Alphonse Lemerre (p. 67-68).

XXX

LA BERCEUSE


En des temps très-anciens où des chœurs de Harpistes
Consolaient les vivants pendant leurs heures tristes,
Quand les Musiciens s’éloignaient un moment,
Les Hommes qui restaient écoutaient lentement,
Lentement, au travers du vent plein de musiques,
Sonner au loin le chœur immortel des rhythmiques
Vagues de la mer bleue où dormaient les yeux clos
Des Étoiles. Puis ils éclataient en sanglots,
Tordant avec un bruit profond leurs chevelures
Et sentant dans leurs cœurs remonter leurs brûlures
Rouges. Jusqu’au moment où les Musiciens
Recommençaient.

Recommençaient.Ainsi qu’en ces temps très-anciens,

Quand, las de la brûlure horrible de la vie,
Je regarde tes yeux, ô grande inassouvie,
Je sens monter en moi la consolation
Souveraine du mal et de la passion.
Et de même, si tu t’en vas, je recommence
À souffrir dans le fond du cœur ma plaie immense
Et je sens mes cheveux lentement se dresser ;
Jusqu’au moment où tu t’en reviens me bercer.