À l’heure des mains jointes (1906)/Toi, notre Père Odin
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TOI, NOTRE PÈRE ODIN
Le vent d’hiver s’élance, audacieux et fort,
Ainsi que les Vikings, en leurs nobles colères.
La tempête a soufflé sur les pins séculaires
Et les flots ont bondi… Venez, mes Dieux du Nord !
Vos yeux ont le reflet des lames boréales,
Les abîmes vous sont de faciles chemins,
Et vous êtes grands et sveltes comme les pins,
Ô maîtres des cieux froids et des races loyales !
Mes Dieux du Nord, hardis et blonds, réveillez-vous
De votre long sommeil dans les neiges hautaines,
Et faites retentir vos appels sur les plaines
Où se prolonge au soir le hurlement des loups.
Venez, mes Dieux du Nord aux faces aguerries,
Toi, notre père Odin, toi dont les cheveux d’or,
Freya, sont pleins d’odeurs, et toi, valeureux Thor,
Toi, Fricka volontaire, et vous, mes Valkyries !
Ecoutez-moi, mes Dieux, pareils aux clairs matins :
Je suis la fille de vos Skaldes vénérables,
De ceux qui vous louaient, debout auprès des tables
Où les héros buvaient l’hydromel des festins.
Venez, mes Dieux puissants, car notre hiver est proche,
Nous allons rire avec les joyeux ouragans,
Nous abattrons le chêne épargné par les ans,
Et les monts trembleront jusqu’en leur cœur de roche.
Nous poserons nos pieds triomphants sur les mers,
Nous nous réjouirons de la danse des vagues ;
Pour nous s’animeront les brumes, formes vagues,
Et pour nous brilleront les sillons de l’éclair.
Les mouettes crieront vers nous et vers l’orage
Que nous apporterons dans le creux de nos mains…
Or voici qu’on entend les combats surhumains
Et le cri des vaincus sur le blême rivage.
Voici, mes Dieux, que vous riez comme autrefois
Et que l’aigle tournoie au-dessus de son aire.
Nous avons déchaîné la meute du tonnerre,
Et les falaises ont reconnu notre voix.
L’espace écoutera nos farouches musiques
Et les cieux révoltés ploieront sous notre effort…
Venez à moi qui vous attends, mes Dieux du Nord !
Je suis la fille de vos Skaldes héroïques…