À l’heure des mains jointes (1906)/Vous pour qui j’écrivis
VOUS POUR QUI J’ÉCRIVIS
Vous pour qui j’écrivis, ô belles jeunes femmes !
Vous que, seules, j’aimais, relirez-vous mes vers
Par les futurs matins neigeant sur l’univers,
Et par les soirs futurs de roses et de flammes ?
Songerez-vous, parmi le désordre charmant
De vos cheveux épars, de vos robes défaites :
« Cette femme, à travers les sanglots et les fêtes,
A porté ses regards et ses lèvres d’amant. »
Pâles et respirant votre chair embaumée,
Dans l’évocation magique de la nuit :
Direz-vous : « Cette femme eut l’ardeur qui me fuit…
Que n’est-elle vivante ! Elle m’aurait aimée… »