À une femme de quarante ans (Albert Giraud)


À une femme de quarante ans


Dans tes grands yeux, emplis de chaude obscurité,
Où luisent vaguement les secrets de la vie,
J’ai puisé pour toujours la chimérique envie
D’un suprême plaisir que je n’ai point goûté.

L’arôme capiteux de ta maturité
Enivre puissamment ma chair inassouvie,
Et du fond du passé mon âme est poursuivie
Par l’éternel regret de ta virginité.

J’ai souvent jalousé, par les soirs pacifiques,
Les vaisseaux attirants, lassés et magnifiques
Dont l’orgueil du retour solennisait les mâts,
 
Et qui semblaient traîner, derrière leurs antennes,
Une émanation des ciels et des climats
Qu’ils avaient respirés dans leurs courses lointaines.