À une fiancée de quinze ans

Œuvres complètes de LamartineChez l’auteur (p. 79-81).
VIII


À UNE FIANCÉE DE QUINZE ANS




MÉLODIE




 
Sur ton front, Laurence,
Laisse-moi poser
De l’indifférence
Le chaste baiser.
Si je le prolonge,
Oh ! ne rougis pas !
On s’attache au songe
Qui fuit de nos bras.


Ma lèvre dérange,
Sur tes blonds cheveux,
Le bouquet d’orange
Embaumé de vœux ;
Ta main est promise,
Et l’autel est prêt :
Viens, que je te dise
Mon dernier secret !

J’ai deux fois ton âge,
Ta joue est en fleur ;
Mais ta jeune image
Rajeunit mon cœur.
Toi dans ma paupière,
J’avais dit au Temps :
« Je la vois derrière.
Marche ; moi, j’attends. »

Les mots de caresse
Que tu m’épelais,
Ces noms de tendresse
Dont je t’appelais,
Ennui dans l’absence
Et joie au retour,
C’était l’innocence,
Mais c’était l’amour.

Le bonheur qu’on sème,
Hélas ! n’éclôt pas.
Un plus heureux t’aime :
Va, cours dans ses bras.

Cette larme pure
Qui brûle ton front,
Ô triste parure,
Ses doigts la boiront.

Au rayon d’automne
Trop prompt à fleurir,
L’amandier couronne
Son front, pour mourir.
Tu fus, ô mon rêve,
Ce printemps d’un jour :
Mon cœur, c’est la sève ;
La fleur, mon amour !