LUKNOW, 30 SEPTEMBRE.


Jadis célèbre par la beauté et la grâce de ses bayadères, la capitale des rois d’Oudh, voisine de Cawnpore, conserve le caractère d’un décor théâtral.

Ces souverains, que l’Angleterre allait écarter à jamais des honneurs du trône, semblent, avant leur chute, n’avoir eu qu’une préoccupation : repaître leurs regards de ses danses fastidieuses et monotones, au rythme lent et enfantin.

Des palais hâtivement construits en plâtre colorié, des salles décorées en stuc blanc et jaune, des pavillons aux larges baies en ruines, bâtis pour loger les danseuses, les favorites et leurs suivantes, c’est tout ce qu’ont laissé à l’admiration des contemporains, les Nababs de l’Oudh, la terre privilégiée de l’Inde, le berceau des plus puissantes races de Brahmes et de Kastryas. Après avoir franchi quelques portes en arc-de-triomphe qui mènent aux bazars, l’on rencontre dans le parc de la Résidence, l’habitation ruinée où une poignée d’Anglais se défendirent héroïquement en 1857 contre les troupes révoltées qui cernaient la ville, sous la conduite du roi d’Oudh, dépossédé.


L’Imambara à Luknow.

Deux indigènes visitent les salles dont les murs, criblés de trous de balles, s’écroulent d’année en année. L’un est très vieux, le visage ridé, la taille courbée par les années ; il explique au jeune homme qui l’accompagne les positions respectives des assiégés et des assiégeants ; un éclair de haine brille dans son regard et éclaire sa physionomie féline en lui désignant la place où les Musulmans furent repoussés par les renforts britanniques. Ils restent un long instant immobiles, rêveurs, évoquant sans doute la destinée qui aurait pu leur être meilleure ; puis le jeune homme coupe une branche de bougainvilliers violet, encadrant joliment une lucarne dans la muraille, il la baise et la cache dans son turban. Ils s’en vont et le vieux gardien chuchotte en me les montrant « Nabab Saheb’s brother ». Le frère du dernier roi d’Oudh.