Éditions du Devoir (p. 115-117).


Le Mouton

De tous les animaux, le mouton fut toujours le plus persécuté, le plus ridiculisé.

Parce qu’il eut l’audace d’étancher sa soif dans le courant d’une onde pure, Lafontaine

Sans autre forme de procès.


le fit manger par messire Loup.

Bien avant le fabuliste, Rabelais, de joyeuse mémoire, avait créé pour la honte éternelle de tous les mammifères à laine, le mouton de Panurge.

Et depuis, si on parle d’un homme chez qui l’énergie fait défaut, tout de suite on s’exclame : C’est un mouton !

Eh bien, j’estime la comparaison odieuse ! Elle l’est au suprême degré lorsqu’il s’agit d’un député ministériel.

Odieuse, pas pour le député, mais bien pour le mouton. Car, en vérité, je vous le demande, en quoi un mouton ressemble-t-il à un député ministériel ?

Voyons franchement, avez-vous déjà entendu dire qu’un mouton ait fait peindre sa bergerie par les ouvriers du gouvernement ?

S’est-il jamais fait distributeur de whiskey, ou d’autres « arguments » électoraux de même nature.

Eh bien ! Pourquoi persister alors à lui jeter le mépris aux cornes ?

C’est d’une injustice criante, pour ne pas dire bêlante !

Prenons les qualités du mouton maintenant et nous en verrons bien d’autres.

Ce gentil animal nous fournit la laine. Les partisans du gouvernement ne sauraient en faire autant et le plus fameux d’entre eux, a tout juste du poil aux pattes.

Avec la graisse du mouton on fait des chandelles qui servent à nous éclairer. A-t-on déjà vu un député ministériel capable d’éclairer quoi que ce soit ?

Pour être juste, nous admettrons que la peau du mouton, comme reliure, n’est pas aussi bonne que celle du veau. C’est le seul point cependant où les députés ministériels puissent l’emporter.

Occis, le mouton est excellent en côtelettes, en gigots, voire en pâtés.

Je défie le plus barbare des anthropophages d’en dire autant d’un honorable député.