Alphonse Lemerre (p. 52-53).
◄  Sextine
Les Fleurs  ►

XXII

LE BAISER


 
Nul ne connaît assez la puissance divine
Du baiser, qui n’est pas de celles qu’on devine,
Mais de celles qu’on sent par l’âme et par le cœur.
L’amour est un combat où nul ne sort vainqueur,
Et dans lequel tout mot qui passe, toute larme,
Tout rêve, tout aveu, tout délire est une arme
Que le Destin avec de longs raffinements
Enfonce dans le corps douloureux des Amants.
Mais le baiser ! hélas ! vous, jeunes gens, vous, vierges,
Vous, vieillards, déjà pleins de l’ombre que les cierges

Regarderont bientôt dans vos yeux consternés,
Vous seuls pouvez connaître, ô chers abandonnés,
Les longs baisers d’adieu que se donnent tes lèvres,
Si graves à la fois et si remplis de fièvres
Qu’on ne peut distinguer au fond des nuits de feu
S’ils viennent de la terre ou s’ils viennent de Dieu.