite à la forge pour y opérer sa fusion, c’est à dire pour extraire le métal de la gangue. La forge, telle qu’elle est représentée dans la vignette, est bâtie en briques ; elle a environ vingt-quatre pieds sur toutes ses faces, et près de trente pieds de haut endedans ; le milieu ou la partie la plus large de cette forge n’a pas plus de huit ou dix pieds ; son sommet et sa base étant rétrécis, elle affecte à peu près la forme d’un œuf. Derrière la forge sont fixés deux soufflets que fait mouvoir une roue placée sur un courant d’eau, et ils sont disposés de manière à jouer tour à tour, l’un donnant son souffle lorsque l’autre s’élève. Ces soufflets sont construits d’après le plan de M. Wilkinson, c’est à dire de manière à produire un vent continuel. On a pratiqué dans la forge des trous que l’on ouvre à volonté, et par lesquels on peut enlever les scories et faire couler le métal.

Le fourneau est rempli de minerai et de charbon et quelquefois de pierres à chaux, qu’on y ajoute comme flux. Le minerai s’affaisse par degrés dans la partie la plus échauffée du fourneau où il se fond, et les parties métalliques, comme ayant le plus de pesanteur, tombent au fond, où il y a un passage pour enlever les scories. Aussitôt qu’il y a une quantité suffisante de métal dans un état complet de fusion, on le fait couler par une ouverture dans des sillons creusés dans un lit de sable immense qui se trouve devant l’entrée du fourneau ; la grosse masse qui occupe le plus fort sillon se nomme gueuse ; on donne le nom de gueusillons aux autres. Le métal est ordinairement si chaud en sortant du fourneau qu’il coule à une très-grande distance, et qu’il bout pendant quelque temps dans le sable.

Le fondeur retire le métal du creuset ou du fourneau dans des larges cuillers, d’où il le verse dans des moules de sable très-fins pour en faire des plaques de cheminée, des âtres de four, des poêles, etc. Lorsqu’une fois la forge est allumée on la tient dans cet état pendant plusieurs mois de suite sans souffrir que le feu se relâche de sa vivacité ni le jour ni la nuit, et on continue de l’entretenir de combustible et de minerai jusqu’au faîte pendant plusieurs mois.

La chaleur excessive et longtemps soutenue des fourneaux mine peu à peu les ouvrages en briques ; leurs côtés ou parois deviennent incapables de supporter le poids du métal fondu, et quelquefois on en a vu crever tout à coup et laisser échapper un torrent de flamme liquide ; il est bon par conséquent d’éteindre le feu, quelque somme qu’il en coûte pour le rallumer, et d’examiner et réparer le fourneau.

Trois tonneaux ou six mille livres de fer sont quelquefois mis en fusion dans l’espace de vingt-quatre heures avec le secours des soufflets, tandis que la simple chaleur du charbon allumé, si elle n’était aidée de leur souffle, ne parviendrait pas à en mettre un quintal en fusion dans le même espace de temps.

Quand le fer, après avoir coulé du foyer par l’ouverture qu’on y a faite et après s’être refroidi, est bien homogène et aigu dans ses extrémités et dans ses coins, que le fer même est parsemé de petits points gris, on regarde cela comme un signe indiquant qu’on a saisi la véritable proportion entre la mine et les charbons ; mais s’il est troué et spongieux, c’est une marque qu’on aurait dû employer plus de mine.

On moule aujourd’hui la fonte de manière à en obtenir les ouvrages les plus délicats, et l’on en obtient à Berlin des empreintes de médailles aussi pures que celles en cuivre.

Le mot fonte est quelquefois employé au figuré, comme le prouve ce vers :
« Remettez, s’il vous plaît, ces deux vers à la fonte. »

On dit qu’un tableau est d’une belle fonte, pour dire que les passages des teintes sont suffisamment liés.