Échos et reflets/Sonnet Vénitien

Échos et refletsAlphonse Lemerre (p. 93-94).

Sonnet Vénitien


Le soir est imprégné de nard et de santal.
Lève sur moi tes yeux stagnants de Dogaresse,
Tes yeux que l’ennui vert des lagunes oppresse,
Las d’avoir contemplé la moire du canal.

Autour de toi s’affirme un silence automnal ;
Le dangereux parfum des daturas caresse
Ton front sans véhémence, ô fragile Maîtresse,
Dont le souffle ternit à peine le cristal.


Le roux vénitien de tes cheveux anime
La solitude où traîne un sanglot de victime.
Tragique, le couchant te prête son décor.

Tu portes le fardeau d’une antique infortune,
Quand tu fuis vers le sable où la Mer aux pieds d’or
Pleure sous le baiser stérile de la Lune.