Librairie Beauchemin, Limitée (p. 15-16).

Hommage liminaire

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Comme un fauve surgi delà les Laurentides
Le nordet se déchaine et son rugissement
Disperse à l’horizon les images livides.
Les chênes, secoués, ont un frémissement,
Enviant — le danger superbes humilie —
        Le gracile roseau qui plie.

C’est un bourru, c’est un grognon, c’est un rustaud,
Mais il est du pays d’où nous vient la lumière !
Aussi lui passe-t-on ses façons de costaud
Qui ne sont que brimade. Il blague à sa manière :
Il hurle, meugle, brame, ameutant la forêt…
        Mais ça n’est que du vent nordet !

Pour un chapeau qu’il chipe, une jupe qu’il trousse,
Il écarte de nous miasmes et brouillard.
On rage et, justement, on rage plus qu’on tousse.
Ah ! madame, oubliez la perte d’un riflard,
Car où trouver un teint qui vaille votre mine
        Que ce vent polisson lutine ?


Les arbres, à l’automne, ont la petite peur
Et frissonnent quand du nordet vient la rafale,
Mais c’est bien de plaisir et non pas de stupeur
Que chevrote sa voix de rouet qui brédale.
Les feuilles dans les bois, folles, dansent en chœur
Une ronde qui bientôt se change en bourrée
        À l’âpre rythme de Borée.


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