À genoux/Te Deam laudamus

Alphonse Lemerre (p. 5-8).
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I

LE LIVRE DES LOUANGES


D’un cœur depuis longtemps sombré dans un ciel noir.

Léon Dierx.



I

TE DEAM LAUDAMUS



 
À Toi qui, de ton ciel d’airain jamais obscur,
Entoures de clartés mon front d’esclave impur,
Maîtresse de mon cœur, belle entre les plus belles !
À Toi qui sais charmer les sens les plus rebelles
Et qui sous tes pieds blancs le long de tes chemins
Foules des cœurs brisés qui sont des cœurs humains ;
À Toi, femme en qui rien des femmes ne surnage,
Éprise de chaos, de bruit et de carnage,
Pareille seulement pour la grandeur aux dieux
À Toi j’ai dédié ces vers mélodieux.

Le son de la musique est cher aux âmes fortes.
Il est comme un écho des frivolités mortes
Que l’avenir farouche et noir remplacera ;
Il est ce qu’on perdit et ce qu’on admira ;
Il est ce qu’on écoute avec toute son âme,
Le rire d’un enfant, le baiser d’une femme,
Le souvenir d’un temps déjà vieux et glacé,
Le rêve du présent et l’amour du passé.

Plus tard, quand la tristesse et l’âge en qui tout sombre,
Quand ces deux noirs lutteurs de la bataille sombre
T’auront enfin brisée avec leurs fiers défis,
Tu te rappelleras ces vers que je te fis.
Et cela te fera sourire, ô ma Maîtresse,
De songer qu’en un temps d’opprobre et de détresse
Où chacun d’un côté désavouait son roi,
Moi, dans l’ombre, à genoux, je n’adorais que Toi.